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Ha’aretz, 4 avril 2006

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


La période de négociations qui précède la formation d’un nouveau gouvernement constitue une chance en or pour que change le statut des citoyens arabes israéliens, pour leur bien et pour le bien d’Israël. Les inclure dans les pourparlers, avec des intentions sincères et honnêtes, pourrait provoquer un changement réel, historique peut-être, dans les relations entre Juifs et Arabes dans ce pays, et dans l’attitude des Arabes envers l’Etat, et aurait des répercussions sur les relations entre Israël et ses voisins.

Dans l’état actuel des choses, l’idée d’incorporer les partis arabes dans la coalition et dans le gouvernement – quel que soit le gouvernement, même s’il est dirigé par Amir Peretz – est loin d’être considérée comme une option possible. Et la réticence existe des deux côtés. Les deux grands partis (Kadima et Parti travailliste, ndt) ne prennent même pas cette option en considération, soit par pragmatisme, soit pour des raisons tactiques (crainte d’être représenté par la droite comme un parti qui formerait un gouvernement qui dépendrait du vote des Arabes), soit encore pour des « raisons de sécurité ».

Ehoud Olmert a défini cette position d’une manière bien connue en déclarant : « Il y a de la place dans ma coalition pour tous les partis sionistes. »

Les partis arabes sont atteints du même syndrome. Ils n’envisagent pas d’être associés à une coalition, et pour des raisons qui n’ont pas seulement trait à l’appel collectif qu’ils avaient lancé de ne pas voter pour les partis sionistes. Certains craignent de faire partie d’un gouvernement qui pratiquerait l’occupation et les assassinats ciblés, d’autres pensent qu’une participation au gouvernement irait à l’encontre de leurs intentions d’aliéner les citoyens arabes par rapport à l’Etat.

Mais les Arabes israéliens, d’après toutes les études menées depuis plusieurs années, souhaitent leur intégration à l’Etat d’Israël. 96% des habitants d’Oum al-Fahm refusent que leur ville soit rattachée à un futur Etat palestinien. Une large majorité des Arabes qui habitent la région du « Triangle » s’oppose avec force au plan d’échange territorial d’Avigdor Lieberman concernant des localités arabes qui ont déclaré sans équivoque leur allégeance à l’Etat d’Israël [[Avigdor Lieberman, leader du parti russophone et xénophobe « Israel Beitenou », fait depuis longtemps campagne pour un « transfert » des populations arabes israéliennes vers un futur Etat palestinien, le plus petit possible bien entendu, contre l’annexion de colonies juives par Israël. La ville d’Oum al-Fahm, très proche de la ligne Verre, et la région du « Triangle », majoritairement peuplée d’Arabes, sont particulièrement dans le collimateur.]]. Les Arabes d’Israël, qui tous sont en faveur d’une solution à deux Etats sur la base des frontières de 1967, ont lié leur destin à celui de l’Etat, et ne voudront pas vivre dans un autre pays. Qu’Israël les paye de retour serait un signe d’espoir en la possibilité de coexister dans une relation de partenariat plein et entier.

Qu’est-il possible de faire dans les circonstances présentes? En 1992, il n’y avait que deux partis arabes à la Knesset : Hadash, dirigé par Toufik Zayad, et le Parti démocratique arabe, dirigé par Abdoulwahab Darawshe. Leur coopération avec le Premier ministre d’alors Itzhak Rabin a permis la formation d’un bloc parlementaire qui empêcha la droite de renverser le gouvernement. Zayad et Darawshe avaient signé un accord avec le Parti travailliste, accord qui était un accord de coalition à tous égards. Ce partenariat fut un succès. La situation des Arabes israéliens s’améliora significativement, et ils commencèrent à se sentir partie intégrante de l’Etat. Rabin fut accueilli avec enthousiasme dans les localités arabes, et le gouvernement tint la plupart de ses engagements.

Zayad lui-même avait déclaré à plusieurs reprises dans des interviews que le moment était venu d’être des partenaires. Cette déclaration, aucun leader arabe en Israël n’oserait la faire aujourd’hui. Zayad et Darawshe, qui avaient des liens très proches avec Yasser Arafat, savaient que grâce à ce partenariat, ils ne servaient pas seulement leur électorat, mais aussi la paix, et donc les intérêts des deux peuples.

De son côté, le gouvernement Rabin avait compris qu’au delà du bénéfice qu’Israël en retirerait en termes d’image, le partenariat avec les Arabes d’Israêl stimulerait leur sentiment d’appartenance et modifierait de façon spectaculaire leur attitude à l’égard de l’Etat. Un plan conséquent fut donc lancé, dont l’objectif était de réduire le fossé qui séparait les secteurs juif et arabe.

Avec un désir sincère des deux côtés, la même chose peut être reproduite aujourd’hui, et même approfondie, par le moyen d’un accord, avant les pourparlers pré-coalition, entre les partis arabes, les travaillistes et le Meretz, ou entre les partis arabes et Kadima, les négociations devant mener à un accord de partenariat. En elle-même, la publication d’un pareil accord provoquerait une immense vague de soutien de l’opinion arabe et nous ramènerait à l’époque de Zayad.

extraits d’une dépêche de Ha’aretz du même jour (4 avril 2006) :

Lundi, une délégation de la Liste arabe unifiée (Ra’am Ta’al) a rencontré Amir Peretz, pour discuter d’une possible coopération sur « des questions spécifiques concernant le secteur arabe et la société israélienne en général », a déclaré le député Ahmad Tibi).
Mardi, le parti Ra’am Ta’al rencontrera également Olmert pour discuter des perspectives de mise en commun de leurs efforts.