L’affaire du soldat israélien qui a tué de sang-froid un Palestinien neutralisé après que ce dernier avait attenté à la vie d’un soldat israélien – mais alors qu’il était à terre et hors d’état de nuire – est symptomatique de l’impact de l’occupation sur la société israélienne. Au-delà de la culpabilité personnelle du soldat (qu’on ne saurait confirmer ou infirmer tant que l’enquête n’est pas close), il y a la responsabilité de la société israélienne et celle de ses hommes politiques dans la poursuite de l’occupation. De jeunes soldats sont mis dans des situations difficiles sinon impossibles à gérer convenablement même pour des adultes expérimentés. Comme si le « sacrifice d’Isaac » était toujours contemporain…

Cette « affaire » n’est pas nouvelle. Plusieurs soldats ou civils israéliens ont “franchi la ligne” au cours de ces derniers mois. Il existe un narratif de Tsahal, “armée morale”; il est fondamental, car il crée une norme (dite de la «pureté des armes»). Mais un narratif ne ré couvre pas la réalité dans son entier. On sait que, dès la création de l’État, des « affaires » ont eu lieu. En 1951, le gouvernement israélien a débattu de la question de la peine de mort pour les Juifs responsables du meurtre d’Arabes. Ben-Gourion a déclaré en réunion de cabinet : «Je ne suis pas au fait de tous les crimes commis en Israël mais, comme ministre de la Défense, j’en connais certains; et je dois dire que la situation est effrayante dans deux domaines, les meurtres et les viols. Des membres de l’état-major me disent, et c’est aussi mon avis, que tant qu’un soldat juif n’aura pas été pendu pour l’assassinat d’un Arabe ces actes ne cesseront pas.» (Ha’Aretz, le 1/4/2016). Certes, il faut contextualiser les choses. La guerre d’Indépendance s’était achevée, mais les plaies étaient loin d’avoir cicatrisé.

Après 50 années d’occupation, ne se sont-elles pas rouvertes? Ce que dit cette affaire de la société israélienne est inquiétant, dès lors qu’une part non négligeable de la population comprend, excuse et soutient de tels comportements sans rien y voir, ou si peu, à redire. Il est encourageant cependant que les plus hautes autorités de l’armée, y compris le chef d’état-major et le ministre de la Défense (qui n’est pas une « colombe » pour autant que l’on sache) aient pris position sans la moindre ambiguïté.

La haine, l’esprit de revanche, la non-reconnaissance de l’Autre en tant que semblable ne peuvent que conduire à des débordements de cette nature.

La poursuite de l’occupation en est le terreau…