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Ha’aretz, 16 juillet 2006

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Les pleurs et les grincements de dents qu’on entend en ce moment contre les retraits du Liban et de Gaza sont dignes d’un sketch comique : « oï oï oï, nous nous sommes retirés du Liban et de Gaza et regardez ce qui nous arrive ».

Le problème n’est pas le nombre de victimes, de morts et de personnes enlevées que compte Israël depuis les retraits du Liban et de Gaza, mais dans quelle position stratégique ces retraits nous ont placés. Mieux vaudrait commencer par dire que malgré les similitudes entre les deux opérations militaire sur les deux fronts (tanks ici et là-bas, enlèvements ici et là-bas), il n’y a aucune similitude de fond entre les deux occupations.

Israël a occupé le Liban pour des raisons militaires et non au nom d’un rêve idéologique. Il n’a pas créé de colonies, même s’il a prétendu changer la politique libanaise (et échoué). Mais même cette prétention découlait de raisons de sécurité. En revanche, Gaza, et les territoires en général, sont devenus u rêve idéologique. Kfar Darom [colonie de la bande de Gaza avant le retrait] était aussi sacrée que Jérusalem, le Grand Israël s’étendait de la Méditerranée au Jourdain.

Le caractère de l’occupation a joué sur le caractère des retraits. Le retrait du Liban a été total, jusqu’aux points les plus minuscules délimités par les Nations Unies. Si total que même les gouvernements syrien et libanais n’ont pu le contester. Au point qu’ils n’ont pu que demander, par des canaux diplomatiques, que les Fermes de Shaba [situées en territoire syrien selon les cartes internationales] soient désormais reconnues comme territoire libanais, puis exiger qu’Israël s’en retire.

Le retrait total du Liban est ce qui donne à Israël aujourd’hui l’entière légitimité de mener une guerre contre le Hezbollah et aussi de tenir le Liban pour responsable du comportement de cette organisation. Quant à savoir si un assaut suscitera un comportement différent de la part du gouvernement libanais, c’est une autre question. Il semble qu’au Liban, il n’y ait pour le moment aucun gouvernement capable de bloquer le Hezbollah, en particulier depuis la rupture entre le Liban et la Syrie, qui ne considère plus comme un succès à elle le rétablissement du Liban et la préservation de l’harmonie censée y régner. Ainsi, la nature des actions israéliennes est une question de résultats, et non de légitimité, qui lui est acquise inaliénablement, avec une réserve : la proportionnalité de ses réactions doit être maintenue.

L’opération militaire à Gaza est d’une nature complètement différente. Israël, qui à bon droit, exige du Hamas qu’il reconnaisse les accords signés entre Israël et l’Autorité palestinienne, est signataire des accords d’Oslo, qui stipulent que Gaza fait partie intégrante de la Palestine. En d’autres termes, un retrait de Gaza, même sur la frontière internationale, est comme le retrait d’une partie d’un pays, et non la fin de l’occupation.

Contrairement au retrait du Liban, le retrait de Gaza a été délibérément conçu pour protéger la majorité des colons de Cisjordanie d’un retrait. Le retrait de Gaza a servi une idéologie pas moins que son occupation : c’était une nouvelle démarcation du Grand Israël et non les frontières d’un Etat. En comparaison, le retrait du Liban a découlé d’une prise de conscience, bien tardive, qu’on ne peut défendre des frontières légitimes à partir d’une position au-delà de ces frontières.

(…) Le retrait de Gaza en lui-même ne peut pas donner à Israël la légitimité que lui a donnée le retrait du Liban. Israël a été et demeure responsable de la vie à Gaza. Il reste l’occupant qu’il faut jeter dehors par tous les moyens. Le retrait du Liban a donné à Israël la position stratégique d’un pays dont l’espace territorial a été violé, et lui accorde en cela une permission pleine et entière d’entreprendre des actions militaires, même si leur efficacité peut être mise en doute. Le retrait de Gaza, en revanche, n’est rien d’autre qu’une perpétuation de l’occupation par d’autres moyens, plus confortable parce qu’il n’y a plus de colonies, mais pas moins brutale.