[->http://www.haaretzdaily.com/hasen/spages/442127.html]

Haaretz, 22 mai 2004

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


L’Egypte exige que l’armée israélienne cesse au préalable ses opérations
dans la bande de Gaza avant d’y déployer ses conseillers militaires.

D’après un plan égyptien révélé ce mardi au Caire par l’agence de presse
Middle East News Agency, des forces internationales seraient déployées sur
le port maritime de Gaza, après le retrait des troupes israéliennes de la
bande de Gaza.
Le plan égyptien prévoit également la construction d’un nouvel aéroport sur la côte, la réhabilitation de l’ancien aéroport de Gaza, et l’ouverture d’un lien routier protégé entre la bande et la Cisjordanie.

La force internationale postée à Gaza « assurera la sécurité du port et de
l’aéroport, et opérera de concert avec les forces de sécurité de l’Autorité
palestinienne pour éviter qu’Israël se prévale du manque de contrôle sur ces
endroits sensibles », a déclaré une importante source égyptienne.

Le plan égyptien se décompose en trois phases.

La première phase comprend des négociations et un accord entre les deux
parties sur les zones sensibles de Gaza. Ces pourparlers seront menés sous
la médiation d’Omar Suleiman, chef des services égyptiens du renseignement.

Les deux parties déclareraient leur acceptation du plan et s’engageraient à ne pas violer les accords. Les différentes factions palestiniennes devraient, elles aussi, accepter le plan. Les chefs des groupes palestiniens devraient entamer des conversations au Caire à ce propos.

Dans une deuxième phase, Israël commencerait à se retirer de la bande et de
quatre colonies de Cisjordanie. Israël et les Palestiniens reviendraient alors à la table des négociations, pour discuter d’un accord définitif.

Les Egyptiens soulignent que leur plan correspond à la Feuille de route.

D’après une source égyptienne, le president Hosni Moubarak a participé à la
rédaction de ce plan, avant son voyage en Allemagne pour raisons médicales.

Le plan a également été conçu en coordination avec certaines organisations
internationales, dont quelques-unes ont accepté de fournir une assistance financière appréciable pour soutenir le plan. La Banque mondiale, par exemple, a accepté d’apporter un milliard de $ par an pour la réhabilitation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.

Les Egyptiens sont également en discussion avec des représentants du Quartet
et, séparement, des Etats-Unis.

Jordanie : nous attendrons la conclusion des discussions entre l’Egypte et
l’Autorité palestinienne

La Jordanie attendra la conclusion des discussions autour des problèmes de
sécurité qui ont lieu actuellement entre Israël, l’Egypte et l’Autorité palestinienne avant de décider comment assister le plan de désengagement, a dit mardi Marwan Muasher, ministre jordanien des Affaires étrangères.

Entre temps, son collègue égyptien, Ahmed Maher, a exprimé sa confiance dans
le fait que le peuple palestinien accueillerait positivement l’engagement de la sécurité égyptienne dans la bande de Gaza après un éventuel retrait israélien.

« Nous attendrons le résultat des discussions pour nous assurer que les conditions permettent notre assistance », a dit Muasher aux journalistes lors d’une conférence de presse commune à Amman avec Michel Barnier, ministre français des Affaires étrangères.

Muasher a également souligné que la Jordanie agira selon le souhait de l’Autorité palestinienne, et qu’elle est disposée à envoyer des équipes pour entraîner les forces de sécurité palestiniennes, si les Israéliens se retirent des territoires. « Le retrait doit être total, et doit conduire à la fin de l’occupation », a dit Muasher. Pour lui, il est trop tôt pour entamer des contacts israélo-jordano-palestiniens sur les bases de ceux qui ont lieu en ce moment entre Israël, l’Autorité palestinienne et l’Egypte.

