Les choses importantes concernant l’éventuelle décision européenne sur l’étiquetage des produits des colonies, c’est justement Dany Dayan qui les a dites – Dany Dayan, ancien président du Conseil régional des implantations de Judée-Samarie [la Cisjordanie] qui s’emploie aujourd’hui encore au développement des colonies dans les territoires occupés. Lors d’un entretien avec Nir Baram publié dans Ha’aretz du 4 juin, il a rapporté les propos d’un fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères américain: «Des années durant, nous vous avons pris pour des agents de la politique du gouvernement israélien. Nous avons brusquement compris que vous êtes autonomes, et que c’est le gouvernement qui est l’agent de votre politique.»

Et de fait, l’entreprise de colonisation a réussi à prendre le contrôle de la politique israélienne. Dayan a également expliqué pourquoi le boycott européen des produits des colonies ne l’inquiète pas : «Ça ne changera pas grand-chose, car l’entreprise de colonisation ne s’est pas faite en s’appuyant sur les zones industrielles, mais sur le nombre d’habitants, lequel croit en permanence. Il faut s’en souvenir, une fois les paroles envolées c’est la seule tendance qui dure.»

Ceux qui considèrent que l’entreprise de colonisation est illégitime et qu’elle entraîne pour Israël un affaiblissement de sa propre légitimité doivent apprécier le fait qu’Israël a été contraint d’accepter la création d’une commission de la FIFA qui débattra, entre autres, de la légitimité de la participation des équipes de football issues de colonies aux matches des ligues israéliennes. L’intention de la Commission européenne de publier ses recommandations pour l’étiquetage des produits des colonies doit être perçue positivement. Toute démarche, où que soit dans le monde, qui donne à comprendre à Israël que la «seule tendance qui dure» – l’accroissement du nombre de colons – est pour le pays un poison, renforce les chances d’y voir enfin un gouvernement qui le comprenne lui aussi.

L’Europe ne doit pas relâcher sa pression; elle dispose d’un pouvoir non négligeable. Elle finance l’Autorité palestinienne et il est possible que le moment soit proche où elle devra convenir que c’est ce financement qui permet en fait le refus politique israélien.

Il est commode pour la droite de prétendre que les pressions visant au boycott d’Israël relèvent de l’antisémitisme – et non d’une opposition à son obstination dans la poursuite de l’entreprise de colonisation, comme à son refus d’avancer de bonne foi vers un règlement [du conflit] avec les Palestiniens. C’est une assertion fondamentalement mensongère destinée à enrôler les Israéliens dans la défense des implantations. Certes, l’un des objectifs du BDS est le retour des réfugiés, mais il est clair que ce n’est pas celui des acteurs sérieux de la scène internationale qui commencent à perdre patience au regard des illusions israéliennes: d’un côté la volonté d’appartenir aux démocraties avancées de par le monde; de l’autre, l’obstination à maintenir les Palestiniens sous le joug de l’apartheid.

Particulièrement décevantes sont les réactions des chefs de l’opposition. Plutôt que soutenir qu’il n’y a pas de différence entre la gauche et la droite en matière de boycott, Yits’hak Herzog, Tsipi Livni et Yaïr Lapid doivent expliquer à l’opinion publique que la politique du Premier ministre durant ses mandatures est ce qui a fait virer beaucoup de gens dans le monde vers des positions anti-israéliennes – et mène Israël lui-même au désastre.