Les violences racistes récemment intervenues dans le sud de Tel-Aviv à l’encontre de la population africaine (pour une large part en situation illégale) étaient prévisibles, voire annoncées par les associations humanitaires qui œuvrent depuis longtemps sur le terrain.

Les dénonciations de la passivité gouvernementale n’ont pas été entendues, alors que le cabinet se voit accusé de n’avoir pas su, ou voulu, mettre en place une véritable politique en matière d’immigration ; de se refuser à distinguer entre « réfugiés », « demandeurs d’asile », « clandestins » ou « travailleurs illégaux » – tous définis en Israël comme des « infiltrés » ; de ne pas aider les municipalités concernées à faire face à une situation dont le poids repose tout entier sur la population avoisinante, elle-même fréquemment défavorisée et connaissant déjà de multiples difficultés économiques et sociales.

Les autorités ont privilégié une “barrière d’annexion” (s’il ne s’était agi que de sécurité – ce qui est également l’objectif ! – son tracé eut été moins “tarabiscoté”, on l’aurait plus vite achevée et à moindre coût) plutôt qu’une barrière de séparation permettant de diminuer la perméabilité des frontières entre le Sinaï et Israël, et de réduire l’immigration (sans constituer pour autant “LA” solution au problème).

Yariv Oppenheimer, responsable de Shalom Akhshav, a dénoncé les agressions dont les Africains ont été victimes dans la soirée du mercredi 23 mai. Il a souligné que « les infiltrés les plus dangereux sont en fait ces mêmes gens de droite qui s’infiltrent là où existent des tensions sociales et tentent cyniquement de les exploiter ». La foule qui s’en est pris aux Africains avait été chauffée à blanc par des députés de droite tenant des propos incendiaires… Et l’incendie éclata aussitôt après ! 

Shalom Akhshav a demandé au procureur général de diligenter une enquête au chef d’incitation à la violence à l’encontre des députés Miri Reguev (Likoud, ex porte-parole de l’armée), qui a qualifié les  Soudanais de « cancer à extirper de notre corps » ; Eli Yishai (Shass, ministre de l’Intérieur), et Dani Danon (Likoud) : « Il faut expulser les infiltrés. N’ayons pas peur de le dire : « Expulsion maintenant ! » » ; Mikhaël Ben Ari (Union nationale) enfin, qui traita les réfugiés de « violeurs parmi nous », lâchant : « Le temps des paroles est passé ! »… Tout de suite après, la foule passa aux actes, attaquant et molestant des Africains, détruisant des véhicules, brisant des vitrines.

Parallèlement à une campagne d’affichage [1], Shalom Akhshav a lancé en ligne une pétition réclamant l’ouverture de l’enquête. Pétition qui a déjà recueilli plusieurs milliers de signatures.

Dès le lendemain de ces agressions, jeudi 24 mai, plusieurs centaines d’habitants du sud de Tel-Aviv se sont réunis pour protester contre les incidents qui s’étaient produits la veille. « Nous sommes tous des réfugiés ! », « Lequel d’entre nous n’est pas un réfugié ? », pouvait-on entendre scander et lire sur les pancartes brandies.

On ne peut que se réjouir de ces premières réactions, et de celles des plus hautes autorités, Président de l’État et Premier ministre inclus, qui ont condamné sans la moindre ambiguïté ces débordements (le second annonçant cependant en même temps les expulsions à venir…) Mais il ne faudrait pas oublier pour autant que le problème reste entier et que les risques de dérapages perdurent ; le conseiller juridique du gouvernement, Yéhudah Weinstein, est partisan de renvoyer les Soudanais vers « leur » pays ; et le maire de Tel-Aviv, Ron Houldaï, ainsi que quatre autres édiles de grandes villes concernées par le problème, ont lancé une campagne pour que les “infiltrés” soient internés puis expulsés.

« Les Juifs, plus que d’autres, doivent savoir leur tendre une main secourable », disent les libéraux. Seront-ils entendus ? Sauront-ils se faire entendre ?

NOTE

[1] Affiche disponible sur le site de Shalom Akhshav. Autour des portraits des député(e)s Dani Danon, Mikhaël Ben Ari, Eli YIshai et Miri Regev (de droite à gauche), on lit :

« Éloignons ces dangereux individus de nos quartiers. Ils exploitent cyniquement la détresse de la population licite. Ils usent de la situation à des fins politiciennes. Ils incitent au racisme et à la haine. Ils font couler le sang. Ils transfèrent chaque shekel disponible vers les implantations au lieu de les employer au profit de quartiers en détresse.

Le vrai DANGER, c’est eux ! »