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Nous arrivons à Ramallah pour rencontrer divers hommes politiques palestiniens. Nous nous retrouvons au bâtiment accueillant le secrétariat général, dirigé par Yasser Abed Rabbo.

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Le bâtiment accueille par ailleurs le Palestinian Media Center et les représentations de la Hongrie et du Japon pour l’Autorité palestinienne.


Nous sommes accueillis par Nidal Fuqawa, président de la Palestinian Peace Coalition, groupe promouvant l’initiative de Genève (IG) au sein de la société palestinienne.

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L’IG est un document modèle d’un accord de paix lancé fin 2003 mais l’élan pour ce texte continue, avec la publication des annexes complètes, fournissant des solutions pratiques aux questions critiques telles que l’eau, l’environnement, Jérusalem, etc. Il est bâti sur le principe de la solution à deux Etats, avec Jérusalem Est capitale de l’Etat palestinien.

Selon lui, « pour faire la promotion de cet accord, il faut développer la culture de la paix et de la démocratie en Palestine. La société palestinienne est jeune (2/3 a moins de 20 ans) donc il faut se concentrer sur la jeunesse ». Il insiste par ailleurs sur la dimension internationale du conflit, la présence des bailleurs de fonds et le rôle de médiateur que devrait jouer le Quartet.


Rencontre avec Jamal Zakout est membre du FDLP, conseiller politique du Premier ministre Salam Fayyad, originaire de Gaza.

Il commence par exposer les trois principaux défis à relever :

 Futur du processus de paix

 réconciliation entre différentes factions palestiniennes

 construction des institutions palestiniennes

1/ Futur du processus de paix

Selon lui, entre 2000 et 2005, les Israéliens ont répété qu’il n’existe « pas de partenaire palestinien » car ils voient leurs homologues soit comme « ne voulant pas la paix », soit comme corrompus. Il s’agit de trouver « n’importe quel prétexte pour ne pas respecter leurs engagements ».

Pourtant, il précise que les partenaires internationaux ont bien validé que l’Autorité Palestinienne (AP) a fait des efforts sur la sécurité dans toute la Cisjordanie. « Nous ne le faisons pas parce qu’on nous l’impose mais pour éviter les dissensions meutrières au sein de la société palestinienne » ajoute-il. Jamais la situation sécuritaire (et des responsables israéliens le disent eux-mêmes en privé) n’avait été aussi maîtrisée par l’AP. Pourtant, cela n’a provoqué aucune avancée côté israélien.

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Selon lui, la première demande palestinienne concerne le gel de la colonisation en Cisjordanie et le démantèlement des implantations construites après 2001. Cela n’est pas seulement une demande palestinienne mais aussi une garantie au niveau international de la résolution du conflit sur la base de deux Etats pour deux peuples. Mais « même le Quartet n’a pas réussi à bloquer le gel de la colonisation ». Les Palestiniens se demandent alors comment on arrivera à mettre un terme à l’occupation si on n’arrive même pas à freiner le développement des implantations aujourd’hui. Cela sape le processus de paix et fait perdre toute crédibilité à l’Autorité Palestinienne.

Les Palestiniens demandent à Jamal Zakout « Au bout de 15 ans de négociations, vous n’avez rien obtenu. Qu’allez-vous obtenir maintenant ? ». Cela décrédibilise le processus de paix et pousse les gens dans les bras du Hamas. Or, avec ce dernier, on est en train de passer d’un conflit national à un conflit religieux qui, selon lui, ne sera tout simplement pas soluble !

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2/ réconciliation entre différentes factions palestiniennes

Ensuite, il aborde le conflit qui oppose le Hamas aux autres groupes palestiniens. Selon lui, « le Hamas veut islamiser la société palestinienne au-delà d’un agenda de libération nationale », et maintenir la division entre la Cisjordanie et la bande de Gaza. Il insiste sur le fait que la communauté internationale ne doit pas encourager ou laisser encourager cette division par les autorités israéliennes.

Dans ce cadre, la guerre de Gaza lui a semblé injuste et inutile, elle a détruit toutes les infrastructures et soudé encore plus les Gazaouis autour du Hamas, par nécessité surtout. Selon lui, arrêter le siège de Gaza est une priorité car le Hamas profite de cette situation pour s’enrichir et resserrer son emprise autoritaire sur la population.

