(communiqué des Amis de Shalom Akhshav)


Un Manifeste intitule « Une autre voix juive », paru dans Le Monde du 6
avril, expose les positions d’un certain nombre de personnes se présentant
comme « français juifs ou d’origine juive ».

Les Amis de Shalom Akhshav n’ont pas participé à l’élaboration de ce texte
et n’appellent pas à le signer pour les raisons suivantes :

 Ce n’est pas la première fois que « des voix juives » s’élèvent, à titre
individuel ou collectif, contre la politique du gouvernement d’Ariel
Sharon, et nous récusons une tentative de manipulation qui tendrait à faire
croire que les seules « voix juives » d’opposition à la politique du
gouvernement israélien actuel ne pourraient être que celles porteuses des
idées véhiculées par ce Manifeste. En ce qui nous concerne, nous n’avons
pas attendu la seconde Intifada pour exprimer notre désaveu de la politique
de gouvernements israéliens quand celle-ci, comme c’est le cas aujourd’hui,
met en péril les fondements de l’Etat juif, en poursuivant une occupation
qui corrompt ses bases morales et démocratiques, et met en danger sa
sécurité à long terme.

 Ce Manifeste ne justifie l’existence de l’Etat d’Israël que par « les
conditions historiques laissées par les ruines du fascisme hitlérien ».
Nous rappelons que l’Etat d’Israël est la concrétisation du mouvement de
libération nationale du peuple juif (nous le soulignons), généralement
appelé sionisme, dont l’origine plonge ses racines dans l’Histoire juive,
et qui n’a pu s’exprimer politiquement qu’à partir de la fin du 19ème
siècle, à la suite du renouveau des mouvements nationalistes qui se
développaient en Europe à cette epoque. La Shoah a sans doute précipité ce
processus historique, mais celui-ci était déjà largement entamé avant la
deuxième guerre mondiale.

 Ce Manifeste ajoute que « le peuple israélien a droit a un Etat ». Nous
remercions les signataires de reconnaître aux Israéliens le droit à leur
Etat qui existe depuis bientôt 55 ans. Nous pensons que les Israéliens
leur en seront très reconnaissants. Néanmoins nous rappelons à ces
signataires que l’Etat d’Israël continue à revendiquer la légitimité pour
tous les juifs qui le souhaitent à devenir des citoyens israéliens.

 La thèse selon laquelle l’idéologie de l’extrême droite israélienne
s’insinue au sein de forces politiques françaises et donne au « judaïsme
confisqué un visage repoussant « , qui justifierait l’antisémitisme en
France, est un fantasme dangereux. C’est oublier un peu vite les causes de
l’antisémitisme actuel tel qu’il s’est illustré notamment dans des
manifestations récentes à Paris.

 Nous reconnaissons la souffrance et la détresse dans lesquelles est
plongé le peuple palestinien, et plus particulièrement ses réfugiés. Comme
vous le savez tous, Shalom Akhshav lutte depuis plus de vingt ans pour la
création d’un Etat palestinien viable, à côté de l’Etat d’Israël, mais nous
savons aussi que la prise en compte d’un droit au retour des réfugiés
palestiniens telle que reprise par ce Manifeste, signifierait la fin de
l’Etat d’Israël en tant qu’Etat juif.

 Enfin, si nous prenons acte de la condamnation, tardive pour certains
d’entre eux, par les signataires du Manifeste, des attentats suicides
perpétrés par des groupes terroristes palestiniens, nous ne partageons pas
leur vision d’une droite israélienne dont l’influence supposée viendrait
bouleverser l’équilibre démocratique de notre société. Les correspondants de
cette droite israélienne existent ici, et plus d’une fois nous avons eu
l’occasion de nous opposer à eux. Mais des formules telles que « la montée en
puissance de l’idéologie de l’extrême droite israélienne au sein de forces
politiques françaises », ou « les ingérences criminogènes (sic),
anti-démocratiques, de la droite israélienne dans la societe française » ne
font que reconduire, sous un langage à peine modifié, les thèses classiques
du « pouvoir », voire du « complot juif ». Serait-ce là la vérité à lire entre
les lignes, de cette « autre voix juive »?