New York Times, 1er novembre 2006

Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant


Ici, à Gaza, peu de gens rêvent de paix. Pour l’instant, la plupart n’osent rêver que de non-guerre. C’est la raison pour laquelle le Hamas propose une trêve à long terme, pendant laquelle les peuples israélien et palestinien pourraient tenter de négocier une paix durable.

En arabe, une trêve se dit « hudna ». Valable pour une période de dix ans, elle est reconnue par la jurisprudence musulmane comme un accord légitime et contraignant. Une houdna va au-delà de la conception occidentale du cessez-le-feu, et oblige les parties à utiliser cette période pour chercher une solution durable et non-violente à leurs différends. Le Coran attribue un grand mérite à ces efforts de promoution de la compréhension entre les peuples. Alors que la guerre déshumanise l’ennemi et rend plus facile le fait de tuer, la hudna permet d’humaniser ses opposants et de comprendre leur position avec pour but de résoudre les conflits inter-tribaux ou internationaux.

Pareille conception – une période de non guerre mais de résolution seulement partielle d’un conflit – est étrangère à l’Occident et a été accueillie avec beaucoup de suspicion. Beaucoup d’Occidentaux à qui je parle se demandent comment on peut arrêter la violence sans mettre fin au conflit.

Je répondrais, pourtant, que cette conception n’est pas aussi étrangère qu’il y paraît. Après tout, l’IRA a accepté de stopper ses actions militaires dans son combat pour libérer l’Irlande du Nord sans pour cela reconnaître la souveraineté britannique. Les républicains irlandais continuent d’aspirer à une Irlande unie et libérée de la tutelle britannique, mais ils veulent utiliser pour cela des méthodes pacifiques. Si l’on avait obligé l’IRA à renoncer à sa vision d’une Irlande réunifiée avant de négocier, la paix ne serait jamais advenue. Pourquoi exiger davantage des Palestiniens, alors que l’on sait que l’esprit de notre peuple ne le permettra jamais ?

Quand le Hamas s’engage à un accord international, il le fait au nom de Dieu et donc tiendra sa parole. Le Hamas a respecté les cessez-le-feu précédents auxquels il s’était engagé, comme les Israéliens le reconnaissent à contre-coeur quand ils répètent souvent : « Au moins le Hamas fait ce qu’il dit ».

Cette offre de hudna n’est pas une ruse, comme certains l’affirment, pour renforcer notre appareil militaire, pour gagner du temps, pour mieux nous organiser, ou pour renforcer notre contrôle de l’Autorité palestinienne. De fait, des mouvements politiques guidés par la foi en Algérie, en Egypte, en Irak, en Jordanie, au Koweït, en Malaisie, au Maroc, en Turquie et au Yémen ont utilisé la hudna pour éviter l’extension d’un conflit. Le Hamas agira exactement de la même manière, aussi sagement et aussi honorablement.

Nous, les Palestiniens, sommes prêts à une hudna pour mettre un terme immédiat à l’occupation et pour entamer une période de coexistence pacifique pendant laquelle les deux parties s’abstiendraient de toute forme d’agression ou de provocation militaires. Durant cette période de calme et de négociation, nous pourrons aborder les questions importantes comme le droit au retour et la libération des prisonniers. Si les négociations ne débouchent pas sur une solution durable, la prochaine génération de Palestiniens et d’Israéliens devra décider s’il faut ou non prolonger la hudna et continuer à rechercher une paix négociée.

Il ne peut y avoir de solution globale du conflit aujourd’hui, ni cette semaine, ni ce mois-ci, ni même cette année. Un conflit à vif depuis si longtemps peut toutefois être résolu en une décennie de coexistence pacifique et de négociations. C’est la seule alternative raisonnable à la situation actuelle. Une hudna conduira à la fin de l’occupation et créera l’espace et le calme nécessaires pour résoudre tous les problèmes en suspens.

A Gaza, peu de gens rêvent. Depuis ces derniers six mois, il est même difficile de dormir. Mais l’espoir n’est pas mort. Et quand nous osons espérer, voilà ce que nous voyons : une hudna de dix ans pendant laquelle, inch’Allah, nous apprendrons à rêver de paix.