« Israël a toujours voulu convaincre qu’il tendait en vain dans le vide une main pacifique. Mais cette politique est en passe de subir un choc en septembre » écrivait Zvi Bar’el la semaine passée, à la veille de la rencontre Netanyahu-Obama… où l’on vit le président américain anticiper ce choc de quelques mois en s’affirmant favorable à une solution à deux États dans le cadre des frontières antérieures à la guerre des Six Jours.

Cette prise de position du principal allié d’Israël vient conforter l’appel à la reconnaissance par leur pays d’un État palestinien démocratique à venir, lancé ces jours derniers par quelque quatre-vingt-dix personnalités israéliennes des cercles politique, diplomatique, militaire et du monde des arts et des lettres. Une reconnaissance qui, selon les signataires de ce texte [1], est de l’intérêt « vital d’Israël ».


Yuval Diskin [2] a raison, septembre est depuis toujours un fichu mois. Prenez septembre 1993, le mois maudit où les accords d’Oslo furent signés. Ou, 15 ans plus tôt, la signature des accords d’Oslo entre Israël et l’Égypte. L’invasion de la Pologne par les nazis prit place en septembre, de même que les explosions perpétrées à New York par al-Quaïda et la seconde intifada. James Dean fut tué un 30 septembre et, en septembre 1995, Israël accepta de céder aux Palestiniens le contrôle d’une part considérable de la rive occidentale du Jourdain.

Etre fichu, on le voit, est une question de perspective. Et quoi qu’il advienne en septembre 2011, si quelque chose doit advenir, ce sera aussi une question de perspective.

Le texte de Diskin, ornement du congrès des Amis de l’université de Tel-Aviv, ne devrait spécialement émouvoir ni surprendre quiconque. Ni les dirigeants des services de sécurité du Shin Beth ou du Mossad, ni les ex-généraux ne sont jugés sur leur art oratoire. Ils sont chargés d’inspirer de la peur, et la peur n’a nul besoin de tant de mots ni d’expressions poétiques. Iran, Hamas, Hezbollah, terrorisme, roquettes et, bien sûr, un État palestinien indépendant – c’est là tout le vocabulaire nécessaire à la formulation de la stratégie israélienne de la peur.

Le chef du Shin Beth n’a et n’avait apparemment pas de vision de paix. Ce n’est pas son boulot. Il ne forge pas les politiques, il prend tout juste soin de leurs ramifications. Mais la “politique“ telle qu’il l’entend est claire comme eau de roche.

« Mahmoud Abbas, Salam Fayyad et l’Autorité palestinienne tout entière, a-t-il statué, ne représentent qu’eux-mêmes et certainement ni le Hamas ni la Bande de Gaza. »

En d’autres termes, il n’y avait dès le départ aucune raison de leur parler, et certes pas maintenant à la suite de leur réconciliation avec le Hamas. Cette réconciliation peut avoir secoué Diskin, il peut ne pas s’y être attendu – ou peut-être était-ce le cas et ne l’a-t-il pas dit – mais cela ne modifie en rien le tableau général : « Le Hamas n’a pas changé d’idées, d’idéologie ou de politique », tandis que la réconciliation sera jugée « avec le temps ».

Comme si « le temps » était un facteur indépendant que n’affecteraient ni les évolutions, ni les lignes politiques, ni les déclarations. Comme si ni les Palestiniens ni les Israéliens n’influaient sur son cours et ses modes de changement. Et de combien de temps s’agit-il, au fait ? Sommes-nous voués à arracher les pages du calendrier jusqu’à une date finale ? Le temps s’arrête-t-il de filer en ce fichu septembre ? Ou peut-être un an après les accords de réconciliation, au moment où les élections législatives et présidentielles palestiniennes sont censées avoir lieu ? Du reste, quand ce temps débute-t-il ?

Diskin, bien sûr, n’est qu’une allégorie. « Avec le temps », quelque chose lui arrivera peut-être aussi, et nous le verrons signer des pétitions ou se joindre à l’une des initiatives de paix. De nombreux “cadres de sécurité“ de haut rang ont connu de telles illuminations subites. Mais pour le moment il présente sans hésitation aucune à l’opinion les hypothèses fondamentales qui ont forgé la ligne politique du gouvernement israélien.

Il n’y a pas de partenaire palestinien et, désormais, il n’y en aura pas jusqu’à la fin des temps. Le gouvernement n’a même pas besoin de le démontrer. La réconciliation est une illusion, l’État palestinien ne sera qu’un mirage, et aucun des deux ne contraint le gouvernement à accommoder sa vision. Le gouvernement détourne déjà la réconciliation, présumant qu’en cas d’échec elle entraînera Abbas dans sa chute et qu’en cas contraire un partenaire israélien n’aura de toute façon pas sa place.

Mais ce qui est illusoire, c’est le débat sur l’identité du partenaire. Il vient brillamment se substituer au choix nécessaire d’une politique, à la détermination des frontières du pays et du point précis jusqu’où elles peuvent avancer en territoire occupé. Pures bavasseries reposant sur la théorie de « la confiance en construction progressive » – soumise depuis à la destruction progressive de ladite confiance – qui ont réussi à mettre la question du partenaire palestinien (pas celle de l’israélien, le ciel nous en préserve) au centre de tout débat politique.

Le discours d’ouverture de Netanyahu devant le Congrès ne sera pas avare d’allusions à ce partenaire absent ; car c’est là le cœur d’une tactique qui se travestit en politique. Israël a toujours voulu convaincre qu’il tendait en vain dans le vide une main pacifique. Mais cette politique est en passe de subir un choc en septembre. On peut rayer d’un trait Mahmoud Abbas et Ismail Haniyeh. Mais un État palestinien ? Un État où commenceront bientôt à venir présidents et rois du reste du monde.


NOTES

1] Repris sur le site de LPM : [

[2] « Septembre est toujours un très mauvais mois au Moyen-Orient », déclarait le 11 mai dernier le chef sortant du Shin Beth (les services de sécurité intérieure) Yuval Diskin, faisant allusion à la proclamation annoncée d’un État palestinien. Et d’ajouter : « Je ne sais pas exactement ce qui va se passer le 1er octobre… mais je m’attends à ce que l’histoire mette en branle des processus susceptibles de se détériorer. »