[->http://www.haaretz.com/hasen/spages/775106.html]

Ha’aretz, 16 octobre 2006

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Près de 200.000 fidèles sont venus vendredi, troisième vendredi du Ramadan, pour prier à la mosquée Al-Aqsa, soit le nombre le plus important de fidèles depuis de nombreuses années. La plupart étaient des femmes, car l’administration israélienne n’exerce actuellement aucune restriction sur les femmes qui entrent à Jérusalem depuis la Cisjordanie. Des restrictions concernant l’âge sont imposées aux hommes : seuls le hommes âgés de 40 ans et plus sont autorisés à pénétrer dans la ville et dans la mosquée.

Des centaines de jeunes hommes ont manifesté et ont provoqué des émeutes aux points de passage entre Jérusalem et la Cisjordanie. L’armée, la police et la police des frontières les ont dispersés par la force. Des centaines de jeunes hommes (et peut-être davantage) ont dû prier dans les rues adjacentes à la Vieille Ville. Les photos qui les montrent agenouillés pour la prière dans la rue du Sultan Souleiman et près de la Porte des Lions ont fait le tour de la presse arabe et palestinienne.

Ces jours prochains, il y aura d’autres événements religieux liés au mois de Ramadan. La nuit de mercredi à jeudi est la Nuit du Qadr, la « Nuit de l’Héroïsme », quand le Coran a été révélé, et c’est une nuit d’intenses prières. Vendredi prochain, ce sera « l’Orphelin », parce qu’il s’agit du dernier vendredi du mois du jeûne. Après quoi, lundi prochain, débutera l’Id al-Fitr, la fête qui marque la fin du Ramadan.

Peut-on s’attendre à des violences durant ces prochains jours? Difficile à dire. Ce qui est certain, c’est que, depuis quelque temps, le public palestinien devient de plus en plus religieux. Le fait qu’Israël n’autorise pas les musulmans (ni les chrétiens) des territoires palestiniens à entrer librement pour prier sur leurs lieux saints les plonge dans le désarroi. Il est difficile de nier qu’il s’agit d’une violation flagrante de la liberté de culte. « Le siège religieux de Jérusalem », ainsi que le définit le chef religieux Qadi Tayssir Tamimi, dure maintenant depuis plusieurs années, ce qui ne semble impressionner personne au sein de l’administration israélienne.

Quiconque jette un coup d’oeil sur les vieux journaux d’août 1969, quand un jeune Australien avait mis le feu à la mosquée Al-Aqsa, provoquant de gros dégâts, découvrira que les manifestations et protestations contre cet incendie criminel n’avaient pas été très impressionnantes, ni en Cisjordanie, ni à Gaza, ni au-delà. Mais aujourd’hui, les territoires palestiniens sont devenus l’un des seuls endroits au monde où des musulmans s’en sont pris à des églises chrétiennes (5 tentatives d’incendie d’églises) à cause des déclarations du Pape sur l’islam.

Ce qui nous importe, bien sûr, ce sont les conséquences diplomatiques et sécuritaires de ce phénomène. Le Hamas, dopé par le renforcement de l’islam, est aujourd’hui dans l’impasse, et ses dirigeants suggèrent, et même menacent, d’une importante reprise des actes terroristes. Le premier ministre Ismail Haniyeh a déclaré vendredi dans une mosquée de Khan Younis (bande de Gaza) que le peuple palestinien avait tous les droits de combattre l’occupation et de défendre sa terre et ses lieux saints : « Ce type de combat n’est pas du terrorisme. Le vrai terrorisme, ce sont les massacres quotidiens de l’occupation, le siège et la faim causés par les occupants. »

D’autres porte-parole du Hamas parlent plus clairement de « surprises » que le Hamas est en train de préparer à Israël. Saïd Seyam, ministre Hamas de l’intérieur, en charge des services palestiniens de sécurité, va terminer cette semaine une série de visites en Iran et en Syrie, accompagné de ses officiers supérieurs, et selon des informations parues dans les médias palestiniens, Seyad et ses collaborateurs ont discuté à Téhéran et à Damas d’affaires de sécurité avec leurs homologues iraniens et syriens. La direction du Hamas, boycottée sur le plan international, y compris par les Etats arabes, est poussée vers Téhéran et Damas, et gageons que les conversations qui ont eu lieu là-bas n’ont pas tourné autour de la possibilité de reconnaître Israël, mais plutôt autour de l’option de la lutte armée.

Il suffit d’observer l’escalade militaire à Gaza et les tirs de roquettes Qassam. D’après les informations rapportées par les médias aussi bien en Israël qu’à Gaza, la trêve officieuse (ou « accalmie ») entre Israël et le Hamas est en train disparaître, et l’hostilité entre les deux devient ouverte et claire. Le président Mahmoud Abbas a quasiment renoncé à former un gouvernement d’union nationale, et observe les événements sans pouvoir intervenir. La détérioration à venir s’appellera peut-être la troisième Intifada. Ou peut-être pas. En tout cas, la collision est annoncée. Il ne faudra pas dire que ce sera une surprise.