Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


On apprend quelque chose d’important de l’interview d’Ehoud Barak publiée la
semaine dernière dans le New York Times Review of Books, sur les résultats
de la politique de l’ex-Premier ministre. Les réserves de Barak sur la manière dont la revue a presenté ses propos ne parvient pas à nous detourner des faits : Barak révèle une certaine attitude mentale envers le monde arabe en général, et le peuple palestinien en particulier. Un homme dont les perspectives étaient, dès le debut, formées à partir de tels principes, n’aurait pas pu partvenir à un accord de paix, ni avec Yasser Arafat, ni avec Hafez el-Assad.

A posteriori, on peut se dire que la politique de Barak a été délibérée (même s’il n’en était pas conscient), et a servi à conforter sa position, selon laquelle tous les Arabes, où qu’ils soient, vivent dans une culture du mensonge, et que ce que les Palestiniens veulent, c’est tout simplement détruire Israël.

Les dirigeants actuels d’Israël partagent à peu près l’avis de Barak sur les Arabes et les Palestiniens. Comme lui, ils ont eux aussi rejeté le plan de paix presenté par le prince héritier saoudien Abdallah, et comme lui, ils ne croient pas que les Palestiniens soient prêts à vivre en paix à côté d’Israël.

Le Premier ministre Ariel Sharon est même connu pour être quelqu’un qui pense que la force est le moyen le plus efficace de pousser les Palestiniens à un accord. Jusqu’ici, on peut définir son mandat comme une prophétie qui s’est auto-nourrie : son appréciation des intentions palestiniennes, pessimiste et soupçonneuse, a produit une politique qui, à son tour, a créé, ou du moins contribué à créer, une situation caractérisée par une confrontation en perpétuelle escalade.

Dans un tel climat psychologique, il n’y a aucune chance d’arriver a un accord, sans parler de la possibilité que Sharon ait en fait un programme secret, cherchant à pérenniser le contrôle des territoires par Israël.

La responsabilité de changer les structures de pensée et de comportement de
la classe dirigeante du pays repose sur les épaules des chefs du Parti travailliste. Benjamin Ben-Eliezer et ses camarades ont le pouvoir de les secouer et de les forcer à présenter de nouvelles idées et une approche différente.

Ils semblent disposer des outils necessaires à cette tâche : Ben-Eliezer a
élaboré un plan de paix qui considère les propositions de Clinton et de Camp David comme la formule pour mettre fin au conflit. Le Parti travailliste a un certain poids dans la coalition au gouvernement (que Shas y revienne ou non). Une partie non marginale de la population voit l’explosion de violence des Palestiniens comme le témoignage du fardeau que ceux-ci supportent, et qui pourrait être apaisée en répondant à leurs espoirs et en mettant fin à l’occupation. Ceux-là sont à la recherche d’un leader qui puisse, à la tête d’une force politique sérieuse, marcher sous cette bannière (contre une autre partie de la population, non moins marginale, qui considère les événements de septembre 2000 comme l’expression de la fourberie des Palestiniens, et de leur dessein consistant à rayer Israël de la carte).

Mais il est décevant de constater que Ben-Eliezer, qui a le panache suffisant pour diriger le pays, ne traduit pas son plan de paix, présenté au Comité central du parti, en actes politiques concrets. Au lieu de cela, il continue à appuyer les actions de Sharon, s’empêtrant ainsi de plus en plus dans des politiques contradictoires, et projetant sur lui et son parti un éclairage ridicule, et ce plus d’une fois.

Il ne fait aucun doute que si, par exemple, Yossi Beilin avait été à la tête du parti, il lui aurait imposé son tempérament politique et ses positions sur le conflit. Dans les circonstances actuelles, le Parti travailliste n’apparaît pas comme un force innovante et vigoureuse, et le désir brûlant de faire la paix avec les Palestiniens ne paraît pas irriguer les veines de ses dirigeants. Il joue plutot le rôle d’un acteur de deuxième plan, dans un gouvernement où Sharon donne le ton, en matière de sécurité comme de politique.

Ce qui ramène le pays à ses souffrances habituelles : les récents attentats
suicides ont dissipé l’illusion d’une situation plus calme, à la suite de l’opération Rempart de Tsahal. Et les chiffres économiques, dans leur cruauté, deviennent lancinants, malgre le battage médiatique autour du renvoi des ministres du Shas.

La nation est toujours en crise, et pour la sauver, on demande un nouveau leader, un leader qui désire faire la paix.