Yediot Aharonot, 14 mars 2010

[->http://www.ynetnews.com/articles/1,7340,L-3862510,00.html]

Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Dimanche, le gouvernement s’apprêtait à approuver une décision que la
plupart des ministres s’accordent à considérer comme honteuse, inutile et
comme une perte de temps. Et une majorité écrasante de l’opinion pense de
même. Néanmoins, cette décision allait être prise.

En apparence, une histoire sans importance. L’hôpital Barzilaï d’Ashkelon a
besoin d’une salle pour les urgences. Or, des tombes anciennes, probablement
de non-juifs, avaient été découvertes sur le site prévu pour la construction
de cette salle. Les deux rabbins en chef étaient d’accord pour transférer
ces tombes, mais c’était sans compter avec les rabbins ultra-orthodoxes,
opposés à l’avis des rabbins en chef. Et Yaakov Litzman, vice-ministre de la
santé, suit l’avis de ces rabbins-là.

Résultat : le gouvernement va dépenser quelque 25 millions de $ sur le
budget de la santé pour construire la salle des urgences à quelques
centaines de mètres de l’hôpital. De plus, il n’y aucune certitude que
d’anciennes tombes ne soient pas découvertes sur le nouveau site, ce qui
déclencherait une re-délocalisation, pour une troisième fois.

Le lecteur peut hausser les épaules et se dire qu’il ne s’agit que d’encore
une histoire, parmi de nombreuses autres, sur les ultra-orthodoxes
extrémistes. Car il y a une limite à la révolte ou au choc. Pourtant, elle
ne traite pas seulement des ultra-orthodoxes, mais plutôt de la manière dont
Netannyahou conduit son gouvernement. La partie émergée de l’iceberg. Une
allégorie.

Après une année en fonction, essentiellement consacrée à sa survie
politique, il y a lieu de se poser des questions sur la personnalité de
Netannyahou. Est-il le Premier Ministre ou un invité ? En possède-t-il les
capacités nécessaires de décision, quelle est sa vision du monde, quelles
sont ses priorités ? Que veut cet homme, se demande-t-on en ce moment dans
toutes les capitales mondiales ? Veut-il même quelque chose, à part
retourner tous les soirs à sa résidence de Premier Ministre, entourée par
une armée de gardes du corps ?

Ce problème de tombes de l’hôpital d’Ashkelon aurait pu être résolu à
l’israélienne. Il y a quinze mois, Ashkelon connaissait la guerre. L’armée
israélienne avait frappé Gaza et Ashkelon, y compris l’hôpital, subissait
tous les jours des tirs de roquettes. Quelqu’un (le directeur de l’hôpital
ou l’un de ses collaborateurs) aurait dû demander alors que des bulldozers
évacuent les tombes, puis expliquer cette regrettable erreur en invoquant le
besoin de l’hôpital de se fortifier.

La peur est mauvaise conseillère

C’est ainsi que depuis 61 ans, les problèmes de tombes sont résolus. Tour le
monde aurait remercié le directeur du fond du cœur, même les politiciens
ultra-orthodoxes. Mais malheureusement l’occasion a été manquée.

Maintenant, Netannyahou est face à ce dilemme. Le problème est qu’il a peur
de secouer le bateau. Il a peur quand c’est Avigdor Lieberman qui cause des
dommages colossaux à la position d’Israël dans le monde. Il a peur quand Eli
Yishaï (dirigeant du Shass, ndt) met à mal nos relations avec
l’administration américaine, ou quand les ultra-orthodoxes préfèrent la paix
des morts à la santé des vivants.

« Ils ont peur ! » Netanyahou a dit cela un jour, une veille d’élection
perdue. Mais à la vérité, c’est lui qui a peur.

La peur est mauvaise conseillère. L’affaire de Jérusalem en offre un exemple
aussi frappant que celle de l’hôpital. Depuis des mois, l’avocat de
Netanyahou, Itzhak Molcho, était engagé dans de discrètes négociations sur
Jérusalem avec le sénateur George Mitchell, émissaire d’Obama. Mais
Netanyahou avait peur de fâcher la droite. Molcho affirma donc à Mitchell
que le Premier Ministre était dans l’incapacité de déclarer un gel de la
construction à Jérusalem-Est.

Eh même temps, Netanyahou avait peur de fâcher les Américains. Molcho promit
donc à Mitchell qu’il n’y aurait pas d’annonce de constructions nouvelles à
Jérusalem-Est. La semaine dernière, le résultat explosa à la figure du
vice-président, Jo Biden.

Résultat : en ne voulant se fâcher avec personne, Netanyahou a fâché tout le
monde : les Américains, la gauche, la droite et, pour finir, les
ultra-orthodoxes. Tout le monde peut sentir sa peur. Or, il n’y a rien de
plus dangereux pour un Premier ministre, que cette odeur : l’odeur de la
peur.