La lettre suivante a été envoyée au Premier ministre Benjamin Netanyahu par le partenaire stratégique israélien d’Israel Policy Forum, Commanders for Israel’s Security (CIS)*, afin de lui demander d’arrêter le processus menant à l’annexion de la Cisjordanie. CIS est un mouvement composé de plus de 290 généraux de haut rang des Forces de défense d’Israël (FDI), du Mossad, du Shin Bet et de la police israélienne qui ont conclu, sur la base de leur expertise et de leur expérience en matière de sécurité, que l’annexion de la Cisjordanie nuirait gravement aux intérêts d’Israël. Le Premier ministre Netanyahu a rejeté leur lettre.

La lettre a été traduite par Israel Policy Forum.


Traduction : Bernard Bohbot pour LM

Photo : ©isrealpolicyforum.org

Israel Policy Forum, 21 mai 2019 

https://israelpolicyforum.org/2019/05/21/israeli-generals-to-prime-minister-netanyahu-stop-annexation/?fbclid=IwAR1Xn14oWsvxfz2Nri205sGrYGdM


Monsieur le Premier ministre Netanyahu,

Des centaines de membres du mouvement des Commandants pour la sécurité d’Israël et de nombreux autres membres éminents de l’establishment de la défense souhaitent vous mettre en garde contre les dangers que font encourir à la sécurité de l’Etat les mesures unilatérales tendant à l’application de la souveraineté en Cisjordanie, et vous demander de mettre fin immédiatement à ces mesures unilatérales.

Tout comme nous nous sommes engagés à nous lever et à défendre toute décision qui favoriserait la séparation civile des Palestiniens tout en maintenant le contrôle de la sécurité jusqu’à ce qu’un accord soit conclu – un engagement que nous tenons aujourd’hui – nous nous engageons à rester fermes contre les annexionnistes que leur ferveur idéologique rend incapables d’évaluer la gravité des conséquences.

En tant qu’anciens commandants de haut niveau des FDI, du Shin Bet, du Mossad et de la police, expérimentés dans la lutte contre nos ennemis, contre le terrorisme et contre tous les autres problèmes de  nature sécuritaire, et après des dizaines d’années de service en Cisjordanie, nous sommes tous d’avis que l’application du droit israélien en Cisjordanie – dans sa totalité ou en partie et en l’absence d’un accord -, déclenche une réaction en chaîne, qui portera gravement préjudice à l’économie d’Israël et à son rayonnement régional et international, notamment à sa sécurité. Nous avertissons que ce qui commence par l’application de la souveraineté (annexion) sur une zone limitée engendrera finalement une situation où nous serons forcés de prendre le contrôle total de la Judée et de la Samarie, avec leurs millions de résidents palestiniens.

La décision de la Knesset d’adopter une loi sur l’annexion, même partielle, ne peut être interprétée dans les territoires, au Moyen-Orient et dans le monde que comme la décision nationale de fermer la porte à tout arrangement futur. Si l’on n’est pas en mesure d’évaluer avec quelle violence réagiront les Palestiniens s’ils perdent tout espoir d’un futur accord, c’est aux responsables de la sécurité d’Israël, et à vous en tant que dirigeant, d’envisager cette éventualité en même temps qu’un possible effondrement de la coopération sécuritaire entre Israël et l’AP (dont le Shin Bet et l’IDF font l’éloge pour sa contribution à sauver des vies israéliennes), ainsi que la paralysie de l’AP. Ces développements auraient pour conséquence de créer un vide sécuritaire propre à encourager les terroristes et les criminels, y compris, bien sûr, le Hamas.

Afin d’empêcher ce processus, il n’y aura pas d’autre choix que de déployer l’IDF et le Shin Bet dans les zones où l’AP fait actuellement respecter la loi et l’ordre. Désormais, l’État d’Israël sera responsable des vies de 2,6 millions de Palestiniens supplémentaires. Comme on ne peut s’attendre à ce que ce processus ait lieu sans provoquer d’explosion dans le sud, une prise de contrôle de la bande de Gaza risque de placer deux millions de Palestiniens supplémentaires sous contrôle israélien.

L’ampleur des forces – régulières et de réserve – nécessaires pour cette tâche réduira gravement la capacité de l’IDF à faire face aux principales menaces à la sécurité d’Israël : du Hezbollah et du Hamas à l’Iran en Syrie et ailleurs.

Les graves dommages causés à la sécurité israélienne dépasseront ces situations immédiates et incluront la possibilité de nuire à la fois à la profondeur stratégique d’Israël au-delà des zones en question et aux possibilités de sécurité stratégique régionale, que vous avez, à juste titre, travaillé d’arrache-pied à bâtir.

En tant que responsables de la sécurité, nous laissons à d’autres le soin de détailler les conséquences économiques destructrices du retrait des pays donateurs et le nouveau fardeau que représente pour le budget de l’État et pour chaque famille israélienne le financement de quelque cinq millions de Palestiniens, ainsi que les problèmes moraux et autres implications pour la société israélienne, qui devra gouverner directement des millions de Palestiniens et peut-être faire en sorte que le combat pour l’autodétermination des Palestiniens ne se transforme en combat pour l’égalité des droits en Israël, et ce, sans stratégie de sortie.

Nous ne prétendons pas être les seuls à comprendre les tenants et aboutissants de la situation, et nous ne sous-estimons pas l’opinion de ceux qui ne sont pas d’accord avec nous uniquement parce qu’ils sont une petite minorité parmi les anciens membres de l’institution de la défense. Toutefois, ceux qui ont signé ci-dessous s’accordent à dire qu’il s’agit d’une mesure sans précédent dans ses conséquences destructrices pour la sécurité d’Israël.

Par conséquent, le gouvernement israélien fera preuve d’un grand manque de responsabilité s’il choisit de s’embarquer dans cette aventureuse démarche avant de prendre ces trois mesures :

  • Charger les institutions de l’État responsables de cette question de procéder à un examen approfondi et complet de ses implications pour tous les aspects de la sécurité nationale.
  • Soumettre les résultats de l’examen au débat public avant qu’une décision ne soit prise.
  • Comme la question n’était pas au centre du débat public à la veille des dernières élections, le peuple pourra prendre la décision finale par référendum.

De même que la Knesset a, sous votre gouvernement, adopté une loi fondamentale exigeant un référendum en cas de renonciation à un territoire souverain, de même, dans l’intérêt de l’unité du peuple, l’application de la souveraineté devrait être également approuvée dans les mêmes conditions que dans la loi fondamentale : par référendum.

Nous sommes à votre disposition ainsi qu’à celles des autorités des organes de l’État pour examiner cette question, et nous mettrons à leur disposition les conclusions et les connaissances accumulées au cours de l’examen que nous avons effectué – l’examen le plus approfondi à ce jour – concernant les implications destructrices du processus d’annexion actuellement en discussion.

Bien à vous,

(suivent les noms des 129 officiers signataires)

*https://fr.cis.org.il/

Commandants pour la Sécurité d’Israël (CIS) est un mouvement non partisan. Le CIS a pris la décision de promouvoir une initiative politique de sécurité qui permettra à Israël de sortir de l’impasse actuelle, en tant qu’étape intermédiaire vers la mise en œuvre de sa vision. La vision du mouvement est centrée sur la nécessité de parvenir à un accord permanent avec les Palestiniens, de normaliser les relations et de conclure des accords sécuritaires et politiques avec les États arabes pragmatiques et ainsi, de sécuriser Israël à l’intérieur de frontières permanentes et reconnues tout en garantissant son identité  comme État démocratique du peuple juif.