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Haaretz, le 15 octobre 2004

Trad. Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Les services du Premier ministre ont répandu un épais écran de fumée pour
dissimuler le cri du coeur du procureur Dov Weisglass lancé lors d’une
interview accordée à Ari Shavit et publiée dans le Haaretz Magazine du 8
octobre. Pourquoi l’avocat a-t-il « donné » son client? C’est une bonne
question, mais ce qui est plus intéressant, ce sont les leçons que chacune
des parties ne manquera pas de tirer de ces révélations.

Les leçons pour les Palestiniens sont claires : Le gouvernement Sharon,
avec ou sans plan de retrait, n’a aucune intention de négocier avec eux
sur les sujets essentiels; le soutien de Sharon au plan de paix dit  » feuille de
route  » n’est que de pure forme; Israël continuera à pratiquer le fait
accompli sur le terrain. La seule manière de provoquer des changements
politiques passera par la force et la violence, comme cela s’est produit
dans la bande de Gaza L’influence du Hezbollah dans les territoires risque
d’augmenter, mais il n’y a pas d’alternative.

Pour les Egyptiens, les leçons à tirer des paroles de Weisglass sont claires
également : Puisque la violence va persister, Le Caire ne devrait pas
autoriser des représentants égyptiens à manoeuvrer dans la bande de Gaza.
Une telle activité les mettrait en danger directement, et risquerait de
provoquer l’implication d’Egyptiens dans des clashes avec les Palestiniens
et avec les Israéliens ; la poursuite de la coopération avec Israël doit
être conditionnée à des concessions israéliennes en Cisjordanie. Dans ce
but, il faut une augmentation de la pression internationale sur Israël.

Pour le public israélien, les leçons du programme politique
Sharon-Weisglass devraient aussi être claires : Le maintien sous occupation du
peuple palestinien va se poursuivre, tout cela accompagné du terrorisme et
de la violence; la guerre va sans le moindre doute continuer, y compris
pendant la mise en oeuvre du retrait de la bande de Gaza; la probabilité
qu’Israël évacue les avants-postes illégaux (ou, selon une autre
définition, les avants-postes non-approuvés) est mince. Non seulement les
colons s’opposent à l’évacuation, mais le gouvernement, lui, s’y dérobe.
Les officiers des Forces de Défense d’Israël voient la triste réalité et
seraient heureux que l’armée n’y soit pas entraînée.

Les Etats-Unis sont préoccupés par les élections présidentielles, et sont
embourbés dans des combats embrouillés en Irak, mais ils n’ignorent pas la
confession de Weisglass. Quiconque à Washington a les yeux en face des
trous a certainement conclu que : Il se peut qu’Israël n’ait pas de
partenaire palestinien pour des négociations tant qu’Arafat demeure le
principal dirigeant, mais il s’avère que le concept de Sharon d’un retrait
 » unilatéral  » a été conçu pour empêcher tout réel progrès politique; le
soutien du Premier ministre à la feuille de route, qui prévoit des
négociations entre les deux côtés, un agenda clair et même une conférence
internationale, n’est pas sincère; il n’a y quasiment aucune chance que
Sharon tienne ses promesses envers le Président George W. Bush,telles
qu’elles ont été exprimées dans la lettre que Weisglass avait
écrite en son nom le 14 avril de cette année. Le plan de désengagement de
Sharon mérite qu’on le soutienne en ce moment, mais au final il risque de
mettre de l’huile sur le feu du conflit, voire de mettre en danger la
Jordanie. Il est raisonnable de penser que le prochain président des
Etats-Unis se demandera si soutenir le plan Weisglass-Sharon c’est
garantir le bien-être d’Israël.

La communauté internationale, y compris le Quartet (Etats-Unis, Russie,
Union européenne et Onu, qui sont censés surveiller la mise en application
de la feuille de route), a probablement tiré ses propres conclusions.
Après les déclarations de Weisglass, il apparaît clair qu’il faut
conditionner plus sévèrement l’assistance au plan Sharon. Afin que la bande
de Gaza ne se transforme pas en bombe à retardement, le plan de
désengagement doit être  » volé  » à Sharon. Soutenir aveuglément ce plan,
c’est soutenir le plan Sharon-Weisglass de gel de toute négociation. Nous
devons oeuvrer contre l’aspect unilatéral du plan de Sharon, en impliquant
les Palestiniensdans sa mise en oeuvre; en poussant les deux côtés à des
négociations sur divers domaines pratiques; et en conditionnant l’aide de
la Banque mondiale et des pays de l’UE à l’acceptation par Israël du principe
de conjugaison des actions internationales, égyptiennes et palestiniennes.

Les clarifications fournies par Weisglass dans son interview donnent du
poids à ceux qui réclament que des  » tierces parties « , y compris
des observateurs, doivent activement jouer un rôle dans la bande de Gaza.
Dans un premier temps, il semblait, aussi dur que cela fut, que nous
puissions réussir là-bas sans eux, mais la formule actuelle de
désengagement risque de conduire la bande de Gaza au chaos, à de lourds
accrochages armés et à une occupation indirecte.