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11 avril 2005

Qu’est-ce qu’un Etat palestinien « viable »?
par Hassan Khatib [[Hassan Khatib est co-éditeur de Bitterlemons. Il est ministre du plan dans le gouvernement de l’Autorité palestinienne]]

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


La question de la viabilité d’un Etat palestinien est de la plus haute importance à partir du moment où tous les initiatives de paix se fondent sur la notion de deux Etats. Si deux Etats ne sont pas possibles, alors la paix pourrait ne pas être possible. Ainsi, quiconque recherche sincèrement la paix doit s’intéresser à la viabilité d’un Etat palestinien.

La viabilité a au moins quatre composantes : politique, géographique, économique et juridique. En d’autres termes, tout Etat palestinien viable doit être souverain, disposer d’une continuité géographique, pouvoir subvenir à ses besoins sur le plan économique et être reconnu sur le plan juridique.

La question de la viabilité refait surface aujourd’hui, non pas parce qu’un Etat palestinien est en vue, mais parce que l’éventuelle viabilité de cet Etat est sérieusement remise en question à l’heure actuelle, en particulier par la continuation de la politique israélienne d’expansion des colonies, qui porte directement atteinte à cette viabilité.

De nombreuses études ont montré qu’un Etat dans les frontières de 1967 peut être économiquement viable, avec le tourisme en tant qu’industrie moteur. Mais cette économie présuppose l’inclusion de Jérusalem Est, censée constituer la capitale de la Palestine future, et de ses lieux saints.
Or, les plans actuels d’expansion des colonies, et l’intention d’isoler Jérusalem [Est] et d’autres régions, rendent impossible une quelconque continuité territoriale. Sans cette continuité, la viabilité économique est impossible, et sans viabilité économique, tout Etat serait totalement dépendant, soit de l’aide internationale, soit du marché israélien, soit d’une combinaison des deux. Aucune de ces options n’est acceptable par les Palestiniens, et aucune ne fournit de base solide à une existence pérenne.

L’actuelle stratégie israélienne de désengagement, dans ses aspects différents concernant Gaza ou la Cisjordanie, constitue un exemple supplémentaire de pratiques israéliennes qui sapent la viabilité d’un Etat palestinien. A Gaza, malgré le retrait, Israël insiste pour maintenir son contrôle sur les frontières et sur les espaces maritime et aérien. En Cisjordanie, outre le renforcement des colonies, le mur de séparation israélien affecte directement la continuité territoriale.

Malheureusement, la seule alternative à la solution de deux Etats – alternative qui devra bien être examinée au cas où la viabilité de l’Etat palestinien continue à être remise en question – est l’option de l’Etat bi-national. Je parle d’option et non de solution, car, compte tenu de la situation actuelle, situation où le peuple juif dans la Palestine historique souhaiterait maintenir des niveaux de vie et des arsenaux juridiques différents selon qu’il s’agit de Juifs ou de Palestiniens, conduirait inévitablement à un système d’apartheid plutôt qu’à un système égalitaire.

La principale menace pour les perspectives de paix est l’actuelle expansion des colonies, en particulier à et autour de Jérusalem. Cela menace la solution à deux Etats, et la solution à deux Etats est une condition essentielle pour la paix. Ainsi, lutter contre l’expansion des colonies, c’est lutter pour la paix.

Ainsi, si elle se poursuit, la tolérance de la communauté internationale à l’égard de cette violation par Israël de la loi internationale, et ce en dépit des stipulations explicites de la feuille de route, sera directement ou indirectement responsable du fait qu’une solution pacifique sera impossible à trouver.