Ha’aretz, 13 septembre 2006

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Les derniers jours de la guerre, quand il a été clair que Tsahal n’avait pas de solution contre les tirs de roquettes Katyousha qui se poursuivaient, la décision a été prise d' »inonder » la zone de bombes à sous-munitions. Il s’agissait de tirs sans cible précise, qui reposaient sur l’hypothèse que ces petites bombes couvriraient une grande surface, pourraient détruire des lanceurs de roquettes du Hezbollah, et feraient le plus de victimes possible dans les rangs de ses combattants.

Un soldat, qui a tiré des obus de 155 mm contenant des bombes à sous-munitions, a dit à Ha’aretz qu’on lui a donné l’ordre d' »inonder » la zone de ces bombes, sans cible précise. Un officier du Système de Lancement Multiple de Roquettes (MLRS) a déclaré à Ha’aretz que les ordres étaient de « saturer la zone ». Ces déclarations ont été publiées dans les articles de Meron Rapoport les 8 et 12 septembre [Voir : [ ]]. Plus d’un million de petites bombes ont été larguées sur le Sud Liban. Chaque roquette M-26 lancée par un MLRS contenait 644 petites bombes, capables de couvrir une zone équivalente à la surface d’un terrain de football.

Tirer sur des cibles indéterminées est un problème en soi. Le dilemme que cela implique se retrouve dans les propos des soldats qui ont tiré ces bombes lors de manoeuvres et qui ont reconnu que ce type d’armes ne doit être utilisé que dans le cadre d’une guerre contre une armée régulière, afin de frapper des convois d’approvisionnement en armes ou des batteries de missiles, et non contre des zones peuplées de civils. Mais, au-delà de ce dilemme, la commission qui enquête sur la guerre devra se poser la question du sort de ces bombes à fragmentation qui n’ont pas explosé, et qui sont donc devenues des mines partout au sud Liban.

La bombe à sous-munitions n’est pas une arme prohibée, mais elle est classée dans la catégorie des armes « non discriminantes », qui ne doivent pas être utilisées contre des zones peuplées de civils, car, entre autres, elles continuent à tuer une fois la guerre terminée. Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, 12 civils libanais ont été tués par l’explosion de ces bombes. Etant donné que le pourcentage de bombes non encore explosées varie entre 5 et 30%, selon les estimations, le Sud Liban est aujourd’hui une région parsemée de milliers de petites bombes qui n’ont pas encore explosé.

Les questions qui concernent le comportement de Tsahal pendant la guerre ont de nombreuses conséquences, à la fois morales et pratiques. La capacité d’Israël à rallier le soutien de la communauté internationale dépend en partie de la distinction qu’il fait entre civils innocents et ennemis. Alors que les attaques contre les civils font partie de la stratégie du Hamas et du Hezbollah, Israël déclare ne pas agir de la sorte, et qu’il fait un effort pour éviter de frapper les civils. Mais la décision de larguer des bombes à sous-munitions sur des villages, sans cible précise ; la décision d’utiliser ces bombes sur une zone étendue, rendant ainsi impossible de savoir à l’avance qui se trouvera là ; et le fait bien connu qu’une portion non négligeable de ces armes n’explosera pas à l’impact et se transformera donc en mines dans des zones où les civils retourneront, tout cela témoigne des décisions erronées de ceux qui ont conduit cette guerre.

Aujourd’hui, Israël ne peut rien faire d’autre qu’accéder à la requête du secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, et collaborer au marquage des zones frappées par des bombes à fragmentation, afin qu’il n’y ait plus de victimes parmi les civils libanais, qui ont déjà assez souffert de la guerre. D’importantes portions du Sud Liban sont aujourd’hui devenues des champs de mines. La condamnation de Kofi Annan n’était pas sans fondement