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Ha’aretz, 11 janvier 2007

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Tout a commencé avec une déclaration du chef d’orchestre Daniel Barenboim (déclaration un peu hâtive, comme il l’a lui-même reconnu plus tard) où il manifestait sa volonté de créer à Nazareth un orchestre classique de jeunes musiciens. Deux ans plus tard, au centre culturel de Nazareth, le son de cet orchestre nous a émerveillés. Il y avait là 40 jeunes de Ramallah, Nazareth, Bethléem, Haïfa et Naplouse, qui jouaient entre autres du cor anglais, du violoncelle, du trombone et de la contrebasse, pour un concert extraordinaire qui a répondu à tous les critères exigés pour un jeune orchestre.

Ce concert était le résultat d’une pratique intensive lors d’un camp musical de deux semaines, qui a pris neuf mois aux Palestiniens pour l’organiser. Le projet était financé par la Fondation Barenboim-Saïd, l’école de musique de Ramallah al-Kamandjani a contribué, ainsi que l’ensemble belge Ictus (en fournissant des professeurs, dont certains ont joué avec les enfants), et l’association Orpheus de Nazareth. Instruments, autorisations et transport depuis et vers les Territoires, logement et nourriture ont été fournis aux enfants, à leurs professeurs et aux accompagnateurs, même si l’entreprise paraissait perdue d’avance. Certains enfants ont pu rencontrer des membres de leurs familles qu’ils n’avaient pas vus depuis des années. Pour la plupart des enfants, c’était la première fois qu’ils sortaient de leurs villages.

L’élégant centre culturel avait un air festif, et les spectateurs ont pu apprécier une soirée musicale qui n’a sacrifié ni le répertoire ni la discipline. La chef d’orchestre
Anna-Sophie Breuning n’a fait aucunement preuve de complaisance, ni à l’égard des donateurs, ni à celui du public, et elle a choisi des oeuvres exigeantes. La première partie était consacrée au Concerto en Ré mineur de J-S Bach, avec au piano solo le pianiste de Nazareth Bishara Harouni, doté d’une merveilleuse rythmique et d’un son magnifique. Ont suivi des extraits d’autres concertos de Bach (le 5ème Brandebourgeois et le concerto pour violon et haut-bois). Pour le finale, l’orchestre tout entier a joué deux suites de l’Arlésienne de Bizet, en entier, ce qui est rare (exception faite d’un passage particulièrement difficile).

Un miracle de Nazareth : c’est ainsi qu’on pourrait décrire cet orchestre, si l’on ne se rend pas compte des immenses efforts qu’il a dû investir. Le son des instruments à cordes, les progrès des solistes depuis deux ans, la maîtrise que de très jeunes enfants ont acquise à la clarinette et au violoncelle en si peu de temps : tout cela est le résultat de l’ambition des enfants, de la détermination des professeurs et de la générosité des donateurs. Comme en Europe au 19ème siècle et en Israël au début du 20ème, il semble que la musique soit une composante importante de l’aspiration des Palestiniens à l’autodétermination et à l’indépendance.