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Ha’aretz, 24 octobre 2006

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Une enquête secrète, effectuée sur deux ans par le l’establishment militaire, révèle l’existence de constructions illégales rampantes dans plusieurs dizaines de colonies, concernant dans de nombreux cas des terres palestiniennes privées.

Cette information a été présentée à deux ministres de la défense, Amir Peretz et son prédécesseur Shaul Mofaz, mais elle n’a pas été rendue publique. Un certain nombre de personnes concernées par les enquêtes ont dû signer une clause de non-divulgation.

D’après des sources au sein de l’appareil de sécurité qui sont au courant de cette étude, les informations qu’elle contient sont « de la dynamite politique et diplomatique. »

Au cours d’entretiens avec Ha’aretz, ces sources ont confirmé que ces informations ont été tenues secrètes pour éviter une crise avec le gouvernement américain.

Début octobre, le général Baroukh Spiegel, assistant du ministre de la défense, a pris sa retraite. Spiegel était, entre autres, chargé des différentes questions liées aux Territoires palestiniens, questions que Dov Weisglass, chef de cabinet d’Ariel Sharon, s’était engagé par écrit à régler auprès de la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice. Or, ces engagements comprenaient la construction illégale dans les colonies, l’amélioration des conditions de vie des civils palestiniens et un contrôle plus strict du comportement des soldats aux check points.

L’une des tâches de Spiegel était de mettre à jour la base de données sur l’activité de colonisation. Au cours de conversations entre des représentants américains et des organisations non-gouvernementales comme Shalom Akhshav (La Paix Maintenant), il est apparu que les militaires manquaient d’informations mises à jour sur les colonies, informations fondées pour la plupart sur les chiffres que leur transmettait l’Administration civile [[Comme son nom ne l’indique pas, l’Administration civile est une administration militaire chargée du suivi au quotidien de la vie des civils (palestiniens et colons) dans les territoires palestiniens]] dans les territoires.

Ce manque d’informations à jour provenait du fait que les militaires ont préféré ne pas savoir ce qui se passait, mais il était également lié à un certain nombre d’hommes-clés au sein de l’Administration civile qui ont délibérément éliminé certaines informations de la base de données, par identification idéologique avec les colons.

Spiegel et son équipe ont comparé les informations fournies par l’Administration civile à celles dont disposaient les Américains, et ils ont effectué des dizaines de survols des territoires pour compléter leur base de données.

Les résultats de cette étude, disent nos sources au sein de l’appareil de sécurité, révèlent des différences frappantes entre les informations en provenance de l’Administration civile et la réalité sur le terrain. Les informations recueillies grâce à l’étude de Spiegel ont servi de base au rapport de la procureure Talia Sasson sur les colonies sauvages, publié en mars 2005.

« Tout le monde parle des 107 colonies sauvages », dit une source qui connaît bien le dossier, « mais ce n’est pas grand-chose. La grosse affaire, ce sont les colonies les plus anciennes, les colonies ‘légales’. Là-bas, la construction se poursuit depuis des années, en violation flagrante de la loi et des règles de bonne gouvernance. »

Il y a trois ans, au cours de pourparlers avec les Américains, Israël avait promis que toute nouvelle construction dans les colonies anciennes aurait serait effectuée dans des quartiers déjà existants. L’idée était que la construction se limiterait à répondre aux besoins de la croissance naturelle des colonies, tout en mettant fin à leur expansion territoriale qui échappait à tout contrôle.

Mais en pratique, les données montrent qu’Israël n’a pas respecté ses engagements : de nombreux nouveaux quartiers ont été systématiquement construits aux confins des territoires dépendant de la juridiction des colonies, bien plus étendus que ce dont rendent compte les plans.

Les informations révèlent également que dans de nombreux cas, la construction s’est effectuée sur des terres privées palestiniennes. Dans les plans-maîtres, des biens palestiniens ont été fréquemment inclus dans les constructions prévues pour l’avenir. Cela a concerné des terres palestiniennes aux propriétaires desquelles l’Etat avait promis le libre accès. Or, au prétexte de l’Intifada et du fait que les colons ne devaient pas être exposés à des risques pour leur sécurité, des agriculteurs palestiniens ont été empêchés d’avoir accès à leurs propriétés, annexées par des colonies israéliennes.

Dans de nombreuses colonies, dont Ofra et Mevo Horon, des maisons ont été construites sur des terres privées palestiniennes.

« Les médias s’occupent des colonies sauvages, mais combien sont de grosses colonies comme Migron? Dans la plupart des cas, il s’agit de quelques mobile homes. L’étude de Spiegel montre que le vrai problème se passe dans les ‘vraies’ colonies – et il est bien plus grave que nous ne le pensions jusqu’aujourd’hui », nous a déclaré l’une de nos sources.

Un haut fonctionnaire des services de sécurité s’inquiète du fait qu’avec la retraite de Spiegel, la base de données ne soit pas mise à jour et que les informations soient égarées.

« L’establishment (de la défense) n’a pas nécessairement intérêt à sauvegarder ces informations. Cela peut provoquer un embarras vis-à-vis des Américains et causer un scandale politique. Il n’est pas impossible qu’il y en ait qui chercheront à les détruire », dit ce fonctionnaire.

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Le cabinet du ministre de la défense a réagi en déclarant que « l’affaire est examinée en interne et le travail d’équipe sera bientôt terminé. Les parties du rapport qui peuvent être publiées seront disponibles. Le ministre de la défense discutera de cette question avec le premier ministre Ehoud Olmert. »

Pendant ce temps, la construction dans les nouvelles colonies sauvages s’est intensifiée. Des sources au sein du Conseil représentatif des colons (Yesha) a dit que depuis la guerre du Liban, « de jeunes officiers sur le terrain sont de notre côté, dans de nombreux cas, ils font semblant de na pas voir les mobile homes qui sont mis en place. »