Haaretz, 7 mai 2004

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Trad/ : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Il est un peu étrange d’entendre dire qu’une petite minorité dicte la
politique de la nation. Ceux qui voient les choses de cette manière ont une
conception tres naïve de la democratie. Oui, des minorités bien organisées
et déterminées ont un avantage sur leurs adversaires. Cet avantage est un
fait avéré, il faut le dire, et il y a là-dedans une certaine forme de
justice. La vie politique est une lutte pour le pouvoir, cela est
incontournable : les gens qui ne supportent pas la chaleur doivent rester en
dehors de la cuisine, et ne pas se plaindre qu’une minorité organisée, qui
représente 3% de la population, leur coupe l’herbe sous le pied.
Quiconque avait encore besoin d’une preuve, vient de l’avoir. Il n’y a pas
de raccourcis en Histoire. Ce qui était vrai et essentiel avant 1949 est
aujourd’hui un désastre pour lequel la société israélienne va payer cher
pendant de longues années.
L’entreprise de colonisation est aujourd’hui la seule force socio-politique
organisée du pays. Le colon idéologique considère l’Histoire comme étant
guidée par la divine providence, et montre un goût du sacrifice sans limite.

Quiconque désire affronter réellement les questions essentielles doit
oublier l’episode du référendum de cette semaine et réfléchir è des
solutions plus complexes que les stratagèmes concoctés par les petits génies
du cabinet Sharon en coopération avec les sages architectes de la guerre en
Irak. La droite doit comprendre que la décision prise par la majorité du
Likoud n’est en rien un critère pour l’avenir ; et la gauche doit cesser de
courber l’échine devant Sharon et d’espérer qu’il tirera les marrons du feu
pour nous tous.

En termes pratiques, cela revient à dire que la société israélienne doit
absolument recomposer son paysage politique. Dans ce contexte, il ne faut
pas non plus négliger les points positifs : le sujet du référendum était
très limité, tres artificiel, et ressemblait davantage à un stratagème de
diversion qu’à un véritable combat. Il n’y avait à l’ordre du jour ni accord de
cessez-le-feu, ni traité de paix, mais un retrait sous la pression. On ne
demandait pas aux membres du Likoud de décider de l’avenir : les frontières
de paix et la fin de la guerre de cent ans avec les Palestiniens. Ils ont
compris que Sharon n’a aucune solution au problème de la résistance
palestinienne à Gaza, aucune solution au terrorisme, et qu’il a besoin d’un
gilet de sauvetage pour se retirer de Gaza sans que cela ait l’air d’une
fuite. Et ils n’ont pas voulu se montrer généreux envers l’homme usé et
meurtri qui dirige le gouvernement.

Il ne faut donc pas voir dans le vote des villes de développement (qui ont
vote contre , ndt) un signe qu’elles soutiendront les colonies. La plupart
des électeurs ont considéré que, si les colons de Goush Katif sont prêts à y
vivre et à y payer le prix du sang, ils ne seraient pas les mieux placés
pour leur dire de quitter leurs maisons. Pour alléger le fardeau de l’armée?
En ce qui les concerne, c’est la raison d’être de l’armée, et c’est pour
cela qu’il y a un budget militaire.

Le membre du Likoud de base connaissait la vérité, et la vérité est qu’un
retrait unilatéral n’est pas seulement admettre l’echec de la répression du
mouvement national palestinien par la force, mais aussi un pretexte pour
éviter d’affronter le problème essentiel, c’est-à-dire le futur des
territoires en général. La question posée donc à la base du Likoud était :
est-il bon de liquider Goush Katif dans le seul but de faciliter la tâche de
l’armée dans son rôle de gardien de l’énorme camp de détention qu’est la
bande de Gaza?

Le résultat du référendum de dimanche ne dit rien sur la question de savoir
si la population en général est prête ou non à se retirer de la plupart des
territoires dans le cadre d’un accord global. Pour poursuivre cet objectif,
il faut immédiatement mettre sur pied une large coalition qui avancerait une
solution de cet ordre, qui soit également acceptable par les Palestiniens.
Il n’y a pas d’autre voie que d’en revenir au point où les pourparlers de
Camp David se son interrompus. Tout le reste, solutions partielles ou
provisoires, retrait unilatéral, « enveloppe de Jérusalem », clôture, n’est
rien d’autre qu’une liste de potions magiques.