Alors que selon l’ambassadeur français à l’ONU, la France et l’Union européenne « réfléchissent à l’option de reconnaître un Etat palestinien dans l’optique de créer un horizon politique à même de relancer le processus de paix », la société civile israélienne commence à se mobiliser. Il y a deux semaines, c’était une quarantaine de personnalités, dont beaucoup d’anciens officiers de haut rang, qui lançaient une initiative de paix israélienne en réponse à l’initiative de paix arabe de 2002 *.

Cette semaine ce sont 21 lauréats du prix d’Israël qui lancent une pétition en faveur de la création d’un État palestinien aux côtés d’Israël. Parmi ces pétitionnaires, figurent les professeurs Yéhoudah Bauer et Ze’ev Sternhell, le graphiste David Tartakover, l’ex-président de l’Académie des sciences Menachem Yaari, la fondatrice du Meretz Shoulamit Aloni, l’actuelle conseillère municipale de Tel-Aviv et fille de l’ex-général Moshé Dayan Yaël Dayan, le peintre et sculpteur Danny Karavan, ainsi que le dramaturge Yéhoshua Sobol.

Au cours du rassemblement qu’ils ont organisé à Tel-Aviv jeudi, le professeur Yéhoudah Bauer, spécialiste de la Shoah, a notamment déclaré: « Je parle d’un point de vue sioniste. Le sionisme a pour finalité la préservation d’un foyer juif national avec une solide majorité juive – c’était le rêve des gens de gauche, de droite, et du centre du sionisme classique. Mais la poursuite de l’occupation garantit l’invalidation du sionisme dans la mesure où elle écarte toute possibilité pour le peuple juif de vivre sur sa terre avec une majorité substantielle tout en bénéficiant d’une reconnaissance internationale. À mes yeux, cela rend le gouvernement d’Israël clairement antisioniste. »


Le rassemblement auquel participaient 21 lauréats du Prix d’Israël s’est achevé par la signature symbolique d’une déclaration d’indépendance près de la salle où fut déclarée l’indépendance d’Israël à Tel-Aviv.

Des figures majeures de la vie culturelle et de la gauche israélienne, dont plusieurs lauréats du Prix d’Israël, ont été insultées jeudi lors du rassemblement de soutien à l’indépendance d’un État palestinien. La manifestation, qui avait lieu à l’extérieur du Hall où Ben Gourion avait proclamé l’Indépendance d’Israël en 1948, a été perturbée par des militants de droite équipés de mégaphones criant notamment « Intellectuels de gauche, tout cela se retournera contre vous », « Kahana avait raison », et « Traîtres ».

Les organisateurs de ce rassemblement affirment que les forces de l’ordre n’ont pas fait écran entre manifestants de gauche et de droite, comme ils le font d’ordinaire lors des manifestations organisées par la droite israélienne.

Le discours de l’actrice (et lauréate du Prix d’Israël) H’anna Maron a été interrompu plusieurs fois par les contre-manifestants hurlant à la « cinquième colonne ». Les perturbateurs semblent même avoir continué après le rappel par les organisateurs que H’anna Maron avait perdu sa jambe lors d’une attaque terroriste contre un avion d’El-Al en 1970.

Le ministre de la défense Ehud Barak a fait publier un communiqué après cet événement, affirmant que les désaccords devaient être résolus « sans traiter quiconque de traître et sans violence ». « L’État d’Israël est à la croisée des chemins et nous voulons tous un État d’Israël plus sûr et plus fort », a ajouté Ehud Barak. « J’appelle les manifestants de chaque camp à faire preuve de sens des responsabilités. »

Avant le rassemblement de jeudi, les organisateurs avaient prévu de signer une déclaration portant sur l’indépendance de l’État palestinien, et invitant la population à venir la signer. Cette déclaration proclame notamment :

« Israël est le lieu où naquit le peuple juif et où se forgea son caractère national. La Palestine est le lieu où naquit le peuple palestinien et où se forgea son caractère national. […] Nous appelons tout individu en quête de paix et de liberté pour les deux peuples à soutenir la déclaration d’indépendance de l’État palestinien, et à agir dans un sens qui encourage les citoyens des deux peuples à nouer de bonnes relations sur la base des frontières de 1967. La fin de l’occupation est une condition sine qua non de la libération des deux peuples. »

Les coordinateurs de cet événement insistent sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une manifestation symbolique, mais plutôt de l’une des initiatives d’un large processus visant à légitimer une alternative à la politique israélienne actuelle.

« Il ne s’agit pas d’un mouvement de naïfs béats, l’un des initiateurs du rassemblement est un éditorialiste d’Ha’aretz. » rappelle Sefi Rachlevsky. « Au lieu d’être le premier à tendre la main et à soutenir le processus d’indépendance des Palestiniens, Israël freine des quatre fers. Ce n’est plus seulement une erreur morale, cela conduit à présent à une catastrophe politique. L’État d’Israël s’est isolé de lui-même, à la manière de l’Afrique du Sud [au temps de l’Apartheid.NdlR]. »