C’est bien une course de vitesse qui semble engagée entre les échanges de tirs et les efforts diplomatiques entrepris par l’Égypte avec le concours de la Turquie et du Qatar, actuellement à la tête de la Ligue arabe, pour pousser le Hamas à accepter un cessez-le-feu.

Dans le meilleur des cas, la problématique de fond risque pourtant de sortir aggravée des affrontements de ces derniers jours : des manifestations ont lieu cet après-midi à Naplouse et Hébron critiquant le manque de solidarité de l’Autorité palestinienne. Comme l’écrit ici Amira Hass, « le Hamas fait tout ce qu’il peut pour prouver qu’il serait un meilleur parti au pouvoir que le Fatah et saurait contrecarrer l’occupation israélienne ».

À tant attendre pour négocier avec Abu Mazen, Israël le fragilise et risque fort, en effet, de se retrouver sans partenaire au moment de mettre en place la seule solution réaliste, deux États souverains pour deux peuples côte à côte sur une même terre.


À la différence de l’opération “Plomb durci” durant laquelle les Forces de Défense d’Israël pilonnèrent dès le premier jour des lieux denses, des commissariats de police jouxtant des écoles par exemple, il est clair que l’armée tente cette fois d’éviter d’infliger aux Palestiniens de lourdes pertes civiles.

Ce qui ne saurait consoler les familles des victimes des raids aériens [1] ; ni dissiper la peur de ce qui pourrait encore advenir.

Quoique niant toute responsabilité quant aux pertes civiles palestiniennes durant l’opération “Plomb durci”, Israël préfère maintenant limiter le nombre des scènes de sang répandu. De telles images, non diffusées par la télévision israélienne en 2008-2009, passèrent dans le monde entier, suscitant des réactions sans précédent.

Contrairement aux leçons acquises en matière de stratégie militaire et de communication à la suite de “Plomb durci”, aucun enseignement politique n’en a été tiré par Israël, qui s’accroche au principe voulant que tuer des dirigeants militaires et politiques du Hamas puisse réduire l’organisation à soumission.

Le Hamas est un mouvement de masse, une organisation dotée d’institutions, d’une discipline interne et de lois. À la différence du Farah, il ne dépend pas du charisme d’une personnalité ou de la force de caractère d’un dirigeant puissant. Sa ligne politique et ses débats sont frappés au coin de la continuité, même lorsque des cadres de haut niveau sont tués par un missile ou une bombe venus d’Israël.

Les dirigeants israéliens auraient compris la leçon depuis longtemps s’ils l’avaient voulu. De même pourraient-ils en venir à la conclusion qu’une opération militaire à l’encontre de la population palestinienne tout entière l’unit derrière ses dirigeants et muselle les critiques.

Les Gazaouis ont de nombreux sujets de plainte à l’égard du Hamas, qui mérite sa réputation de pouvoir répressif. Mais les opposants au Hamas eux-mêmes sont convaincus qu’Israël est non seulement l’occupant, mais encore l’agresseur. Aussi est-il probable que le Hamas, une fois l’attaque passée, en sortira renforcé.

Ce dernier fait tout ce qu’il peut pour prouver qu’il serait au pouvoir un meilleur parti que le Fatah et saurait contrecarrer l’occupation israélienne – terme vague qui fait parfois référence à l’intégralité du territoire [2], et parfois aux territoires occupés en 1967.

Pour parvenir à ce résultat, peu lui chaut de faire de la Bande de Gaza un simili-État, creusant ainsi le fossé politique et social avec la Cisjordanie. Ses liens avec le monde arabo-musulman comptent pour lui bien plus qu’un couloir de circulation sûr avec Ramallah.


[1] Une quarantaine de morts environ dans la Bande de Gaza, selon la télévision israélienne par satellite (Ha-Aroutz ha-Israeli) samedi 17 novembre en milieu d’après-midi.

[2] Dans les frontières antérieures à 1948.