Communiqué de La Paix Maintenant

22 décembre 2007


Jeudi 20 décembre 2007, à Rome, en réponse au discours du cardinal qui venait, selon la tradition, de le faire chanoine honoraire de l’église Saint-Jean de Latran, un Président de la République française « décomplexé » (l’un de ses mots favoris) a livré une vision de la France tout aussi décomplexée.

Bien qu’en cette occasion, il s’adresse spécifiquement aux chrétiens, il reprend dans son discours une version communautariste de la France déjà annoncée dans un livre d’entretiens publié en 2004, soit bien avant les élections. En substance : aux chrétiens leurs curés ou pasteurs, aux musulmans leurs imams, aux juifs leurs rabbins, et les Français seront bien gardés (ce qui donne, dans le discours de Latran : « La désaffection progressive des paroisses rurales, le désert spirituel des banlieues, la disparition des patronages, la pénurie de prêtres n’ont pas rendu les Français plus heureux. C’est une évidence. »)

Ah, la disparition des patronages… Voilà donc la cause de nos maux.

Chaque passage du discours de M. Sarkozy serait à reprendre. Fort heureusement, les répliques et les analyses ne se sont pas fait attendre.

Nous nous en tiendrons ici à un seul point : l’école républicaine.

M. Sarkozy a notamment déclaré : « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance. »

La Paix Maintenant tient à réaffirmer son attachement aux valeurs de la République. Et la laïcité est l’une de ses valeurs principales, comme le rappelaient, il y a peu encore, la Commission présidée par Bernard Stasi et le rapport remis en 2004 au Conseil d’Etat.

M. Sarkozy n’hésitant pas à gommer en quelques phrases plus d’un siècle d’histoire de la République, nous lui répondrons par quelques autres phrases, prononcées en 1903 par le radical Ferdinand Buisson (1841-1932), qui fut directeur de l’enseignement primaire, président de la Ligue des droits de l’homme et lauréat, en 1927, du prix Nobel de la paix.

Ferdinand Buisson

C’est lors d’un discours au congrès radical que Ferdinand Buisson prononça ces quelques phrases qu’il est bon de rappeler aujourd’hui. Affirmant qu’« on ne fait pas un républicain comme on fait un catholique », il expliquait : « Pour faire un républicain, il faut prendre l’être humain si petit et si humble qu’il soit […] et lui donner l’idée qu’il faut penser par lui-même, qu’il ne doit ni foi ni obéissance à personne, que c’est à lui de chercher la vérité et non pas à la recevoir toute faite. […] Croire, c’est ce qu’il y a de plus facile, et penser, ce qu’il y a de plus difficile au monde […] il ne s’agit de rien moins que de faire un être libre […]. » [[Cité par Antoine Prost, Histoire de l’enseignement en France, 1800-1967, Paris, Armand Colin, 1968, p. 219.]]

M. Sarkozy, dernier extrait ici : « Bien sûr, ceux qui ne croient pas doivent être protégés de toute forme d’intolérance et de prosélytisme. Mais un homme qui croit, c’est un homme qui espère. Et l’intérêt de la République, c’est qu’il y ait beaucoup d’hommes et de femmes qui espèrent.».

M. le Président de la République, il n’est pas nécessaire d’être croyant pour espérer. Si tel était le cas, nous ne serions pas nombreux, à La Paix Maintenant, à espérer et à lutter pour l’avènement de la paix au Proche-Orient.

Un mot encore, M. le Président. Espérer, c’est bien, mais encore faut-il s’entendre sur le contenu de cette espérance. Nous croyons devoir vous rappeler qu’au Proche-Orient, par exemple, l’espérance de nombreux hommes qui croient n’est pas la nôtre. En revanche, de nombreux hommes qui, eux, ne croient pas, partagent avec nous la même espérance.

La Paix Maintenant