Haaretz, 15 février 2002

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


La proportion de Juifs vivant en Israël et dans les territoires est aujourd’hui de 53%, mais elle sera comprise entre 43% et 48% en 2020. Cette prévision fait partie d’une longue étude publiée la semaine dernière par le professeur Sergio Della Pergola, président de l’Institut du Judaïsme Contemporain de l’Université hébraïque de Jérusalem. La conclusion à tirer de cette étude est claire pour tous ceux qui désirent vivre dans un Israël démocratique à majorité juive : il faut mettre un terme à l’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, et il faut retourner aux frontières de 1967 (avec des ajustements soumis à accords mutuels). Entre le Jourdain et la Mer Méditerranée, deux Etats doivent vivre côte a côte, Israel et la Palestine. Seuls ceux qui caressent des rêves immoraux, ou inapplicables, ou ceux qui s’en tiennent encore à la vision dangereuse et anachronique d’un Etat binational, peuvent remettre en question ce qui paraît si évident

Le slogan « sortons des territoires, revenons à nous », qui en pratique adopte la perpective qui se dégage de l’étude de Della Pergola, circulera samedi soir, lors d’une manifestation à l’initiative de La Paix Maintenant et de la Coalition pour la Paix. Il y a une semaine, plusieurs mouvements de gauche ont manifesté contre l’occupation, et mercredi, des étudiants de la ligne Verte, un nouveau mouvement, ont manifesté devant la residence du Premier ministre, et ont déclaré qu’ils continueraient à manifester jusqu’a ce qu’Israel renonce à ses colonies dans les territoires et retourne aux frontières d’avant la guerre des Six jours.

Ces signes d’un nouveau combat politique, dans une période difficile où nous
connaissons tant d’actes terroristes, sont vraiment les bienvenus. On peut
espérer qu’ils annoncent une grande et persistante vague de protestation.
Les manifestants rappelleront au gouvernement que, en dépit du désespoir qui
s’est emparé des pensées et des sentiments de la gauche et du centre modéré,
et en dépit du sentiment d’abandon qui a submergé beaucoup de ceux qui ont
cru dans le processus d’Oslo et ont ete déçus, et de la colère qui a rendu
muets tous les autres qui ont espéré la paix avec le peuple palestinien, en
dépit de tout cela, il existe encore une grande proportion de gens convaincus qu’Israel ne doit pas dominer un autre peuple, et doit se stabiliser sur ses frontières, en tant qu’Etat juif et démocratique. Les territoires occupés en 1967, qui devaient servir de monnaie d’échange sur le chemin vers la paix, se sont révélés constituer l’obstacle le plus important sur ce chemin.

Les colonies établies dans ces territoires, par des decisions pitoyables prises par tous les gouvernements d’Israel, assèchent l’économie, minent la solidarité sociale et créent un enorme fossé entre les colons, sponsorisés par le gouvernement, et les citoyens vivant à l’intérieur de la ligne Verte, qui eux, portent un très lourd fardeau. Les dommages physiques infligés à des civils innocents, les retards insupportables aux barrages militaires, l’humiliation de centaines de milliers d’êtres humains, l’insolente construction de nouvelles colonies, tout cela est le fruit amer de l’occupation des territoires. L’occupation ne porte pas seulement atteinte à la capacité d’un Etat souverain à se défendre, elle ne déstabilise pas seulement sa position morale aux yeux du monde, mais plus encore, elle divise la société israélienne. Elle retarde son developpement et y instille la violence et la haine. La terreur palestinienne meurtrière a bien affaibli
la position des colombes. Il n’en reste pas moins qu’alors qu’il devient chaque jour plus clair que le gouvernement Sharon n’a aucune politique, et que les réactions israéliennes au terrorisme deviennent plus extrêmes et présagent d’une guerre, la révolte commence à gronder.