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Ha’aretz, 20 avril 2005

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Alors que toute l’attention est tournée vers l’évacuation très médiatisée des colons de Goush Katif, c’est en Cisjordanie qu’est en train de se dérouler la véritable bataille pour les frontières d’Israël. Il se pourrait que plusieurs années s’écoulent avant que la frontière Est, avec les Palestiniens, ne soit fixée, mais en attendant, les bulldozers et les maçons sont à l’œuvre (comme Israël en a l’habitude depuis les 38 ans qu’il occupe les territoires) pour créer des « faits accomplis sur le terrain » contre toute logique et contre les intérêts à long terme de l’Etat d’Israël. L’expérience montre d’ailleurs, comme dans le cas de Goush Katif, qu’une construction massive ne transforme pas automatiquement une région en une partie intégrante d’Israël.

Cette tentative de tour de passe-passe continue, dans les discussions avec les Américains, les Palestiniens, les colons et le public israélien. L’argument selon lequel la clôture en cours de construction en Cisjordanie ne répond qu’à des motifs sécuritaires et non politiques est une sorte de tromperie. Une autre tromperie est d’affirmer que les Américains permettront à Israël d’annexer le bloc Ariel – Kedoumim. Aucun signe n’indique que le président Bush et son administration n’ait jamais donné son accord à ne serait-ce qu’une allusion à la continuation de la construction dans les territoires ou à l’annexion d’Ariel – Kedoumim. Cela n’a pas empêché le Premier ministre Ariel Sharon de déclarer lors du conseil des ministres du 20 février, quand le tracé de la clôture a été déterminé, « qu’il est inconcevable qu’Ariel, Beit Arie et Ofarim ne soient pas à l’intérieur de la clôture » [donc, du côté israélien, ndt].

Pour sortir de cet imbroglio, où Israël et les Etats-Unis n’ont pas la même position à l’égard de la frontière orientale d’Israël, il a été décidé d’entourer Ariel et d’autres colonies de cette région d’une clôture, sans relier ladite clôture à la clôture de sécurité proprement dite. Cette étrange solution, à laquelle on a donné le nom d' »onglets », et qui constitue un compromis entre la position américaine opposée à une extension « en doigts » de la clôture en direction d’Ariel, et la déclaration [de Sharon, ndt] selon laquelle Ariel serait incluse à l’intérieur de cette clôture, se trouve maintenant à l’ordre du jour de la haute Cour de justice.

Il apparaît que certaines portions de ces « onglets » se trouvent sur des terres privées palestiniennes. Alors qu’il semblait, auparavant, qu’Ariel serait provisoirement entourée d’une clôture proche de la colonie, pour raisons de sécurité, les doigts se sont épaissis et multipliés au fil du temps pour se transformer en une sorte de première étape vers la connexion à la clôture de sécurité.

Les colonies construites au cœur de la Samarie, comme Ofra, Elon Moreh et Kedoumim, à savoir les étendards du mouvement Goush Emounim [[Goush Emounim (« Bloc de la fidélité ») : mouvement créé en 1974 par des radicaux du Parti national religieux. Il revendique l’annexion à Israël des territoires palestiniens et s’est montré très actif dans la création de colonies]], ont été disséminées au cœur du territoire palestinien pour empêcher tout accord politique. Le fait de construire une clôture autour de ces colonies, d’élargir les territoires relevant de leur juridiction, et ce en abattant des oliviers et en dérobant des biens privés, montre que du côté israélien, on n’a pas encore complètement saisi la nécessité de se montrer généreux, concernant à la fois le retrait et l’accord, pour permettre aux Palestiniens de vivre sur leurs terres dans la dignité.

Ce plan des « onglets » est destiné à retarder le plus longtemps possible toute discussion sur le bloc d’Ariel. Le harcèlement des Palestiniens au cours de cette période intérimaire, qui s’en prendrait à leurs sources de revenus, leurs terres, leurs maisons et leur liberté de mouvement ne ferait que semer encore davantage la haine. Au bout du compte, aucune clôture de séparation ne pourra protéger Israël de cette haine.