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Il rappelle par ailleurs que « Gaza n’est pas le Hamas », qu’il ne faut pas accabler les Gazaouis pour les actions ou l’idéologie du parti islamiste palestinien.

3/ construction des institutions palestiniennes

Il envisage avec nous les sorties de crise possibles : comme le processus de paix est bloqué, il rappelle que l’Autorité palestinienne a lancé un grand programme de développement des infrastructures et des services publics, le « Fayyad Plan », avec la perspective de transférer la direction des institutions de l’Autorité proprement dite à un véritable Etat palestinien.

Les officiels israéliens disent s’opposer à une telle initiative. Elle serait « dangereuse pour Israël » selon Avigdor Lieberman le chef du parti « Israel Beitenou ». Ou encore un conseiller de Netanyahou déplore cet unilatéralisme palestinien. Zakout rappelle alors que les israéliens ne se gênent pas pour effectuer des actions unilatérales : militaires en Cisjordanie et à Gaza pour ne citer que l’exemple le plus flagrant.

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Il estime également que la sortie de crise possible à Gaza passe par la réouverture de la frontière entre Gaza et l’Egypte, fermée sur demande israélienne. Selon lui, l’Egypte devrait prendre en main ce dossier elle-même et cesser de dépendre des desirata d’un gouvernement israélien qui n’a fait que conforter le Hamas dans ses positions. Il conclue que rouvrir la frontière aidera à affaiblir le Hamas, notamment en prévisions des prochaines élections générales du 24 janvier 2010.


Nazmi el Jubeh, historien, expert des négociations autour de Jérusalem,
a participé au processus d’Oslo puis à la rédaction de l’Initiative de Genève. Il
travaille actuellement à la restauration de bâtiments anciens en
Cisjordanie, datant des époques musulmane et ottomane.

Il commence par dénoncer la prétendue complexité du conflit : « Le conflit
n’est pas complexe. Il y a une industrie qui cherche à le rendre
complexe alors que la solution, elle, est connue. En continuant à
construire des implantations, on rend le conflit plus complexe alors que la
solution est là sous nos yeux, on en connaît les principes mais on n’est
pas sûr des intentions de chacun. »

« A Jérusalem, un processus se déroule en ce moment même. En 1967, il n’y
avait aucun Israélien à Jérusalem Est, aucun Palestinien à Jérusalem Ouest.
Il y avait un mur qui séparait la ville en deux. On a commencé à construire
des implantations en cercles concentriques autour de la vieille ville.
Et aujourd’hui 50% de la population de Jérusalem Est est juive israélienne ; les Palestiniens deviennent minoritaires dans leur propre partie
de la ville ! »

Il rappelle par ailleurs que ces implantations séparent les quartiers
arabes de Jérusalem de Bethléhem au sud, de Ramallah au nord, de Jéricho à
l’est. On ne peut donc passer de Jérusalem Est à la Cisjordanie sans
passer par des implantations israéliennes. Il ajoute qu’un autre objectif
des gouvernements israéliens est de construire des quartiers juifs au sein
des quartiers arabes pour fragmenter ces derniers. Avec le mur tout autour,
la séparation est totale d’avec la Cisjordanie !

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Il enchaîne sur la situation sociale à Jérusalem Est, conséquence de
l’émiettement et de l’isolement des quartiers. La population souffre, plus
encore que dans le reste de la Cisjordanie de paupérisation, de violence à
caractère sexuel, du développement du trafic de drogues. Les enfants
mettant parfois plus d’une heure de marche à rejoindre leur école
finissent par quitter prématurément le système scolaire.

Il revient ensuite sur le système municipal de Jérusalem. L’ensemble des
quartiers juifs et arabes (est et ouest) sont censés être gérés par la
même municipalité. Mais, selon lui, si les impôts sont les mêmes, les
services sont très différents. Il ajoute que « les israéliens utilisent le
plan d’urbanisme de la ville de Jérusalem pour privilégier le secteur juif
par rapport au secteur arabe ».

Il continue sur le statut particulier des habitants arabes de Jérusalem Est.