Ahmed Maher, le ministre égyptien des AE, a dit mardi lors d’une conférence au Caire : « je sais que le peuple palestinien apprécie le rôle joué par l’Egypte et je ne pense pas qu’un Palestinien, quel qu’il soit, puisse envisager d’attaquer un membre d’un groupe égyptien envoyé en Palestine ». Il faut signaler qu’en décembre dernier, des extrémistes islamistes palestiniens s’en sont pris à la personne de Maher lors d’une visite à la
mosquée d’Al-Aqsa à Jérusalem, après une entrevue avec Ariel Sharon.

L’Egypte a offert d’envoyer à Gaza quelque 200 experts pour ré-entraîner les forces de sécurité palestiniennes. Mais elle exige aussi que les Palestiniens réunissent leurs 12 services en trois, qu’ils stoppent les attentats contre les Israéliens, et que Yasser Arafat cède certaines de ses prérogatives à son gouvernement.

Alors qu’officiellement, l’Autorité palestinienne a accueilli favorablement l’intervention de l’Egypte, un représentant officiel palestinien, et certains groupes radicaux, expriment des réserves. « Nous ne voulons pas nous couper de l’Egypte, mais en même temps, nous ne voulons pas que l’Egypte interfère », a dit mardi Sakher Habash, proche de Yasser Arafat et membre de l’influent comité central du Fatah.

Un programme post-retrait révélé par un chef de la sécurité à Gaza, le général Abdel Razek Majaidie, ne mentionne nulle part l’unification des services palestiniens réclamée par l’Egypte.

Forte opposition des radicaux palestiniens au rôle de l’Egypte à Gaza

Des représentants des principaux groupes radicaux palestiniens, dont le Hamas et le Jihad islamique, critiquent le rôle éventuel des Egyptiens à Gaza. Suite à une réunion qui s’est tenue lundi au Liban, les groupes ont publié une déclaration : « nous sommes surpris, et déplorons ce qui se dit sur un ‘rôle de sécurité’ de certaines parties arabes à Gaza et en Cisjordanie, car notre peuple attend de la nation arabe qu’elle agisse selon
une logique de soutien aux Palestiniens, et non selon une logique de ‘sécurité’, qui ne peut être employée quand il s’agit du peuple palestinien qui défend sa terre et ses lieux saints. Cette référence (à la sécurité) prend le problème à l’envers, le problème étant le peuple palestinien, et non l’occupation ».

Cette déclaration intervient avant un voyage en Israël et dans les territoires palestiniens du chef du renseignement égyptien Omar Suleiman, qui coordonne les efforts égyptiens pour garantir une bande de Gaza stable et ordonnée après le retrait israélien.

La déclaration s’attaque à l’Egypte et à la Jordanie, et qualifie le rôle envisagé par les deux Etats « une tentative de s’emparer du problème palestinien ». Il s’agit de la critique la plus sévère jamais exprimée par ces groupes concernant le rôle de l’Egypte dans la préparation du désengagement et les intentions qu’ils prêtent à la Jordanie en Cisjordanie.

« Le peuple palestinien n’acceptera pas la logique de tutelle, ni le fait d’être considéré comme des apprentis, sans qu’il soit adopté de politique commune palestinienne et arabe » fondée sur la solidarite et l’action commune.

Cette déclaration des groupes radicaux affirme qu’elle considère le retrait israélien de Gaza comme une victoire pour la lutte armée, et qu’elle rejette toute tentative d’exiger des Palestiniens quoi que ce soit en retour.

« Tout retrait doit être inconditionnel, sans garanties pour la sécurité de l’ennemi, et doit constituer un premier pas vers la libération du reste de nos terres. La lutte armée continuera jusqu’à l’expulsion des occupants ».

La déclaration affirme que le désengagement est dangereux « parce qu’il agrandit des colonies en Cisjordanie et isole Gaza du conflit, créant une crise interne palestinienne, et qu’il tente de décider de l’issue du conflit à partir de faits accomplis sur le terrain qui sont soutenus par les Etats-Unis, alliée d’Israël ».