«Le nombre de Juifs à Silwan n’est pas assez important pour influer sur quelque accord à venir que ce soit», notent les démographes et autres spécialistes de la question ici cités par le journaliste du Ha’Aretz.


Malgré la mainmise de colons juifs sur 25 appartements dans le faubourg de Silwan, à Jérusalem-Est lundi soir, et les déclarations triomphalistes qui suivirent, l’examen de la démographie locale montre que les colons sont loin de constituer une majorité dans le quartier.

L’emménagement de lundi dernier, orchestré par l’organisation à but non lucratif Elad, a marqué le plus grand afflux de colons dans cette partie de la ville depuis vingt ans [1]. Le ministre Naftali Bennett, qui a visité la nouvelle implantation mardi, a qualifié l’événement d’«historique» et déclaré dans une vidéo publiée sur sa page Facebook que «dans la Cité de David, usuellement dénommée Silwan, il y a aujourd’hui une majorité juive. Cela signifie que la Cité de David fera à jamais partie d’Israël, et c’est un événement historique». Bennett a appelé «tout le monde à venir visiter la Cité de David durant les congés à venir».

Les chiffres démontrent cependant que les Juifs ne représentent que 3,5 % des habitants de Silwan. À l’intérieur même de la “Cité de David”, un quartier de Silwan appelé “Wadi Hilweh” par les Palestiniens, 18 % seulement des habitants sont juifs – en comptant les 25 nouveaux foyers.

Par contraste avec les quartiers juifs de la ville, il est difficile de préciser les limites des bourgs palestiniens. Les frontières traditionnelles entre familles, vergers et terres du moukhtar se sont estompées sous l’enchevêtrement de constructions, et Silwan s’est fondue avec Abu Thor, Jabel Mukhbar et Ras al-Amud. Mais quel que soit le découpage cadastral, le nombre des résidents palestiniens de Silwan s’étage de 20 000 à 50 000, tandis que celui des Juifs ne dépasse pas 700.

Les colons se concentrent en deux points du faubourg. Le plus important – une centaine de familles totalisant 500 personnes environ – se trouve dans la Cité de David, au sud du mont du Temple. Les familles qui ont occupé de nouveaux appartements dans cette enceinte dans la nuit de lundi feront grimper la population juive à environ 600 personnes; La seconde concentration consiste en 11 familles vivant à Beith Yehonatan et Beith Dvash, deux implantations isolées.

L’organisation Elad et Naftali Bennett ont plusieurs raisons de se focaliser sur la Cité de David. C’est un site archéologique que l’on croit être l’antique foyer de peuplement de Jérusalem, remontant à l’âge de bronze. Il est également contigu au mont du Temple et proche du Mur occidental [2]. Cela fait 25 ans qu’Elad installe là des Juifs dans l’espoir d’en faire un quartier juif. Son objectif déclaré est de s’assurer que le faubourg sera inclu dans la partie israélienne lors de la division de Jérusalem.

Mais à examiner la Cité de David proprement dite, on voit que les Juifs sont loin d’y être majoritaires. Selon l’annuaire 2008 de l’Office central de statistiques, 4 450 habitants sont inscrits sur les registres d’Ein Hilweh, dont les limites sont mitoyennes de la Cité de David. La zone dite de Wadi Hilweh fut supprimée de l’annuaire après 2008, mais on peut présumer que le nombre d’habitants palestiniens en son sein n’est pas beaucoup plus bas [qu’alors].

Une enquête précise de l’association Bimkom chiffre les résidents d’Ein Hilweh à 3 500. L’avocat Danny Zeidman, spécialiste de Jérusalem-Est, estime de 3 500 à 4 000 le nombre de résidents palestiniens du quartier, par rapport à quelque 600 Juifs.

Les colons se targuent de régner sur la majeure partie du territoire de la Cité de David. Même si l’on inclut les parcelles publiques détenues par l’État ou le Fonds national juif, dit Zeidman, les Palestiniens possèdent toujours la majeure partie des terres, en particulier si l’on tient compte des zones administrées par le Waqf [3] et l’Église orthodoxe grecque.

«En 1991, ajoute-t-il, lorsque j’ai commencé à m’intéresser à cette question, il y avait 1 400 colons dans les quartiers palestiniens de Jérusalem-Est. Maintenant, 23 ans et des dizaines de millions de dollars de subventions publiques plus tard, leur nombre a augmenté jusque 2 250. La réussite est-elle si grande?»

Le colonel (de réserve) Shaul Ariéli, membre de l’Initiative de Genève et du Conseil pour la paix et la sécurité, étudie les changements démographiques au sein des quartiers de Jérusalem-Est depuis la période antérieure à leur annexion par Israël en 1967.

«Si nous observons les vingt dernières années, le total de la population israélienne [à Jérusalem-Est] n’a pas excédé les 3 000 dans une population de 120 000 Palestiniens. Cela ne peut avoir d’impact démographique», note Ariéli.

«Dans tout accord futur avec les Palestiniens, la Cité de David est censée jouir d’un statut particulier en tant que part intégrante du bassin historique de la capitale; le quartier juif en son sein ne change donc rien à la ligne frontière à venir», dit-il.

«De quelque façon que vous voyiez les choses, conclut-il, la tentative des colons à Jérusalem est un échec. Ils ne sont parvenus à rien, sinon à susciter des frictions et une escalade.»

NOTES

[1] Pour en savoir plus, on pourra se référer au site de Shalom Akhshav:

En hébreu: [->http://peacenow.org.il/GivatHamatosandPeaceNow]

En anglais: [->http://peacenow.org.il/eng/Silwan_new_homes]

[2] Les fondations de la muraille ouest du Temple ou “Mur des Lamentations”.

[3] Fondation administrant les biens de l’Islam – Dans le cas de Jérusalem, particulièrement sensible en ce qui concerne l’esplanade des Mosquées sur le mont du Temple, la tutelle du Waqf est assurée par la Jordanie.

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