« Il est temps pour Israël de prendre des initiatives qui sortent les Gazaouis de leur statut d’otages désespérés ». écrivait le Ha’Aretz rapportant des murmures selon lesquels le ‘Hamas serait prêt à négocier. Aucun des protagonistes ne laissait rien filtrer d’éventuels contacts… dont le quotidien israélien expliquait, s’ils se concrétisaient, que l’État hébreu devrait y donner suite comme à une ultime chance d’assurer la survie de ses propres valeurs… Cet éditorial a repris souffle avec la multiplication plus récente de rumeurs concordantes dans les médias en Israël et à l’international. Intoxication de la part du ‘Hamas en perte de vitesse ? Il est hélas peu probable qu’une évolution favorable s’en dégage, moins encore qu’une subite conversion de Nétanyahou s’ensuive. Rien cependant ne nous interdit d’espérer, et de faire pression de toute notre énergie pour qu’advienne dans 2 États pour 2 peuples la solution du conflit.

Traduction, Notes & Chapô, Tal Aronzon pour LPM.

Photo : Des enfants pleurent Tahreer Wahba, 17 ans, qui a succo;mbé aux blessures infligées durant une manifestation à la frontière Israël-Gaza, Khan Younis, le 23 avril 2018 © Suhaib Salem / Reuters [DR]

Éditorial du Ha’Aretz, mardi 8 mai 2018

L’Éditorial du Ha’Aretz : Une alternative à la lutte armée contre le ‘Hamas

Les articles concernant l’intention du ‘Hamas d’entamer des négociations avec Israël sur un cessez-le-feu de longue durée [1] et un échange de prisonniers [2] n’ont jusqu’à présent suscité aucune réaction officielle du ‘Hamas ou d’Israël. Si ces compte-rendus étaient fondés si peu que ce soit, cela pourrait attester de l’existence d’un canal diplomatique potentiellement capable de régler la crise de Gaza.

Israël et le ‘Hamas sont enfermés dans une confrontation violente, qui s’est exprimée ces dernières semaines par des manifestations à la frontière de la bande de Gaza, lesquelles connaîtront probablement leur apogée la semaine prochaine. Par-delà l’intention du ‘Hamas de marquer les 70 ans de la Nakba ou “catastrophe” palestinienne, la confrontation actuelle est la conséquence d’une situation économique désastreuse dans la bande de Gaza et de ce qui paraît être l’indifférence d’Israël et de communauté internationale aux terribles souffrances de 2 millions d’habitants.

Israël ne peut venir à bout du [rappel] symbolique [3] attaché à ces manifestations, mais peut et doit détruire les causes qui sont à leur racine. Cela fait des mois que Tsa’hal avertit des effets prévisibles de la crise économique et pousse le cabinet [israélien] à exercer un allégement significatif de l’enfermement imposé à Gaza durant les onze dernières années. Des considérations de sécurité ne sont pas seules à requérir la résolution de cette crise. Même si le chef d’état-major refuse de définir la situation à Gaza en termes de crise humanitaire, il n’y a pas d’autre façon de décrire les luttes d’habitants qui ne peuvent mener une vie normale et subvenir à leurs besoins. L’efficacité de la clôture d’un point de vue sécuritaire est discutable, à constater les actions  dans lesquelles Tsa’hal s’est trouvé périodiquement engagé alors que le bouclage était en place. L’objectif second de la fermeture — renverser le gouvernement du ‘Hamas grâce à un soulèvement civil — n’a pas été atteint non plus.

Israël ne peut se reposer sur l’apathie d’États arabes tels que l’Arabie saoudite et la Jordanie, ou imiter la politique adoptée par l’Égypte pour justifier sa conduite à Gaza. Le problème se situe à la frontière israélienne et les troubles persisteront aussi longtemps qu’il n’y aura pas de progrès réel [4]. La communauté internationale voit elle aussi Israël comme directement responsable de la situation à Gaza bien qu’elle reconnaisse ses impératifs de sécurité. Aussi lui faut-il ouvrir un processus permettant de soulager les habitants de Gaza de leur statut d’otages désespérés et réduits à la misère.

Des avancées produites en coordination avec le ‘Hamas ne requièrent nullement d’acquitter un quelconque prix politique, comme se retirer de territoires ou reconnaître le statut du ‘Hamas en tant que l’un des représentants du peuple palestinien. Dans le même temps, Israël regarde le ‘Hamas comme responsable de tout ce qui arrive à Gaza, et souhaite des négociations indirectes avec l’organisation concernant des échanges de corps [5] et ne soulève pas d’objections contre les tentatives égyptiennes d’amener une réconciliation inter-palestinienne.

Le moment est venu de tester les possibilités de régler la crise dans la bande de Gaza ensemble, le ‘Hamas [et nous], et d’abandonner la politique ratée qui n’a pas libéré Israël du fardeau d’être de facto le maître de Gaza.

Notes

[1]  La ‘Hudna, ou trêve traditionnelle en Islam, sur le modèle de celle que le Prophète lui-même passa avec la tribu des Quoraïsh, est limitée dans le temps ; elle peut être renouvelée à l’issue de la période originellement fixée } qu’il s’agisse de jours, de semaines ou, de mois ou d »années sinon de décennies — sans pour autant préfigurer la signature d’un traité de paix, lequel exige que l’adversaire soit ou devienne musulman.

[2]  Échange de prisonniers qu’Israël refuse parfois de négocier, en tout cas ouvertement, de crainte a-t-il été avancé de susciter des enlèvements d’Israélien(ne)s, civil(e)s ou militaires, pour disposer de contreparties.

[3]  “Rappel symbolique”, par la date de ces manifestations, de la Nakba, l’exode des Palestinien(ne)s hors des frontières du nouvel État hébreu.

[4]  Progrès de la situation sociale et économique dans la bande de Gaza qui ne pourra être amené, comme dit ici, que par une évolution de la politique israélienne.

[5]  Échanges de corps ardemment attendus par les familles, soucieuses d’enterrer les restes de leurs enfants et de pouvoir enfin entamer le lent travail du deuil favorisé par les rites.

Source

L’article ci-dessus est l’éditorial du Ha’Haretz, publié en Israël dans les éditions papier en hébreu et en anglais du quotidien.