(article en anglais sur le site d’Ha’aretz)


Depuis son election au poste de premier ministre en 2001, Ariel Sharon
pratique l’ambiguite quant a ses positions politiques. Il proclame et repete
a satiete qu’il desire la paix et qu’il est pret a faire des « concessions
douloureuses ». Mais dans son action, il s’est eloigne de tout plan
politique, a envoye Tsahal reoccuper les villes de Cisjordanie, et permis
aux colons d’etablir des dizaines d’avant-postes.

Dans un entretien a Haaretz, il y a un mois, Sharon allait tres loin,
precisant pour la premiere fois ce qu’il entendait par l’expression
« concessions douloureuses ». Il a parle de mesures « de grande portee », de
dire adieu au « berceau du peuple juif » dans des endroits comme Bethleem,
Shilo et Beit El. Il a promis un « effort sincere de parvenir a un veritable
accord » a la suite de la victoire americaine en Irak et de l’election d’Abou
Mazen au poste de premier ministre palestinien.

Inevitablement, ses propos ont provoque un debat public sur ses intentions
reelles. Userait-il du pouvoir qu’il a acquis par sa victoire ecrasante pour
faire la paix? Le passe de Sharon, et en particulier ses efforts incessants
en faveur de la colonisation dans les territoires, faisaient naitre des
soupcons quant a sa sincerite. Mais le premier ministre insistait pour dire
qu’a son age, il n’a pas d’autre ambition que celle de faire la paix.

Hier, il est apparu clairement que le Sharon ancien n’a pas disparu. Dans
une interview au Jerusalem Post, il a declare que « des Juifs vivront a Beit
El » sous souverainete israelienne. Il a dit que ses precedentes declarations
avaient ete mal interpretees, et que ces lieux ne sont « pas candidats a
l’evacuation ». Au cours de son entretien de dimanche dernier avec Colin
Powell, il a egalement envoye un double message. Il a promis qu’Israel
« donnerait ce qu’il est necessaire » quand le temps serait venu, si sa
securite est preservee, mais a rejete de facon vehemente l’exigence
americaine de geler la construction pour « croissance naturelle » dans les
colonies.

Les termes de Sharon montrent qu’il n’a pas integre le changement conceptuel
necessaire pour parvenir a un accord de paix fonde sur le compromis. Il
semble que le premier ministre, malgre son desir d’un accord, n’ait pas
encore renonce a sa vision des colonies et d’une annexion rampante de la
Cisjordanie.

Son soutien a un Etat palestinien demeure vide de sens, s’il n’est pas pret
a se retirer de zones qui donneraient aux Palestiniens une continuite
territoriale et permettraient a leur Etat d’exister dans des conditions
raisonnables. Ses declarations sur les concessions ne veulent rien dire s’il
tient a laisser en place les avant-postes.

A la veille de ses rencontres avec Abou Mazen et Bush, Sharon refuse de
faire tout geste significatif, et se contente de maigres mesures, qui ont
deja ete tentees par le passe, sans succes. Qu’il exige de l’Autorite
palestinienne d’engager une guerre determinee contre le terrorisme est
justifie, et cela devra constituer la base de toute future negociation et de
tout accord. Mais Israel doit aussi fournir sa part du travail en clarifiant
l' »horizon politique » et en rendant tangible sa volonte de parvenir a un
compromis.

Il en va de l’interet d’Israel, et cela n’est pas se soumettre a la pression
americaine. Les resultats de la visite de Powell montrent que l’actuelle
administration americaine est encore reticente a s’investir profondement
dans le conflit israelo-palestinien, et qu’elle prefere en laisser la
responsabilite aux parties en presence.

Le ballon est donc dans le camp de Sharon. S’il s’en tient a son soutien aux
colonies, la chance qui existe aujourd’hui d’en finir avec le conflit sera
manquee.