Comment se fier à l’opinion d’un gouvernement incapable de comprendre que le but des pourparlers n’était pas de mettre l’Iran à genoux ? Reste que la formule de Genève pourrait être opératoire quant à la la paix israélo-palestinienne aussi.


À en croire Benyamin Nétanyahou, le récent accord de Genève sur l’Iran est une erreur historique. Pourquoi ? Car il n’a pas rempli les objectifs définis du point de vue israélien comme constitutifs d’un bon accord. Autrement dit, au lieu d’aboutir à la capitulation de l’Iran, il s’est conclu par un compromis.

Et pourtant, telle est la nature d’un accord selon l’acception générale : un compromis vivable pour les deux parties. Pareil compromis ne répond pas à toutes les attentes d’un camp ou de l’autre, mais il fonde un nouveau mode de coexistence. C’est ce qui s’est passé dans les négociations entre l’Iran et les puissances occidentales, mais ce n’est pas ainsi qu’on l’entend dans les sphères officielles de l’État d’Israël. Les pourparlers, y croit-on, auraient dû aboutir à que leur propre force de frappe aérienne n’avait pu effectuer : la destruction totale du potentiel nucléaire iranien.

Manque de chance, Barack Obama n’est ni à notre solde, ni à celle d’Abe Foxman et de ses amis de l’Aipac. L’objectif des pourparlers n’était pas de mettre l’Iran à genoux. Comment se fier encore à l’avis d’un gouvernement qui ne l’avait pas compris depuis longtemps ?

Nétanyahou est convaincu, et à juste titre, que les Iraniens vont essayer de mentir et tricher. Comment le sait-il ? Parce que c’est ce qu’il ferait à leur place. N’est-ce pas ce que son gouvernement pratique mieux que tout autre chose jour après jour dans les territoires occupés, mentir et tricher sans vergogne ? Cette stratégie n’a pas été inventée par Nétanyahou – Ariel Sharon et d’autres Premiers ministres l’ont précédé sur cette voie. L’entreprise de colonisation tout entière a été menée subrepticement, en usant de méthodes mafieuses et en piétinant la législation et les règles admises, tout en spoliant la population locale. Pour Nétanyahou, mensonges et tromperies sont une des bases des relations internationales, une expression d’intelligence politique et d’efficacité sur le terrain.

Quoiqu’il en soit, les implications des négociations avec l’Iran vont bien plus loin que ce à quoi l’on est arrivé à Genève. De nouveaux modes de pensée et d’action ont y été établis, qui pourraient s’appliquer aux tentatives de résolution du conflit israélo-palestinien. Là est la plus transposable de ces conclusions : un effort concerté des 5 puissances + 1 pour amener les deux parties à la table de négociations et les contraindre à commencer à parler sérieusement. Il sera difficile de jouer au plus fin avec ces nations. L’arrêt de la construction dans les Territoires, l’étiquetage des produits qui en proviennent et des négociations sérieuses quant aux frontières futures d’un État palestinien sont des mesures auxquelles une vaste majorité de citoyens occidentaux fait aujourd’hui bon accueil.

On verra bientôt combien d’obstacles peuvent être mis aux plans de la Maison-Blanche par les organisations juives des États-Unis – et peut-être vaudrait-il mieux ne pas avoir à l’observer. Par conséquent, si les négociations directes pilotées par John Kerry devaient aller dans le mur, la possibilité de réunir une conférence internationale resterait ouverte. S’il s’avère que le processus politique entamé à Genève réussit, si une stricte surveillance montre que l’Iran se plie aux accords et a été stoppé dans sa course au nucléaire militaire, le schéma genevois deviendra alors la seule voie permettant afin de résoudre le conflit israélo-palestinien.

Dans un tel scénario, la question sera de savoir s’il y a une majorité d’Israéliens prêts à sacrifier l’avenir de ce pays sur l’autel des implantations. Il est fort probable qu’on s’apercevra à ce moment de vérité que la plupart des Israéliens n’ont pas pour désir de vaincre les Palestiniens, mais bien d’arriver à un accord avec eux, et qu’ils sont prêts à mettre fin à l’occupation et à l’annexion de Jérusalem-Est, et à revenir à une version améliorée des frontières de 1967. Aboutir à un compromis sans capitulation devrait être l’objectif d’une conférence de Genève II : des élections ou un référendum des deux côtés de la Ligne verte, la fin du rêve palestinien du retour, et l’établissement d’un État palestinien souverain dans le cadre du partage fixé à l’issue de la guerre d’Indépendance.