La semaine passée, la radio All for Peace, que nos lecteurs connaissent bien, a été contrainte de cesser ses émissions après l’interpellation de Mossi Raz par la police. Cela fait sept ans que cette radio existe… et ce n’est que maintenant que les autorités israéliennes « découvrent » qu’elle émettrait illégalement. À moins qu’il ne s’agisse de tout autre chose que d’une envie soudaine de faire respecter… ce qui n’est peut-être pas la loi ? Le député Dani Danon (Likoud) a exigé du conseiller juridique du gouvernement qu’il fasse cesser les émissions de cette radio émettant notamment en hébreu et en arabe – ce qui insupporte sans doute quelques oreilles.

Joint hier dimanche au téléphone, Mossi Raz nous a déclaré : « Cela relève de l’offensive menée contre la démocratie israélienne. C’est pour nous un grand honneur de faire partie des cibles majeures, et qu’ils s’en soient pris à nous avec une telle violence. Notre site Internet a connu une hausse de fréquentation de 100%, au point de sauter à quelques reprises. Nous poursuivrons notre combat pour la démocratie. »


Jeudi 17 novembre, Mossi Raz, co-directeur de la radio All for Peace [2], s’est vu convoquer au commissariat. Suspect de diriger une radio illégale, il fut placé en garde-à-vue [3] et interrogé trois heures durant. Il ne fut relâché qu’après avoir signé une déclaration par laquelle il s’engageait à « cesser d’émettre à destination d’Israël », et avoir passé un appel téléphonique ordonnant à la station d’arrêter la diffusion.

La police lui avait clairement précisé qu’en cas de refus de signer ce document et de passer cet appel il serait conduit devant un juge à fins d’inculpation et de détention. Et que la police perquisitionnerait dans les bureaux de la radio. Mossi Raz ne pouvait que se plier aux requêtes des enquêteurs.

Depuis jeudi 17 novembre, les émissions en hébreu du canal radio 107.2 FM ont cessé.

All for Peace diffusait depuis son émetteur de Ramallah. Pour lequel le Jerusalem Times-Biladi, déclaré auprès de l’Autorité palestinienne, disposait depuis 2004 et jusqu’à aujourd’hui d’une licence du ministère palestinien de la Communication l’autorisant à émettre en FM sur les fréquences 107.2 pour l’hébreu et 87.8 en arabe.

Nul besoin de préciser que la législation israélienne ne s’applique pas à Ramallah.

La radio All for Peace opère depuis ses studios d’enregistrement situés à Sheikh Jarrah (Jérusalem-Est), près du quartier général de la police israélienne, où les programmes sont enregistrés et chargés sur Internet. En sept années de fonctionnement, les responsables de la radio ont rencontré à plusieurs reprises de haut-fonctionnaires du ministère de la Communication, entre autres. À aucun moment, lors de ces négociations, il n’a été demandé aux directeurs de la station de cesser d’émettre, non plus qu’ils n’ont été avertis d’un quelconque problème mettant en jeu l’existence de la radio ou sa diffusion.

Le 4 novembre (date symbolique [4]), la radio a reçu une lettre du ministère de la Communication exigeant la cessation immédiate de toute diffusion sur les ondes pour cause d’illégalité. Les responsables de la station répondirent qu’ils regrettaient les faits exposés dans cette lettre et y répondraient en détail, de même qu’à la demande de cesser toute diffusion, dans les jours suivants. Cette réponse parvint le 16 novembre au bureau du directeur général du ministère de la Communication. Le lendemain même Mossi Raz fut convoqué pour interrogatoire et les émissions furent contraintes de cesser.

La radio All for Peace milite pour la fin de l’occupation, la liberté, l’égalité et la paix dans le cadre d’une solution à deux États ; elle se veut une tribune pour les groupes souffrant d’exclusion sociale et entend développer la liberté d’expression et la démocratie au sein des deux nations. Ses programmes traitent des questions sociales et économiques, du discours politique, du développement des droits de l’homme et du citoyen ; certains d’entre eux sont porteurs d’une critique politique et sociale, d’autres sont musicaux ou culturels.

La plupart des producteurs et des techniciens diffusant les programmes de All for Peace le font à titre bénévole, parce qu’ils croient en la liberté d’expression, la liberté de discours et la liberté d’opinion. Il semble qu’en ces jours où la Knesseth est balayée par un vent de législation anti-démocratique, les autorités aient cru bon de mettre fin aux émissions de la seule station de radio à permettre ouvertement des débats et des déclarations soutenant la démocratie.

All for Peace a déposé une requête devant la Cour suprême dimanche 20 novembre 2011.


NOTES

1] On peut également lire sur le site hébreu de Ha’aretz l’article suivant, dont nous avons repris le titre : [

[2] Avec, côté palestinien, Maysa Baransi-Siniora.

[3] Ou l’équivalent en Israël, à savoir l’interrogatoire assorti d’une mise en garde quant aux risques d’inculpation entraînés par les réponses de l’intéressé.

[4] Date anniversaire de l’assassinat d’Itz’hak Rabin.