« Le statut des habitants de Jérusalem Est est unique au monde : en 1967,
ils ont été considérés comme des touristes qui sont venus en Israël et
sont restés. Pour l’administration israélienne, Israël n’est pas venu
occuper la partie est mais nous sommes venus en Israël ! Les habitants
sont des résidents de la ville sans en être des citoyens. »

« Par conséquent, si un résident viole les règles du visa, il peut être
expulsé de sa maison et de sa ville. Par exemple, si mon fils étudiant à
l’étranger ne vient pas deux fois par an renouveler sa carte de résident
en Israël, il perdra définitivement le droit de revenir ».

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Le système social israélien agit également en défaveur des Palestiniens de
Jérusalem. Il nous raconte l’histoire de son père. « Mon père est né jordanien à
Jérusalem en 1922 ; il était vendeur d’épices dans la Vieille Ville. Il
travailla jusqu’à l’âge de 80 ans et a finalement pris sa retraite. Suite
à la guerre de 1967, il a commencé à cotiser pour le système social
israélien de retraite. Quand il a décidé de réclamer sa pension,
l’administration israélienne lui a refusé tout versement sous prétexte
qu’il vivait dans un quartier hors de la municipalité de Jérusalem (de
l’autre côté du Mur de séparation). Un recours devant la justice ne
donnera rien. Il est mort deux ans plus tard sans avoir rien touché. »

Cet exemple illustre bien la discrimination que subit les Palestiniens de
Jérusalem Est dans leur vie quotidienne pour les pousser à quitter la
ville. Ils paient des taxes au même niveau que dans la partie ouest mais
sans recevoir les mêmes services. Par exemple, la municipalité n’a jamais
investi plus de 9% de son budget dans les quartiers arabes du côté est,
pour une population représentant un tiers de la population totale de Jérusalem. Il prévient sur le risque d’explosion à Jérusalem Est pour des raisons sociales.

Il insiste également sur le fait que, pour les Palestiniens, il n’y aura
pas de solution au conflit sans solution à Jérusalem. Cette solution
passe, selon lui, par une souveraineté palestinienne sur les deux Dômes
(le Dôme du Rocher et le Saint-Sépulcre). « Je peux vous montrer 35 façons
de régler le conflit autour de Jérusalem mais il y a un manque de volonté
politique. Jérusalem est devenu, pour les deux parties, un slogan, une
devise qui enflamme les débats politiques et bloque tout compromis. Le
caractère symbolique de la ville a pris des proportions grandissantes
depuis quelques années et risque de bloquer un accord pragmatique. »

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Il mentionne la solution mentionnée par les Accords de Genève avec
division de la vieille Ville entre Israël et Palestine. Mais il ajoute que
sa solution préférée serait plutôt un accord international pour donner
accès à tous à la vieille ville, sans souveraineté nationale sur la
vieille ville : « La ville est à nous tous, on n’a pas besoin de déployer
de drapeau ! »

Il conclut sur l’urgence actuelle : « Il est encore possible de trouver une
solution mais pas pour longtemps. Nous sommes en train de perdre la
solution à deux Etats pour aller vers un seul Etat à cause des extrémistes
israéliens. Les Israéliens sont pris en otage depuis quelques années : il
y a une centaine de colonies illégales que le gouvernement lui-même
n’arrive pas à démanteler. Je ne sais pas où nous allons, le président
Obama est très hésitant. Et nous en sommes au même point après près de 20 ans de négociations.

Pour certains Palestiniens il ne reste que 5-6 ans pour lancer le plan menant à 2 Etats. Après, ils menaceraient d’abandonner cette voie, de ne plus réclamer d’indépendance nationale, de cesser toute revendication de souveraineté et de demander à Israël de revenir tout occuper pour faire un Etat binational dans lequel Israël risquerait d’être accusé de régime d’apartheid si la démocratie (1 homme 1 voix) n’y était pas respectée…

En réponse aux questions du groupe, Nazmi a exprimé sa crainte du Hamas. Pour lui, le Hamas constitue une menace plus sociale que politique pour les Palestiniens. Le Hamas serait prêt à un compromis politique avec Israël qu’il arriverait toujours à justifier par des passages coraniques. En revanche, il nous dit que le Hamas n’est pas prêt à négocier la longueur de la robe de sa fille, ce qui lui est insupportable.


