Newsweek, edition du 3 mai 2004

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


L’avant-poste de Haroe est en plein essor. Depuis un an et demi, 14 familles juives se sont installées sur ce sommet désertique de colline, au sud de Naplouse en Cisjordanie, et y ont érigé 20 caravanes, un système d’égoût
rudimentaire, un terrain de jeux et une synagogue. La route qui serpente vers cette colonie illégale a été asphaltée en novembre 2003. Bien que Haroe fasse partie des quelques avant-postes isolés qui doivent être démantelés par l’armée, les colons ne s’attendent pas à devoir partir. En fait, ils ont posé les fondations de six maisons en dur, et attendent le permis pour en finir la construction. « Sharon nous donne l’impression que nous pouvons construire – tant que nous le faisons discrètement », dit David Llera, un immigrant juif mexicain qui travaille à Haroe en tant vigile.

Et pour construire, on construit. Depuis l’expression par le président Bush de son soutien au plan de Sharon de retrait unilatéral de la bande de Gaza, Israël met les bouchées doubles pour renforcer son contrôle sur le reste des territoires occupés. Bush a donné à Sharon son feu vert au contrôle par Israël de plusieurs grands blocs de colonies de Cisjordanie, et a cessé de faire pression pour qu’il respecte le gel de la colonisation. Sharon ne s’est engagé à évacuer que quatre minuscules colonies au Nord de la Cisjordanie, qui ne représentent qu’environ 700 personnes sur un total de 230.000 colons. Et le ministre des finances Benjamin Netanyahou a annoncé la semaine dernière qu’Israël allait déverser des dizaines de millions de dollars dans les colonies juives de Cisjordanie, même si la bande de Gaza est évacuée. (…)

En Cisjordanie, la construction prolifère. En 2003, on a compté 1.800 départs de constructions dans les territoires occupés, soit une augmentation de 65% par rapport à l’année précédente. A Efrat, une colonie de 8.000 habitants à une dizaine de km au sud de Jérusalem, huit nouvelles villas conçues pour deux familles viennent d’être construites. « Nous avons pensé qu’il etait important de créer un nouveau quartier » dit Eve Harrow, membre du conseil régional. Ce qu’Israël nomme les « avant-postes non autorisés » grossissent, eux aussi. Plus de 50 ont surgi depuis que Sharon est au pouvoir, et sont aujourd’hui au nombre de 102, d’après Shalom Akhshav (La Paix Maintenant). Et malgre la promesse de Sharon de les démanteler, l’armée n’en a evacué que 10, dont seuls deux etaient habités. De 1.000 il y a trois ans, la population des avant-postes est montée a 2.000.

Perchés sur la chaîne de collines au sud-est d’Ariel (la plus grande colonie de Cisjordanie), des groupes de caravanes reliés entre eux par des routes d’asphalte ou de terre forment aujourd’hui un bloc quasi continu qui coupe en deux le territoire palestinien. Plusieurs de ces quartiers, comme les nomment les colons, ont maintenant des constructions en dur positionnées de manière discrète, hors la vue des routes principales. Beaucoup sont protégés par l’armée israélienne, et quelques-uns ont ete qualifiés d' »instituts éducatifs », pour éviter d’être identifiés comme des colonies non autorisées. « La construction illégale prolifère sans aucun contrôle », dit Dror Etkes, responsable de la surveillance de la colonisation pour Shalom Akhshav. Israël dépense au moins 600 millions de $ par an pour les colonies, d’après une étude du quotidien Haaretz. Mais il est difficile de suivre l’argent à la trace. Le procureur de l’Etat, Meni Mazouz, a déclaré que des conseils
régionaux dépensaient de grosses sommes d’argent de facon illicite pour
l’infrastructure des avant-postes, dont les egoûts, les routes, l’eau et l’électricité. La semaine dernière, il a exigé le gel des fonds destinés à la construction dans les colonies jusqu’à ce que soit nommée une commission ad hoc. Mais ces fonds sont enfouis dans les budgets d’une demi douzaine de ministères, et la demande est inapplicable. « Mazouz ne peut pas faire cela tout seul », dit Etkes. « Il faut une décision au niveau de tout le gouvernement ». Sans une position ferme de la part des Etats-Unis, il est peu probable que cela se produise.