Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Pour la deuxième fois, les groupes palestiniens se sont rencontrés en Egypte
pour discuter de leur avenir dans un endroit tranquille (version égyptienne), pour unir leurs forces (version palestinienne), pour influencer le résultat des élections en Israël (version israélienne), ou pour stopper les attentats suicides (version de tout le monde). Des analystes israéliens ont dit que l’Egypte n’avait aucun droit d’intervenir dans leurs élections ; certains analystes arabes ont dit que parier sur le seul Parti travailliste était une grave erreur ; et les masses arabes ont dit qu’il s’agissait d’un nouveau complot dont l’objectif est d’arrêter la glorieuse intifada. Il se peut que tous aient raison, mais est-ce vraiment ce que cette magnifique
conférence a montré? En est-il sorti quoi que ce soit d’important? La grosse
surprise a été que l’Egypte, et derrière elle le reste des politiciens arabes, ont voulu très fort parler au Hamas et au peuple israélien, et les influencer. En d’autres termes, le Hamas et le peuple israélien, soit les deux entités les plus invisibles de la politique arabe, sont finalement reconnus!

Cependant, je voudrais poser une question, le plus humblement possible :
comment nous, Arabes, parlerons-nous au peuple israélien? Suffit-il de lui
promettre que nous allons supplier le Hamas de stopper ses opérations
suicides a l’interieur de la Ligne Verte (première réunion) ou pendant une
annee entière (deuxième réunion)? A nous, cela semble une « offre généreuse ».
Mais que s’est-il passé? Les Israéliens, ces ingrats, ont répliqué en
réélisant Sharon. En fait, ils ont réélu Sharon parce qu’ils sont absolument
désespérés. Ils ont déjà essayé Barak, pourquoi donc essayer Mitzna? Ce dont
le peuple israélien a besoin, c’est tout simplement d’un mouvement arabe
pour la paix, d’une manifestation pour la paix, une seule manifestation pour
la paix, ou au moins de quelques articles qui s’adressent à son coeur et qui
soutiennent les militants de la paix en son sein. Comment peut-il porter
quelque appréciation que ce soit sur cette conférence quand elle a été
précédée par « un Cavalier sans Monture », par un flot d’articles antisémites
dans la presse arabe, par la cessation de la plupart des projets communs et
par la nouvelle vigueur du Front Anti Normalisation soutenu par les
gouvernements arabes? De nombreux Israéliens ont réélu Sharon, non parce
qu’ils ont confiance en lui, mais parce qu’ils n’ont pas confiance en nous.

Essayons maintenant de nous mettre à la place du Hamas. L’Egypte, qui a
persécuté pendant de nombreuses années son organisation mère, les Frères
Musulmans, cherche maintenant à reconnaître les membres du Hamas et à les
réconcilier avec leur autorité nationale. Est-ce crédible? Est-il crédible qu’Arafat, qui n’a pas arrêté de les pourchasser et de les emprisonner, sauf depuis le début de la deuxième intifada, devienne leur partenaire? Essayons de considérer cette affaire sous un autre angle. Qui est responsable de la propagation du discours du Hamas? Ne sont-ce pas les gouvernements arabes, y compris l’Autorité palestinienne, qui l’ont propagé à travers des médias impitoyables? Avant de demander au Hamas de stopper les attentats suicides, les leaders arabes ont-ils stoppé les louanges pour ces operations dans les médias? N’y a-t-il pas une contradiction? En réalité, le fait de persécuter le Hamas tout en répercutant son discours a constitué une politique stupide. Les leaders arabes auraient du faire le contraire : montrer une certaine tolérance envers le Hamas, tout en censurant sa propagande pernicieuse.

Ne sous-estimons pas l’intelligence des politiciens arabes. Cette magnifique
conférence, en réalité, ne s’adressait ni au Hamas, ni au peuple israélien. Le seul réel changement est que les Arabes ont renoncé au « processus de paix », et s’en sont retournés au bon vieux processus de « gestion du conflit ». Cette magnifique conférence faisait partie de cette gestion avec en sus, néanmoins, un petit pari sur Mitzna. Les stratèges arabes, en particulier après Camp David 2, sont parvenus à la conclusion que la paix n’était pas possible pour les 20 ans à venir, et peut-être pour toujours. Vues sous cet angle, les actions arabes en faveur de la paix n’ont aucun sens ni aucune valeur. Le Nouveau Moyen-Orient, les projets communs et la coopération régionale, tout cela est de l’histoire ancienne. Voilà, malheureusement, la réalité nouvelle d’un Moyen-Orient tres triste.

Un énorme défi nous attend ainsi, nous peuples arabe et israélien : serons-nous capables de défier cette réalite tragique, de surmonter notre tristesse et notre colère, et de nous tendre la main, une fois encore, pour construire une réalité nouvelle fondée sur la paix et la justice? Serons-nous capables de prouver, à nous-mêmes et au monde entier, que nos anciens et grands peuples, qui ont vu la naissance du judaïsme, du christianisme et de l’Islam, et qui ont bâti ces magnifiques civilisations, ne se laisseront pas abuser par une poignée de politiciens opportunistes et stupides? Nous seuls pouvons construire cette paix, pas le Hamas ni le Premier ministre d’Israël. La paix ne viendra pas parce que le Hamas arrêtera ses operations. La paix viendra quand le Hamas se rendra compte que les masses arabes ne supportent plus ces opérations. Et la paix ne viendra pas non plus parce que les travaillistes formeront le gouvernement. La paix viendra quand celui qui occupera le poste de Premier ministre aura face à
lui les masses arabes et israéliennes qui exigeront la paix et, ensemble, oeuvreront pour elle.

Mohamed Mosaad , Le Caire

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