Le dernier intervenant le Dr Abdallah Abdallah est membre du PLC, président du conseil politique du PLC

Abdallah Abdallah souhaite nous présenter la situation interne en Palestine, la confrontation entre le Hamas et autres factions palestiniennes et les prochaines élections législatives du 24 janvier 2010.

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Il commence par expliquer que l’objectif de l’OLP reste encore la fin de l’occupation qui dure depuis 1967 et la solution à deux Etats. Il signale au passage que le président Sarkozy a rappelé devant le parlement israélien l’importance du concept de deux Etats pour deux peuples.

Les Américains ont précisé qu’un accord de ce type devait tenir compte des sept points suivants :

 frontières des Etats

 questions des implantations

 partage de Jérusalem

 solution au problème des réfugiés palestiniens

 questions de sécurité

 répartition de l’eau

 libération de prisonniers

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Mais en 2009, deux changements sont intervenus. D’abord l’élection d’Obama dont l’administration a officiellement demandé le gel des implantations. Ensuite l’élection de Netanyahou à la tête d’une coalition peu portée au concept « deux peuples deux Etats ». Ce dernier événement a induit trois accélérations :

 accélération de la construction des implantations en Cisjordanie et Jérusalem-Est

 accélération des agressions des palestiniens (notamment des fermiers allant travailler sur leurs champs) par des habitants des implantations

 accélération des destructions de maisons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est

Sur Jérusalem-Est, il insiste sur la politique de « judéisation » de la partie est de la ville : « D’une part, cette campagne est en train de compromettre à terme notre identité palestinienne. Par ailleurs, elle crée une politique de fait accompli pour faire en sorte qu’il n’y ait plus de retrait possible. »

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Il rappelle que quasiment aucun pays dans le monde n’accepte la vision de Benyamin Netanyahou, même une partie de la communauté juive américaine supposée soutenir la politique expansionniste du Likoud. Il cite le cas de la fondation du mouvement JStreet, appelé à mobiliser l’opinion des juifs américains pour pousser le gouvernement américain à s’engager dans le réglement du conflit israélo-palestinien sur la base des idées du camp de la paix.

Par ailleurs, il précise qu’il n’y a pas de place pour la négociation si chacun ne remplit pas ses obligations. Or, il nous explique que sur les huit obligations exigées par les israéliens, sept ont été remplies par les palestiniens, la huitième concernant le domaine de la sécurité. En revanche, il déclare que les israéliens n’ont rempli aucune de leurs obligations.

Il revient sur la décision de la diplomatie américaine de ne plus demander le gel de la colonisation comme préalable aux négociations (cf la conférence de presse de Hillary Clinton du 30 octobre) : « Les Etats-Unis ont arrêté de réclamer le gel des implantations parce qu’ils pensent qu’ils n’arriveront pas à convaincre Netanyahou de le faire. Nous ne pensons pas que ce soit une bonne politique. Ils le font sous la pression de certains membres du Congrès. Nous croyons au processus de négociations mais avec un médiateur neutre et impartial. »

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Il continue sur les rapports entre le Hamas et le Fatah : « Depuis 2007, nous avons un réel problème avec le Hamas à Gaza. La guerre avec le Hamas semble politique (lutte pour le pouvoir) mais elle est en fait idéologique, à savoir une lutte entre un courant national séculier et une volonté de créer un Etat islamique. Si nous voulons refonder le mouvement national palestinien, nous devons intégrer tous les courants palestiniens et pour cela, créer des institutions solides et nous libérer de l’occupation. »

Il revient sur les difficultés rencontrées : « Israël nous complique la tâche : 40 parlementaires du Conseil Législatif Palestinien (le parlement) ont été faits prisonniers il y a quelques années, 25 le sont encore aujourd’hui. Cela complique notre travail car parfois nous ne pouvons pas atteindre notre quorum pour notre session. »

Il conclut en citant à nouveau la conférence de J-Street : « Si la paix n’arrive pas rapidement, le prix à payer sera lourd pour tous les gens de la région et probablement au-delà. »


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Suite à ces conférences, nous avons été invités par nos hôtes palestiniens à visiter la Mouqata (qui abrite aujourd’hui la tombe de Yasser Arafat) et le monument à la mémoire de Mahmoud Darwich, le célèbre poète palestinien.

La Muqata, ancienne résidence de Yasser Arafat, devenu symbole national pour les Palestiniens
Tombe de Mahmoud Darwich

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