Un message des citoyens arabes d’Israël

Par Nazir Majali [[L’auteur est commentateur sur les affaires israéliennes à la
télévision arabe et au journal Al Sharq al Awsat]]

Trad.: Tal Aronzon pour La Paix Maintenant

Haaretz, le 21 octobre 2004


Préalablement à la publication de son projet pour une «Constitution par consensus», l’Institut israélien pour la démocratie (The Israel Democracy
Institute – IDI) a décidé de s’adresser aux citoyens arabes d’Israël pour leur demander leur opinion sur le sujet. Dans l’enquête conduite par l’Institut arabe Yafa, pour le compte de l’IDI, il apparaît qu’environ trois citoyens arabes sur quatre sont en accord avec la définition d’Israël comme « Etat juif et démocratique», ceci à condition qu’elle assure une pleine égalité des droits aux Arabes.

Le faible nombre de personnes au courant des résultats de cette enquête menée en septembre 2004, ont été très surprises, certaines pouvant même aller jusqu’à émettre des doutes sur leur fiabilité. Car, après tout, la population juive d’Israël a été abreuvée pendant plusieurs années des titres sensationnels des journaux et de déclarations incendiaires venant de la part de dirigeants politiques et de responsables de l’establishment militaire les avertissant d’une montée de l’extrémisme parmi les Arabes d’Israël.

Ces personnes mettaient en doute la loyauté des citoyens arabes envers l’Etat, et expliquaient, dans le meilleur des cas, que ceux-ci souffraient de problèmes d’identité et étaient tiraillés entre la loyauté envers leur peuple et la loyauté envers leur pays. Et lorsqu’un groupe de citoyens arabes est apparu, affirmant qu’ils ne vivaient pas cette double appartenance comme un paradoxe et qu’ils acceptaient très bien de faire partie intégrante à la fois de l’Etat d’Israël et du peuple palestinien – et qu’ils voyaient même cela comme un privilège, permettant de rapprocher les deux groupes – ces personnes ont affirmé : très bien, mais ce groupe est marginal et peu représentatif.

Or voilà que, sortie de nulle part, une enquête a vu le jour, dans laquelle plus de 77% des Arabes israéliens interrogés disent « soutenir » ou « soutenir entièrement» l’établissement d’une constitution définissant Israël comme un Etat juif et démocratique et assurant une pleine égalité des droits aux Arabes. Ceci va à l’encontre des stéréotypes prévalant dans ce pays au sujet des Arabes et n’est pas conforme au message véhiculé par l’establishment chargé de la sécurité. Ainsi, la publicité donnée à cette enquête fut modeste, ce qui est un euphémisme. Elle fut quasiment inexistante.

Imaginez les titres qu’auraient retenus les médias et les réactions des responsables politiques au cas où le résultat aurait été inverse, si 77% des citoyens arabes s’étaient opposés à la définition d’Israël comme Etat juif. Imaginez quelle influence cela aurait eu sur l’opinion des Juifs, dont environ deux tiers ont déjà affirmé que les Arabes devraient être encouragés à quitter le pays, d’après une enquête réalisée par l’Université de Haïfa et publiée il y a six mois.

Les résultats de l’enquête réalisée par l’Institut Yafa constituent un message direct de la population arabe à la population juive. Il s’agit d’un message de conciliation, de paix et de partenariat d’une suprême importance. En effet, non seulement les Arabes disent qu’ils admettent l’Etat d’Israël en tant que réalité et comme partie prenante de la résolution du conflit, mais aussi – et de façon plus importante – qu’ils reconnaissent cet Etat comme l’expression de l’auto détermination du peuple juif et son droit à avoir son propre Etat défini comme juif.

Il n’y a pas de meilleure preuve que les Arabes d’Israël aspirent à contribuer de leur manière à une résolution pacifique du conflit entre leur peuple et leur pays. Et, accessoirement, cette opinion claire n’entre aucunement en contradiction avec le fait que les Arabes d’Israël appartiennent au peuple palestinien et à la nation arabe. Au contraire, ils adoptent cette position à partir d’une entière compréhension de la nécessité d’une solution à ce conflit basée sur deux Etats. Autrement dit, ils souhaitent que leur peuple dispose de son propre Etat, au côté de l’Etat juif d’Israël.

Il est inutile de préciser que leur condition – un Etat démocratique dans lequel les Arabes jouissent d’une pleine égalité des droits – sert avant tout l’intérêt de l’Etat d’Israël et de ses citoyens Juifs et Arabes de façon égale.

Et cette position mérite une réponse adéquate de la part de la société juive et de l’Etat dans son ensemble.