Yediot Aharonot, 17 mars 2006

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Le raid sur la prison de Jéricho constitue un tournant dans la façon dont Israël considère la stabilité de l’Autorité palestinienne. De toutes les questions soulevées lors de la planification de ce raid, celle des répercussions sur Mahmoud Abbas n’a plus intéressé personne. Et cette manière de penser et d’agir prévaudra désormais pour tout ce qui concernera l’Autorité palestinienne. Nous sommes passés de considérations politiques à des considérations militaro-sécuritaires. Jusqu’à présent, ces deux sortes de considérations se partageaient à peu près à égalité. Et les officiers de l’armée le reconnaissent : la situation nouvelle nous convient davantage.

Ce changement de comportement vis-à-vis de l’Autorité palestinienne après la victoire du Hamas affectera tout d’abord l’importance des actions militaires et la discrétion qui les entourera : si l’armée veut assassiner, elle assassinera. Si elle veut bombarder, elle bombardera. Si elle veut pénétrer de nouveau dans Gaza, elle le fera. L’armée a le sentiment que les restrictions ont été levées. Si elle veut faire savoir à une Autorité palestinienne dirigée par le Hamas qu’en un seul instant, elle peut lui ôter des mains toute indépendance, elle réoccupera l’axe Philadelphie (frontière entre Gaza et l’Egypte, ndt) pour rogner les ailes à ce symbole de souveraineté et entraver la liberté de mouvement. Le raid sur la prison de Jéricho ne signifie pas seulement une prise de position ferme sur des principes, mais également qu’Israël est prêt à violer les règles du jeu.

Chez les responsables israéliens de la sécurité, il y a le sentiment que nous nous dirigeons inévitablement vers un clash avec l’Autorité palestinienne. En mai, en juin ou en juillet : ils savent qu’il arrivera. Cela va aussi influencer certaines décisions comme le tracé de la clôture, la construction du commissariat de police entre Maale Adoumim et Jérusalem, l’interdiction faite aux Palestiniens d’entrer dans la Vallée du Jourdain, et d’autres mesures encore qui toutes servent une politique unilatérale. Quant au dialogue avec l’autre côté, il n’y en aura aucun.

Mais l’affaire du raid constitue aussi un paradigme de ce qui se passe en ce moment dans l’Autorité palestinienne depuis les élections. Pendant toute la journée du mardi, depuis le stade du raid jusqu’à l’abandon de la prison, des officiers israéliens ont observé de très près le comportement des policiers palestiniens dans la prison de Jéricho. Il apparaît que les 180 policiers et membres des services de sécurité qui y étaient postés ont fait preuve de deux qualités évidentes. L’une a été le manque de volonté de se battre jusqu’à la mort ; l’autre, le manque de volonté de quitter les lieux, de fuir ou de se rendre, par crainte d’être considérés comme des collaborateurs. C’est comme cela que se comportent aujourd’hui les services palestiniens de sécurité, ces dizaines de milliers d’hommes qui touchent leur salaire de l’Autorité palestinienne, malgré le fait que personne ne sache encore à qui ira leur loyauté ni ce qui se passera.

Le Hamas, d’après nos responsables de la sécurité, continue à exercer une certaine retenue dans l’espoir de disposer de l’espace nécessaire pour former un gouvernement et prendre le contrôle de l’Autorité palestinienne. Mais du fait de cette retenue, il est en train de ronger son frein. Et cette retenue, tôt ou tard, prendra fin. L’opération de Jéricho n’a rien apporté au Hamas en termes de prestige. La seule réaction qu’il ait su offrir, en tant que parti au pouvoir, a été d’organiser des manifestations de masse et de tenter de canaliser la rage de ces masses en des actions contrôlées. Le Jihad islamique et le Fatah, de leur côté, font tout leur possible pour attirer le Hamas dans le cycle de la violence. Les tirs continus de roquettes Qassam finiront par faire des victimes du côté israélien. Et Israël n’a pas l’intention de réagir avec la retenue dont il avait fait preuve vis-à-vis de l’Autorité palestinienne d’avant le Hamas. Il est possible alors que le Hamas perde le contrôle, et c’est précisément ce que souhaite le Fatah. En cas de chaos, un clash violent avec Israël tirera le tapis de dessous les pieds du gouvernement du Hamas.