Ha’aretz, 21 juin 2005

Traduction Kol Shalom (les Amis Belges de Shalom Akhshav)


Le 38ème anniversaire de la guerre des Six Jours a été récemment célébré. Quelque 70% de citoyens d’Israël sont nés après la fin de cette guerre. Même parmi ceux nés avant et qui étaient assez âgés pour se souvenir, beaucoup sont des immigrés qui ne vivaient pas en Israël à ce moment-là. C’est significatif parce que la vaste majorité des citoyens vivant actuellement en Israël ne connaissent pas d’autre réalité politique que celle forgée dans l’ombre de l’occupation et des implantations.

La plupart des Israéliens en vie aujourd’hui ne peuvent imaginer un pays qui n’investit pas une immense part de ses ressources dans le graissage des rouages de l’occupation et des colonies. Sans aucun doute, il s’agit ici de l’une des clés pour la compréhension du secret du pouvoir des colons.

Etant donné la situation dans laquelle la majorité des Israéliens ne connaît qu’une réalité, celle-ci charge d’un lourd fardeau le camp politique qui voyait et continue de voir les colonies comme un crime historique. Il incombe à ce camp de convaincre les Israéliens qu’il est non seulement possible de vivre différemment, mais qu’ils méritent même une qualité de vie différente.

Une manière d’expliquer l’effet destructeur de l’entreprise de colonisation sur le public israélien consiste à comparer l’occupation des Territoires en 1967 et l’occupation d’une grande part du Liban, exactement 15 ans plus tard. Il est à noter que cette occupation a pris fin seulement après 18 ans.

Beaucoup de verbiage a été consacré ces dernières décennies pour décrire la folie criminelle du plan mégalomane du Ministre de la Défense d’alors Ariel Sharon qui a erronément mené l’Etat d’Israël profondément à l’intérieur du Liban. Cependant, il y a un péché pour lequel ce plan était entièrement innocent – le péché de la colonisation. Non pas qu’il manquait de raisons pour s’implanter au Liban. La même batterie d’arguments compliqués qui ont été formulés par les partisans de l’entreprise de colonisation de la Cisjordanie et de Gaza était tout aussi valide – d’après ces individus – une fois qu’Israël ait achevé l’occupation de plus de la moitié du territoire du Liban en 1982.

Le rabbin Israel Ariel, un dirigeant sioniste religieux, a dit dans une interview dans le magazine des colons, Nekuda, qui a paru deux mois (le 6 août 1982) après le début de la guerre du Liban, « Si les forces de défense israéliennes restent là pendant un an, il y aura de bonnes raisons pour commencer à discuter d’implantations. A mon avis, ceci est notre vrai défi. C’est une région qui nous a été donnée pour nous consoler après que nous avons perdu le sud (en référence au retrait du Sinaï, D.E.). Dans Sa Droiture, le Saint, Béni Soit-Il, nous a donné une nouvelle terre à posséder. Les implantations inaugureront un nouvel éveil des gens. La même chose devrait être faite au Liban. Israël devrait s’implanter là. »

Deux mois plus tard, le rabbin de Kiryat Arba, Dov Laor, s’est exprimé de la même manière : « Maintenant, aussi bien, après la guerre, nous devons aspirer à nous implanter dans ces territoires » (Nekuda, Edition n°84).

Dans la même édition de Nekuda, l’expert des Etudes de la Terre d’Israël, Yoel Elitzur, l’un des fondateurs d’Ofra, a écrit un article érudit qui a été titré « Le Liban est-il aussi une Terre d’Israël ? ». Elitzur a répondu à sa propre question par l’affirmative, sauf que pour des raisons compréhensibles, il a été prudent de ne pas tirer des conclusions politiques opérationnelles.

Cette sélection de déclarations démontrent que ces colons qui à l’époque constituaient le groupe dynamique derrière l’entreprise de colonisation en Cisjordanie et dans la bande de Gaza ont vu beaucoup de similarités entre la situation de 1967 et la situation en 1982. Ces deux situations ont exposé au grand jour la tension inhérente dans la relation entre l’Etat d’Israël et la Terre d’Israël – une tension que les colons sont encore incapables de résoudre aujourd’hui, presque 38 ans après l’établissement de la première implantation.

Il est aujourd’hui facile de décrire l’affreux tourbillon de violence dans lequel l’Etat d’Israël aurait été entraîné si les idées de ces colons – de mettre en oeuvre l’entreprise de colonisation sur le territoire de la « Terre d’Israël » qui est attribué dans le Livre de Josué aux tribus de Zébulon et Dan – avaient été acceptées. Ce serait facile à décrire, comme cela a été la norme pour les dernières 38 années.

La seule différence est que les colonies existantes n’étaient pas créées dans une région identifiée à des terres tribales de Dan ou Zébulon, mais dans des territoires identifiés aux tribus de Juda, Benjamin et Ephraïm. Le fait que les dirigeants politiques israéliens de l’époque n’étaient pas enclins à adopter les idées particulières de ces rabbins et colons est tout à leur honneur, bien sûr, mais cela montre également ce que pourrait être la situation d’aujourd’hui si avions su comment résister au feu messianique que les colons ont allumé en 1967. Ce feu n’est toujours pas éteint.