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Ha’aretz, 10 juillet 2006

Trad : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Certaines sources politiques israéliennes affirmaient la semaine dernière que l’objectif des opérations militaires dans la bande de Gaza et la détention d’officiels haut placés du Hamas de Cisjordanie servaient à faire comprendre au Hamas que l’enlèvement du caporal Gilad Shalit ne lui serait d’aucun bénéfice. Au contraire : il serait dommageable au mouvement. Il se peut que cela se passe ainsi au bout du compte, mais entre temps, la situation sécuritaire qui se détériore a considérablement renforcé le Hamas.

Les développements récents n’ont laissé sur le terrain israélo-palestinien que deux joueurs : Israël et le Hamas. Personne d’autre. Le non-joueur le plus remarquable est Mahmoud Abbas, qui n’a pratiquement aucune possibilité d’influer sur les événements, ni en ce qui concerne Shalit, ni en ce qui concerne les roquettes Qassam, les deux questions qui sont au centre des affrontements actuels.

Personne ne sait comment se terminera cette crise et combien de sang sera versé des deux côtés. Mais il est tout à fait possible de s’attendre à une sorte de compromis. Pour le moment, le Hamas ne semble pas désireux de faire de concession. Les frappes dévastatrices dur la bande de Gaza, les victimes et les destructions ont fait bouillir la rage, la frustration et la haine à Gaza et en Cisjordanie. Et aucune de ces émotions n’est dirigée contre le gouvernement du Hamas. Tout le monde considère qu’Israël est responsable du chômage, du non-paiement des salaires ou des coupures d’électricité. Personne n’ose critiquer le gouvernement du Hamas et personne ne le tient pour responsable de ce qui se passe. Cela peut changer, mais pour le moment, c’est ainsi.

La majorité de la direction du Hamas apparaît prête à accepter l’accord de compromis rédigé par le président égyptien Hosni Moubarak et son chef des renseignements, le général Omar Souleiman. Cet accord prévoit un cessez-le-feu total et la libération de Gilad Shalit. En contrepartie, Israël devra libérer les catégories prisonniers suivantes : femmes, mineurs, emprisonnés depuis plus de 20 ans, et malades. Israël est prêt à relâcher un certain nombre de ces prisonniers, mais pas dans le cadre d’un échange avec le soldat enlevé, et de préférence ultérieurement. En d’autres termes, le Hamas doit d’abord libérer le soldat et mettre fin aux tirs de Qassam, et plus tard seulement, Israël relâchera ses prisonniers. Combien et qui, cela sera décidé par Israël et par l’Egypte.

Les représentants du Hamas qui sont en pourparlers avec l’Egypte n’acceptent pas les conditions israéliennes. Ils veulent entamer immédiatement des négociations sur la liste des prisonniers à libérer et ne veulent pas entendre parler de retards. Ils n’ont aucune confiance dans les promesses qu’Israël fait à Moubarak.

Chez les prisonniers et leurs familles, l’espoir n’a jamais été aussi grand. Mais même si seuls quelques-uns sont relâchés, le Hamas pourra le présenter comme une victoire majeure. Après tout, Abbas et son équipe, qui ont traité avec Israël d’une manière civilisée, n’ont pas réussi à obtenir quasiment aucune libération, à part quelques voleurs de voitures, quelques travailleurs manuels qui s’étaient introduits en Israël à la recherche de travail et de prisonniers qui avaient pratiquement purgé leur peine. En d’autres termes, le Hamas a une bonne chance de sortir renforcé de ce conflit.

Le premier ministre Ismail Haniyeh, le directeur du bureau politique Khaled Mesh’al et peut-être d’autres dirigeants du groupe émergeront bientôt comme des leaders palestiniens d’importance. Entre temps, la politique palestinienne souffre d’une sérieuse crise de leadership.

En moyenne, la popularité de Yasser Arafat atteignait entre 40 et 70%. Il était suivi de Sheikh Ahmed Yassine, le fondateur du Hamas, avec tout au plus 15%. Dans le sondage le plus récent effectué la semaine dernière par le Jerusalem Media and Communications Center, Haniyeh recueillait 18% de popularité, Abbas 13% et Marwan Barghouti 5,5%. 27% des personnes interrogées ont affirmé ne faire confiance à aucun leader, et le reste donne 2 à 3% à des leaders variés.

Dans tous les cas de figure, la conclusion est que le Hamas va être avec nous pour un long moment. Au lieu de réfléchir à la manière de s’en débarrasser, il vaudrait mieux consacrer un peu de temps à réfléchir à la manière de traiter avec lui.