Le chapô de La Paix Maintenant

«Vingt années de négociations bilatérales ont échoué. La communauté internationale doit contraindre Israël à assumer ses responsabilités en tant que puissance occupante et à mettre en œuvre la solution à deux États», écrit ici le secrétaire général de l’OLP.

À noter que cette tribune vient éclairer la fin de non-recevoir opposée en mai dernier par la plume déjà de Saëb Erekat à l’appel de Yossi Beilin à Ma’hmoud Abbas: «Cher Abbas, répondez à Kerry, et fondez un État palestinien maintenant». Et que, publiée comme les lettres ouvertes Beilin-Erekat susmentionnées dans le Ha’Aretz, et non dans un grand organe de presse européen et/ou américain, elle s’adresse à l’opinion publique israélienne – signe en soi positif.

Ce qui l’est moins est qu’Erekat donne ici matière à toutes les inquiétudes israéliennes et donc prétexte aux atermoiements du cabinet Nétanyahou. Son plaidoyer pour une implication internationale, fût-elle un peu coercitive, s’appuie en effet sur la résolution 194 de l’ONU, votée fin 1948 et qui concerne au premier chef le droit au retour des Palestiniens… Le point d’achoppement entre tous, plus encore que Jérusalem où les solutions sont connues depuis les années soixante-dix, et qui se comprend mal dans le cadre de la solution à deux États que, comme lui, nous défendons.

L’article de Saëb Erekat

Avec le 50e anniversaire de l’occupation militaire et coloniale israélienne bientôt à échéance, nous avons atteint un tournant critique dans les négociations israélo-palestiniennes. Pendant plus de vingt ans, les pourparlers bilatéraux ont échoué du fait de l’intransigeance d’Israël, dans son refus de reconnaître les droits nationaux des Palestiniens; et à travers la perpétuation et l’expansion de son entreprise de colonisation.

En fait, le nombre de colons transférés en Palestine occupée a presque quadruplé depuis le début du “processus de paix”, et pourtant, Israël continue à jouir d’impunité et ne se voit pas demander de comptes. Il est maintenant crucial de passer d’une démarche bilatérale déséquilibrée – entre un occupé, et un occupant refusant de respecter les lois élémentaires du droit international – à un cadre plus large, dans lequel la communauté internationale assume ses responsabilités quant à l’application des lois internationales, et veille à la réalisation de la solution à deux États au moyen d’un engagement soutenu et efficace.

L’initiative française est l’étincelle d’espoir que la Palestine attendait et nous sommes confiants qu’elle fournira un cadre clair et des paramètres précis à la reprise des négociations. La conférence internationale devrait être comprise comme une chance de créer un espace de négociation où les pouvoirs s’équilibrent de façon égale et où la loi et les droits de l’humanité prévalent. Elle ne devrait pas se soucier de garantir l’impunité d’Israël concernant ses manquements [1], mais plutôt d’assurer l’observation des principes de la charte des Nations unies et de lui apporter son soutien, ainsi qu’aux nations éprises de paix et respectueuses de la loi.

La Palestine aspire à connaître les mêmes droits et responsabilités que d’autres nations – ce qui devrait donc se refléter dans quelque négociation ou accord définitif que ce soit. Plus précisément, il faut que la conférence incarne le principe fondamental d’égalité en termes de souveraineté, et se concentre sur la mise en œuvre et la matérialisation sur le terrain de l’indépendance palestinienne, suivant un schème et un agenda clairement définis. Malgré une lueur d’espoir, nous ne sommes pas en proie à l’illusion que cette conférence aboutira comme par miracle à l’arrêt immédiat de la politique d’expansion des colons israéliens. Nous la voyons plutôt comme un très tardif engagement de la communauté internationale à contraindre Israël à assumer ses responsabilités de force occupante, et à reconnaître que la voie qui s’ouvre devant nous est celle de la mise en œuvre de la solution à deux États – avant qu’il ne soit trop tard.

Cela signifie le gel par Israël de toute activité d’implantation illégale en Palestine; que la Palestine doit avoir le contrôle de ses frontières; que Jérusalem-Est est et demeure la capitale de l’État palestinien; que la souveraineté se répartisse d’un côté et de l’autre de la frontière de 1967 [2]; que les institutions palestiniennes situées à Jérusalem-Est soient réouvertes et puissent fonctionner librement; que nos réfugiés éparpillés dans le monde entier soient traités avec respect et selon les règles du droit international et la résolution 194 de l’assemblée générale des Nations-unies [3]; et que les prisonniers politiques palestiniens demeurés dans les prisons israéliennes soient libérés.

Nous soutenons l’initiative française dans le but d’assurer notre libération d’un occupant israélien belliqueux, et par conséquent l’indépendance de l’État de Palestine – y compris sa capitale, Jérusalem-Est. La solution à notre problème colonial n’est pas de remanier l’occupation israélienne, mais d’y mettre fin. Seule la souveraineté palestinienne pleine et entière, sans interférence israélienne à l’intérieur de l’État de Palestine indépendant, amènera la paix juste et durable à laquelle nous aspirons.

Dans notre vision de l’avenir, deux États démocratiques et souverains sont capables de vivre côte à côte dans la coopération, la paix et la sécurité – deux États qui donneront des droits égaux à tous leurs citoyens, sans discrimination. Nous appelons la conférence à paver distinctement la voie menant à ce but.

Cette démarche devrait être nette et sans ambiguïté, requérant des deux parties qu’elles remplissent leurs obligations issues des accords antérieurs. La mise en œuvre des accords passés sera le moyen d’instaurer la confiance entre les parties et préparera le terrain entre elles pour l’acceptation sociale et politique de la solution à deux États. La communauté internationale devrait mettre en évidence le fait que le conflit israélo-palestinien ne peut durer plus longtemps et ne saurait être une source d’instabilité dans une région déjà instable. Le fait est que les paramètres d’un statut permanent et définitif entre les deux parties sont bien connus.

Il est de la responsabilité du monde de s’assurer qu’Israël ne puisse persister à dénier à un peuple les plus essentiels et les plus précieux de ses droits, y compris le droit d’être libre. Faisons de l’an prochain un anniversaire à célébrer, plutôt que de marquer encore d’une pierre l’anniversaire d’un échec collectif des nations à faire montre de fermeté pour mettre la Palestine sur la carte et faire régner la paix.

Notes

[1] Litt. “violations”, mais en français le terme exige un complément ici sous-entendu: ”de la législation internationale et des droits de l’humanité”.

[2] Il s’agit de la célèbre Ligne verte, dessinée par les lignes d’armistice fixées à l’issue de la guerre d’Indépendance et stables jusqu’à la guerre des Six Jours.

[3] Adoptée le 11 décembre 1948, au terme d’une année de guerre – entre communautés juive et arabe de Palestine puis, après l’indépendance, entre les États arabes avoisinant Israël et le nouvel État. Une guerre qui a entraîné le départ de 725 000 des 900 000 Arabes palestiniens hors du territoire israélien enserré dans les lignes d’armistice et où la population est désormais de ce fait en grande majorité juive. Et refuse que reviennent ceux qui ont fui – dont le droit au retour est réclamé à l’inverse par les États arabes (qui les avaient encouragés à fuir pour mieux revenir en vainqueurs) et se voit bientôt inscrit à l’article 11 de la résolution 194.-