sur le site du Daily Star

The Daily Star, 21 mars 2006

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Alors qu’il vient à peine de former un gouvernement, le Hamas semble préférer s’en tenir aux versets de l’Ecclésiaste plutôt que de répondre aux désirs du Quartette (Etats-Unis, Russie, Union européenne, Nations Unies) chargé de combler le fossé qui divise Palestiniens et Israéliens. « Il y a un temps pour tout, un temps pour toute chose sous les cieux », cela convient à l’ordre du jour actuel du Hamas, car ses priorités et sa perception du temps sont différentes de celles de la communauté internationale qui le presse de faire immédiatement un certain nombre de déclarations publiques, la plus importante étant la reconnaissance du droit d’Israël à exister.

Le Hamas a conscience des obligations politiques qu’il doit remplir afin d’être pleinement accepté par la communauté internationale, mais ses dirigeants préfèrent attendre d’exercer complètement le pouvoir avant d’explorer ces questions. En outre, le Hamas, comme la plupart des Palestiniens, est en train de réfléchir au meilleur chemin pour avancer dans le processus de paix. A ses yeux, le processus actuel a produit des années d’inaction dans les négociations, et a permis que se poursuivent l’occupation et le vol de terres palestiniennes.

Par exemple, les dirigeants du Hamas font remarquer que tout au long de l’année qui vient de s’écouler, alors que le modéré Mahmoud Abbas était président, les Israéliens n’ont même pas daigné négocier avec lui. Ainsi, de leur point de vue, Israël ne va pas se précipiter pour négocier avec une quelconque autorité palestinienne, qu’elle reconnaisse son droit à l’existence ou non.

Les dirigeants nouvellement élus du Hamas se soucient plutôt de questions essentielles comme la préservation de la cohésion entre Palestiniens, la fin du chaos, l’état de droit, la lutte contre la corruption et la réforme de la gouvernance palestinienne. La plupart des Palestiniens sont en parfait accord avec ces priorités.

De fait, le dernier sondage d’opinion montre que 73% des Palestiniens se sentent autant ou même davantage en sécurité aujourd’hui qu’avant les élections. Sur un échantillon de 709 personnes, 30% ont dit qu’elles espéraient que le nouveau gouvernement du Hamas s’attaquerait à la corruption. 22% espèrent qu’Ismaïl Hanniyeh, le nouveau Premier ministre, mettra fin au chaos qui règne dans les villes palestiniennes et apportera la sécurité intérieure et l’état de droit. Près de 20% ont exprimé l’espoir que le problème du chômage serait traité. Ironie de la chose : alors que la majorité des Palestiniens a porté au pouvoir un mouvement religieux, seules 1% des personnes interrogées ont dit que la priorité du Hamas devait être l’application de la loi musulmane en Palestine.

Alors que le sondage montre qu’une écrasante majorité de Palestiniens (73%) est toujours en faveur d’un traité de paix avec Israël, les mêmes Palestiniens ne voient nullement un quelconque accord à l’horizon. Pour 11% des personnes interrogées, c’est la question des prisonniers qui doit constituer la première des priorités pour le nouveau gouvernement, soit presque le double de ceux pour qui c’est la question d’un accord de paix avec Israël qui devrait intéresser en priorité le gouvernement. Plus de 8.000 Palestiniens sont détenus dans les prisons israéliennes, dont beaucoup sans inculpation précise ni procès. Néanmoins, 62% pensent que le Hamas doit modifier sa position concernant la reconnaissance d’Israël.

Pour une superpuissance, mondiale comme les Etats-Unis, ou régionale comme Israël, il est difficile de comprendre qu’un groupe ou un peuple ose avoir des priorités différentes des leurs. Mais les Palestiniens ont montré au cours des années qu’ils sont un peuple fier qui ne pliera pas pour la simple raison que l’autre côté est plus fort, militairement ou politiquement.

De toute façon, on ne peut pas blâmer le Hamas de se servir de la promotion de la démocratie par l’Amérique pour chercher à atteindre ses propres objectifs. Après tout, qui veut être réélu doit répondre en priorité aux besoins de son propre peuple et pas nécessairement aux exigences de la communauté internationale. Ce n’est que lorsque les représentants élus traitent les problèmes quotidiens auxquels leur peuple fait face qu’ils peuvent commencer à aborder les négociations sur le plan extérieur.

Ce qui est clair, c’est que le Hamas et les Palestiniens veulent la fin de cette occupation israélienne vieille de 38 ans, et que vendre aux Palestiniens les mêmes plans que ceux qui ont été vendus à l’OLP ne marchera pas. Si Israël et la communauté internationale sont sincères et sérieux dans leur intention d’en finir avec l’occupation, le Hamas coopérera.

Le Hamas doit montrer de la souplesse face aux demandes légitimes de la communauté internationale, mais celle-ci se doit de présenter une feuille de route efficace qui mène à la paix. Une fois les Palestiniens convaincus qu’il existe une chance véritable de parvenir à la paix et à l’indépendance, ils feront pression sur le Hamas pour agir, et sinon, ils éliront un autre parti pour le faire.

Clairement, la communauté internationale a manqué de la volonté politique nécessaire pour faire pression sur Israël afin que celui-ci change. Pour le moment, et tant que cette volonté n’est pas démontrée, le monde doit laisser au Hamas le temps de s’occuper des besoins quotidiens des Palestiniens. Lorsque se profilera la possibilité de négociations sérieuses, un Hamas qui aura amélioré la vie des citoyens palestiniens ordinaires sera en position de mener les négociations nécessaires pour parvenir à un compromis historique.

NB : article transmis par Balanced Middle East News MidEastweb [->http://www.mideastweb.org], dont nous saluons une fois de plus l’excellent travail de collecte d’articles.