Gentille comptine mais sans doute « méchante » réalité après les élections du 2 mars, troisième tour en moins d’un an, les deux premiers s’étant tenus les 9 avril et 17 septembre 2020.

Les sondages, qui ne sont que des sondages, laissent en effet présager une stabilité des blocs en présence : aucun ne serait en mesure d’obtenir une majorité de sièges, soit 61. Le parti Israël Beiteinou, dirigé par Avigdor Lieberman, conservera son pouvoir de « faiseur de roi ». Cette situation conduira-t-elle vers un quatrième tour dont personne ne veut..? De même que précédemment, on s’en souvient, personne ne voulait d’un troisième tour… ni d’un second.

Cependant, à situation identique, rien ne dit que l’issue sera identique. En effet, le parti Bleu-Blanc pourrait cette fois terminer en tête, avec un avantage de deux ou trois députés. Son leader pourrait alors se voir confier en premier le soin de former un gouvernement. Ce qui serait susceptible de changer sensiblement la donne : le procès de Netanyahu débutera le 17 mars, en plein processus de formation du gouvernement. Ce serait la première fois qu’un Premier ministre en exercice, certes à titre transitoire mais Premier ministre néanmoins, serait poursuivi au pénal.

Il est peu probable que l’annonce du procès dissuade les électeurs du Likud de voter pour leur parti. Par contre, cette situation pourrait influer sur le déroulé des tractations en cours, sachant que le délai dont disposerait B. Gantz serait plus long que celui mis à sa disposition lors des élections précédentes : 28 jours plus un délai supplémentaire de deux semaines si besoin, contre 28 jours seulement pour celui qui viendrait en second pour composer un gouvernement. Le temps peut s’avérer essentiel pour faire bouger les lignes dans le contexte particulier dans lequel le pays sera plongé.

La situation d’un Netanyahu en procès pourrait inciter Avigdor Liberman à se rallier cette fois à un bloc conduit par Gantz, surtout si Israël Beytenou a eu du mal à conserver ses positions antérieures car les élections seront passées et s’ils ont perdu des voix parmi ces 140 000 nouveaux électeurs, le parti n’aurait plus envie de courir le risque d’un quatrième tour… Les enquêtes d’opinion parmi ces électeurs montrent une vive opposition à un quatrième tour et leur conviction que le parti pour lequel ils vont voter n’est pas un problème à la formation d’un gouvernement mais bien au contraire, la solution.

Dans ces conditions, la priorité pour Bleu Blanc est d’arriver en tête de manière indiscutable, avec une avance de l’ordre de quelques sièges et non pas d’un seul comme en septembre 2019 (à égalité en avril). Cette impérieuse nécessité explique la stratégie mise en œuvre par Gantz de prendre ses distances par rapport à liste arabe unifiée. Pas toujours « sympathique » car pouvant parfois apparaître proche du racisme anti-arabe que propage la droite, elle est néanmoins cohérente en ce qu’elle est susceptible de lui permettre de mordre sur l’électorat du centre-droit.

Bleu Blanc pourrait par ailleurs bénéficier de voix d’électeurs « de gauche », rassurés par l’union du Parti travailliste, de Gesher et du Meretz quant au franchissement désormais assuré du seuil d’éligibilité. Ils pourront alors se permettre de voter « utile », avec leur tête disent certains, sans courir le risque de perdre ce à quoi leur cœur est attaché, la survie du Parti travailliste ou du Meretz. S’agissant de ce dernier parti, certains de ses électeurs ne se consoleront pas de l’absence de candidats arabes à une place éligible, ce qui était dans l’ADN de Meretz quelle que soit son appellation, en remontant jusqu’au Mapam, et ils voteront sans doute Liste arabe unifiée ou s’abstiendront. Au même moment, une partie des électeurs arabes qui avaient contribué au sauvetage du Meretz et qui perçoivent dorénavant que leur apport n’est plus indispensable, voteront également Liste arabe unifiée. Ce qui expliquerait un recul de la « liste de gauche » qui, unie, obtiendrait moins de sièges qu’en septembre dernier (8 ou 9 contre 11) alors que la Liste arabe unie est donnée en progression (15, voire 16 contre 13).

Ce troisième tour sera-t-il celui qui verra la fin de l’ère Netanyahu ou bien, de par la rage de survie politique de ce dernier, ne sera-t-il que le prélude à un quatrième tour? On sait qu’en Israël rien n’est moins assuré que le certain et que le possible et l’improbable font souvent bon ménage.

Entre temps, les problèmes existentiels du pays perdurent et la colonisation se poursuit alors que le ministère du Logement vient de commencer à faire avancer un projet de construction d’un nouveau quartier juif sur un emplacement de Jérusalem-Est prévu dans le plan Trump pour être un centre touristique palestinien et qui se trouve être le dernier espace libre à Jérusalem-Est.

Autant de raisons pour poursuivre notre soutien à ceux qui œuvrent sur le terrain pour faire progresser les solutions politiques et non perpétuer les problèmes et pour endosser, Juifs ou pas, l’appel de la Coalition mondiale des Juifs de la diaspora contre le plan Trump : « Nous appelons donc les Juifs du monde entier, nos gouvernements nationaux, et toutes les personnes attachées à une paix juste, à s’opposer à ce plan. Et nous nous engageons à redoubler d’efforts pour travailler avec les Israéliens et les Palestiniens à un avenir où ils pourront vivre dans la paix, la liberté, la dignité et la sécurité. »

https://www.lapaixmaintenant.org/coalition-mondiale-des-juifs-de-la-diaspora-contre-le-plan-du-president-trump/

Mis en ligne le 20 février 2020