Ha’aretz, 21 mai 2007

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Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Israël s’en tient-il encore au principe selon lequel son gouvernement élu définit la politique que ses administrations mettent en oeuvre? Si l’on en croit un article que nous publiions hier, il semble que, pour ce qui concerne l’armée, la réponse soit non. Alors que des ministres parlent d’une solution à deux Etats, une sorte de coup d’Etat militaire est en train de se produire en Cisjordanie, que Tsahal est en train de transformer en Pays des Colons. La population palestinienne étouffe, mais les colonies fleurissent.

Il est de peu d’importance que le poste de ministre de la défense soit occupé par un civil [Amir Peretz], car l’armée à son propre ordre du jour, et sa subordination au gouvernement est souvent feinte. Depuis des années Israël s’enorgueillit du miracle démocratique que constitue une armée obéissante qui n’a pas accumulé trop de pouvoir et qui sert loyalement le gouvernement, même si tout le pays est engagé dans une guerre continue pour son existence. Mais, au cours de la dernière guerre, cette croyance s’est fissurée, quand il s’est révélé que le gouvernement avait été entraîné à appliquer des plans militaires qui ne lui avaient jamais été soumis auparavant. Et des choses pires encore ont lieu quotidiennement dans les territoires occupés. Haggaï Alon, conseiller du ministre de la défense et responsable du tissu social en Cisjordanie, dit que l’armée ne tient aucun compte des priorités diplomatiques du gouvernement et sert essentiellement d’armée des colons. Du moins pendant la période où Dan Haloutz a été chef d’état-major.

L’un des exemples les plus choquants de cette crise de la démocratie est le mépris de l’armée à l’égard des décisions de la Haute cour de Justice concernant le tracé de la clôture de séparation. Après des années d’audiences sur chaque mètre de cette clôture, avec pour objectif de trouver un équilibre entre les besoins d’Israël en matière de sécurité et ceux des Palestiniens pour leur vie quotidienne, il se révèle que le long de la route 317, qui relie plusieurs colonies de la région du sud du Mont Hebron, l’armée n’a tenu aucun compte de ces décisions et construit une mini-clôture en plus de celle approuvée officiellement. Mini-clôture située, elle, le long du tracé d’origine refusé par la Haute cour.

De surcroît, une section de la clôture près de l’autoroute « trans-samarienne », censée être construite près de la ligne Verte, n’a jamais été terminée à cause des objections émises par les colons. De même, l’armée a stoppé tout contrôle de sécurité sur les voitures à plaques d’immatriculation bleues [israéliennes] après les protestations des colons qui ne souhaitaient pas se voir bloqués aux check points, et cela même si, récemment, une voiture chargée d’explosifs portant une plaque d’immatriculation israélienne a pénétré en Israël. Tsahal n’informe pas le gouvernement du nombre de check points mis en place en Cisjordanie. Ainsi, le gouvernement peut affirmer qu’il soulage la vie quotidienne des Palestiniens, alors que l’armée n’en fait rien. De même encore, grâce à l’aide d’officiers, des colons ont pu s’installer dans une maison controversée à Hebron, le centre-ville de Hebron a été fermé aux Palestiniens, et 3.000 manifestants ont pu se rendre sur le site de la colonie évacuée de Homesh, contre la décision du gouvernement. En différents endroits, les colonies s’étendent, soit parce que l’armée ferme les yeux, soit avec son aide active.

A la lumière de tout cela, ce que dit Amir Peretz sur le démantèlement prochain des colonies sauvages de Cisjordanie, ou les promesses d’Ehoud Olmert et de Tzipi Livni de parvenir à un accord de partage de la terre entre Israël et la Palestine, sonnent plus creux que jamais. Et il est bien évident que la question de savoir quel parti est au pouvoir n’a aucune importance, tant que l’armée servira les colons plutôt que l’Etat.