Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Par le jeu d’une totale coincidence, le jour ou le kamikaze tuait 19 personnes
sur la route de Gilo, la commission des Affaires etrangeres et de la Defense
de la Knesset examinait les problemes de securite des colonies. Il etait tard, et seuls le depute Ran Cohen et une poignee de colons etaient restes ecouter le rapport de Yossi Vardi, adjoint au ministre de la Defense pour les colonies, et un briefing d’un haut gradé de la branche Operations de Tsahal.

Cohen n’en croyait pas ses oreilles. Vardi rapportait que Tsahal avait alloue 50 millions de shekels (1 shekel = 5 $ environ) pour la protection des colonies au debut de l’annee, plus 50 autres millions pour les sentinelles, les bus blindes, les clotures et les moyens electroniques de surveillance. Mais cela n’etait rien compare a la demande de 1,1 milliards de shekels du Fornt Interieur, avec une avance immediate de 200 millions.

Cohen nota tout ce que l’officier rapportait. Tsahal a aujourd’hui trois fois plus de soldats (reservistes et appeles) pour la protection des colonies qu’il n’en avait avant l’intifada. 1000 reservistes supplementaires ont ete recemment deployes dans le cadre de la defense regionale. Tsahal ne fait pas la difference entre les colonies legales et les 60 avant-postes etablis illegalement avec les encouragements du Conseil de Yesha (representant les colons de Cisjordanie et de Bande de Gaza, ndt), comme celle du district de Binyamin, qui a commence par etre un relais pour telephones portables, et qui dispose maintenant d’un mikve (bain rituel).

Tsahal n’a pas assez de main d’oeuvre pour les proteger tous. En d’autres termes, la protection des avant-postes se fait aux depens des colonies plus anciennes. Selon le rapport a la commission, certaines colonies ne sont protegees que par trois soldats au maximum, en general non formes.

Hier, le chef d’etat-major Shaul Mofaz a dit a la commission qu’avant la fin de l’annee, l’armee allait appeler des reservistes pour un total de 5 millions de jours de reserve.

Cohen ecrivit au Premier ministre et au ministre de la Defense : « alors que les conducteurs d’autobus reclament a grands cris des gardes pour proteger les civils, le gouvernement affecte d’enormes budgets a la protection d’avant-postes illegaux dans les territoires ». Il ajouta que s’il y avait eu un garde dans le bus de Gilo, il etait raisonnable de supposer qu’il aurait abattu le kamikaze avant que la bombe ait pu exploser.

Le ministre Effie Eitam du Parti national Religieux, est le representant des
colons au sein du gouvernement. Il exige que son collegue au gouvernement,
Shimon Peres, et les associes de Peres responsables des accords d’Oslo, paient le prix pour les morts. « Les gens en route vers leur travail sont sacrifies sur l’autel paien des accords d’Oslo », a dit Eitam a la Knesset. « Portez le deuil pour les 500 morts et demandez pardon », a-t-il exige. « Votre vie toute entiere n’y suffira pas ».

Dans une question au Parlement, le depute du Shinoui Joseph Paritzky a demande au ministre Eitam de nommer les politiciens qu’il considere comme
responsables de la morts de centaines d’Israeliens, y compris une repartition precisant qui est responsable pour chacune des victimes, et combien de victimes doivent etre attribuees a chacun.

Du petrole en feu a Jerusalem

L’emissaire de l’Union europeenne , Miguel Moratinos, revenait hier sur les
pourparlers de paix de Taba, au debut de l’annee derniere. Selon lui, apres que le ministre des Affaires etrangeres de l’epoque, Shlomo Ben-Ami, soit parvenu a un accord avec la delegation palestinienne sur l’importance du retrait de Cisjordanie, des cartographes furent invites a traduire les pourcentages en cartes.

Pour Moratinos, les experts ne furent pas capables de dessiner une ligne continue reliant les differentes zones de l’Etat palestinien. Le diplomate espagnol a dit que quelques semaines avant que Ben-Ami ne quitte son ministere, il plaida aupres de lui pour que l’Europe surveille de pres l’expansion des colonies et l’avertit que si l’expansion se poursuivait, « il n’y aurait pas de paix ». Moratinos notait qu’un gel des colonies etait inclus dans le programme du gouvernement, et remarquait tres
diplomatiquement que cette expansion ne contribuait pas a calmer l’atmosphere.

Au moment ou Moratinos s’adressait aux membres du club de la presse du Forum
pour la Promotion des Relations entre Israel et l’Union Europeenne, le conseil supreme du plan pour la Judee et la Samarie se reunissait a Beit El. Sur la table etait deployee une carte, nommee Etape 1, du plus grand projet de colonie envisage ces dernieres annees (12.000 dounam, soit 1.200 ha).

Selon les explications annexees a la carte, cette zone est destinee a accueillir de l’industrie high tech, des entreprises commerciales de gros et de detail, des garages, de l’industrie legere, des bureaux, des installations sportives, des emplacements de parking, des stations essence et d’autres activites. Pour « repondre aux besoins urbains et regionaux » de la municipalite de Jerusalem, le plan comprend une recommandation d’affecter certains des 12.000 dounams a un centre de transport d’Egged (compagnie d’autobus, ndt), un commissariat de police comprenant une cellule, et un parc d’attractions pour les enfants de Jerusalem.

Les gens bien informes du cote israelien connaissent ce plan sous le nom de E1, ou celui de « centre regional d’emplois pour Jerusalem ». Sous cette appellation innocente se cache l’intention de relier Maale Adoumim aux quartiers Nord et Est de Jerusalem. Du cote palestinien, le plan est considere comme une manoeuvre pour eliminer les reserves de terres les plus importantes, disponibles aujourd’hui pour la population palestinienne de Jerusalem-metropole.

Le plan fut concu sous le gouvernement Rabin, mais il y a trois ans, Ran Cohen, alors ministre de l’industrie du gouvernement Barak, ordonna de le remiser au placard, lorsqu’il s’apercut que pres d’un quart du projet de developpement des zones industrielles etait affecte aux colons, qui ne representent que 3% de la population.

Le conseil du plan a approuve hier tous les aspects environnementaux du projet. Il s’agit de la derniere etape avant que le projet soit approuve que le ministre de la Defense le paraphe (car, apres tout, il concerne les territoires occupes) et que les tracteurs se mettent au travail. Quand il est sorti de l’ombre, l’Autorite palestinienne et le gouvernement americain ont qualifie le projet de « dernier clou plante dans le cercueil » de tous les plans de paix.

Aux pourparlers de Taba, que Moratinos decrivait hier, les representants israeliens comprirent qu’ils devaient choisir entre E1 et un accord de paix. Ils choisirent l’accord. Il sera interessant de voir ce que les Americains et les Europeens auront maintenant a dire a propos d’E1.