(Trad : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant)


L’équipe du Centre Judéo-Arabe pour la Paix de Givat Haviva a organisé un débat sur les influences de la guerre dans les territoires palestiniens sur le travail du Centre dans les écoles juives et arabes, et sur les implications en termes d’éducation pour les élèves comme pour les professeurs qui vivent dans un climat de violence, d’anxiété et d’insécurité.

Se fondant sur des réactions en provenance du terrain, l’équipe souhaite alerter l’opinion sur le danger de détérioration, aussi bien des relations entre citoyens juifs et arabes à l’intérieur de l’Etat d’Israël, que de l’attitude des citoyens arabes israéliens à l’egard des institutions gouvernementales. Nous sommes témoins d’un processus dangereux de perte de confiance mutuelle et de solidarité citoyenne, de perte de signification que porte la citoyenneté israeliénne aux yeux de la jeunesse arabe, et d’une aliénation
grandissante. Pour la jeunesse juive, il y a une tendance à brouiller les différences entre les citoyens palestiniens d’Israël, et ceux residant dans les territoires, une non-différenciation entre citoyens et non-citoyens, et une accumulation de peurs et d’angoisses, menant à des expressions au bord du racisme, et à une haine réelle entre les deux populations.

La guerre provoque la rage et l’agitation parmi les citoyens palestiniens d’Israël. Nombre d’entre eux, vivant dans la région du Triangle, dans des villes et des villages proches de la frontière, voient de près ce qui se passe. Les Arabes israéliens sont exposés aux médias arabes, qui retransmettent en direct des images et des commentaires d’habitants
assiégés, des images que la population juive d’Israël ne voit jamais. Les images de la révolte grandissante dans le monde arabe influencent également les citoyens arabes, qui se considèrent comme partie integrante de ce monde. De nombreux Arabes en Israël ont de la famille dans les territoires palestiniens, avec qui ils ont des conversations téléphoniques, et entendent de leur bouche des témoignages de détresse extrême, de violations flagrantes des droits de l’homme, ainsi que de la peur, de la terreur, des jeunes et des enfants.

Ainsi s’est créée chez les Arabes israéliens une façon tout à fait différente d’appréhender les événements. Cela entraîne des critiques, une accumulation de rage et d’hostilité envers le gouvernement, une déception devant l’incapacité de la gauche israélienne à s’opposer et à influencer le cours des événements, une entière solidarité avec les souffrances qu’endure leur peuple, ainsi qu’une angoisse à propos de leur propre sort. Ajoutons à cela le fait que l’on assiste, depuis quelques mois, à une légitimation
croissante de l’idée de « transfert », reprise aussi bien, et de façon surprenante, par des éléments à l’intérieur du Parti travailliste, qui proposent d’échanger des populations et des territoires du Triangle avec l’Autorité palestinienne, qu’à des suggestions consistant à retirer aux citoyens arabes leur citoyenneté, et à déligitimer leur direction politique.

Dans une étude théorique publiée il y a quelques annees par l’Institut de Recherche pour la Paix de Givat Haviva, et menée par 13 chercheur israéliens de haut niveau, et specialistes du sujet, il a été examiné plusieurs options théoriques concernant le statut des Arabes d’Israël. L’une de ces options parlait de « l’option du contrôle renforcé – détérioration significative du statut de la minorité arabe, retrait par rapport aux
dimensions démocratiques, et probabilité d’une explosion de violence ». Elle envisageait l’arriveé au pouvoir de l’extrême-droite et des religieux, de l’effondrement du processus de paix, de révoltes violentes dans les territoires, et de mesures destinées à limiter les droits des Arabes israéliens, allant jusqu’à la transformation de la démocratie israélienne en un régime d’apartheid. Dans une telle hypothèse, concluait l’étude, les Arabes se tourneraient vers la protestation violente envers l’Etat, avec transgressions des règles de conduite édictées par la loi. A l’epoque, les chercheurs avaient considéré que cette option etait la moins probable de toutes, et l’avaient traitée uniquement en tant que possibilité théorique.

Les événements d’octobre 2000 (où 13 manifestants arabes furent tués par la police, ndt) ont été perçus par la plupart des Arabes comme le signe d’un contrôle renforcé. Le fossé entre Arabes et Juifs s’est élargi à la suite de ces événements. L’arrivée d’Ariel Sharon au pouvoir a été considérée comme un signe additionnel d’hostilité à leur egard, et maintenant, nous assistons à une politique générale de reconquête des territoires palestiniens, et à un élargissement du gouvernement de par l’arrivée d’éléments extrémistes qui ont, plus d’une fois, exprimé leur opinion sur le statut des citoyens
arabes. Il faut ajouter à tout cela la détérioration significative de la situation économique et du chômage touchant de nombreuses familles arabes.

En tant qu’institut d’éducation et de recherche, le Centre Judéo-Arabe pour la Paix de Givat Haviva souhaite alerter l’opinion sur l graves implications qui pourraient surgir de par la continuation de la guerre, et de l’élargissement du fossé entre les Juifs et les Arabes en Israël. L’équipe éducative du Centre a décidé une série de mesures d’intervention dans les écoles juives et arabes, pour essayer d’enrayer le phénomène. Mais il est clair que, sans travail global, et sans solutions politiques adéquates au
conflit israélo-palestinien, l’action du Centre ne sera q’une goutte d’eau dans l’océan.