Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


par Akiva Eldar

Même le plus optimiste parmi les membres du Conseil pour la Paix et la Sécurité ne s’attendait pas a ce qu’une unique publicité dans Haaretz ait pour résultat 200 volontaires pour la campagne en faveur d’une séparation unilatérale.

Plusieurs milliers de personnes ont deja signé la pétition pour « une ligne de sécurité efficace », se fondant sur un raisonnement en termes de sécurité et de démographie, et qui ne tiendrait compte que des gros blocs de colonies en Cisjordanie.

Le general (de réserve) Danny Rothschild, qui préside le Conseil, pense qu’un million d’Israéliens vont signer la pétition, qu’il présentera dans les prochains jours aux partis politiques, afin qu’ils l’intègrent à leurs programmes.

Le professeur Daniel Bartell, du departement education de l’Université de
Tel-Aviv, ne sera pas surpris de la popularité de telles solutions unilatérales. L’un de ses étudiants a récemment remis un mémoire de recherche montrant justement la force de ces idées. Cette recherche se fonde sur une étude d’opinion conduite fin mars par le Smith Institute, auprès d’un échantillon représentatif de la population juive adulte du pays, au moyen d’entretiens avec 385 personnes (marge d’erreur : + ou – 5%).

Le résultat le plus frappant est que, jusqu’à Camp David, près d’un tiers des Israéliens (29%) ont cru que la direction palestinienne voulait la paix. Seuls 8% ont dit qu’ils croyaient encore dans les intentions pacifiques de la direction palestinienne. Ces résultats sont particulièrement intéressants, si l’on tient compte de la tendance, chez les Israéliens, à cacher le fait qu’ils aient pu être des « naïfs qui ont cru Arafat ».

56% des personnes interrogées ont dit qu’ils avaient déjà des doutes sur les
Palestiniens avant Camp David, et, évidemment, continuent à en avoir aujourd’hui. Ce qui est loin de refléter l’euphorie qui a régné dans l’opinion avant le déclenchement de l’intifada.

Comme on pouvait s’y attendre, le changement le plus important s’est produit
dans le « camp de la paix », chez les électeurs de Barak en 2001. 43% d’entre eux ont dit qu’ils avaient changé d’avis sur les intentions des Palestiniens (volonté de paix), 29% ont dit qu’ils croyaient toujours que la direction palestinienne voulait la paix, et 23% qu’ils ne croyaient pas Arafat, même quand ils ont voté Barak.

Parmi les électeurs de Sharon, 17% ont dit qu’ils ont cru par le passé qu’Arafat était un partenaire pour la paix et qu’ils avaient changé d’avis (seuls 1% ont dit qu’ils croyaient toujours qu’Arafat voulait la paix). L’étude montre que 36% des laïques ont changé d’avis, de même que 39% des personnes ayant de hauts revenus. Les religieux et les ultra-orthodoxes ont été plus stables (19% ont changé d’avis), de même que les personnes à bas revenus (20%).

Klein contre Ross

Les auteurs de l’étude se sont demandé pour quelles raisons un si grand nombre d’Israéliens (environ un tiers des personnes interrogées) avaient changé d’avis sur les intentions pacifiques de la direction palestinienne et de son désir de parvenir à un accord avec Israël. La plupart ont opté pour « les Palestiniens ont choisi la terreur et la violence au lieu de la paix » (85% ont choisi cette option en 1er ou en 2ème choix). 58% ont dit que la principale raison de leur changement était que « les Palestiniens ont rejeté l’offre généreuse de Barak à Camp David ».

Ces résultats peuvent expliquer pourquoi Barak a réussi à persuader l’opinion qu’il avait « révélé le véritable visage d’Arafat ».

Dennis Ross, qui dirigeait l’équipe chargée de la paix dans l’administration Clinton, est devenu l’un des principaux promoteurs de la théorie selon laquelle « Barak a tout donné pour la paix, et Arafat a choisi la violence ». En plus de son travail au Washington Institute for Middle East Research, Ross arrondit ses fins de mois en donnant des conférences devant des associations juives, où il explique que les Palestiniens sont responsables de l’échec des négociations. Une interview qu’il a donnée a Fox News est devenue récemment un des documents officiels servant de base au travail de relations publiques du ministère des Affaires étrangères.

Dans cette interview, Ross accuse les Palestiniens d’avoir rejeté les offres généreuses de Barak et de Clinton, sans avoir fait eux-mêmes de contre-proposition. Pour l’ancien diplomate, il est faux de dire que la carte proposée par Barak découpait la Cisjordanie en cantons, et Arafat a trahi sa promesse faite aux Américains d’empêcher une réaction violente à la visite de Sharon au Mont du Temple. Selon Ross, l’offre de Clinton comprenait une promesse de réunir 30 milliards de $ pour les réfugiés palestiniens. Pour lui, l’offre pour le retour des réfugiés se limitait à l’Etat palestinien, et les forces de Tsahal stationnant dans la vallée du Jourdain devaient être remplacées par une force internationale. Il a déclaré qu’Arafat avait dit à Clinton, lors de leur réunion à la Maison Blanche le 2 janvier 2000, qu’il était d’accord avec cette formule, mais qu’il avait posé une série de réserves concernant les réfugiés, Jérusalem, les arrangements de sécurité, et d’autres clauses. Ross, l’honnête médiateur juif, a souligné qu’Arafat avait prétendu que le Temple, que Ross appelle « le coeur de la foi juive », était a Naplouse et non à Jérusalem.

Les commentaires de Ross rendent furieux le Dr Menachem Klein, du Jerusalem
Institute for Israel Studies à l’Universite de Bar-Ilan. Klein, qui a servi de conseiller à l’ancien ministre des Affaires étrangères Shlomo Ben-Ami, vient de terminer l’édition en anglais de son livre sur les négociations de paix, « Briser le Tabou ».

« Ross ne tient pas compte de la proposition d’Arafat à Clinton, concernant une annexion de 9% (de la Cisjordanie par Israël) en échange d’une totale souveraineté (de l’Etat palestinien) sur le Mont du Temple », dit Klein. « Les propositions de Clinton n’ont jamais mentionné les 30 milliards de $, et, de plus, il y avait un certain degré, limité, de retour des refugiés à l’intérieur des frontières d’avant 1967. Contrairement à ce qu’affirme Ross, Israël faisait partie de la force internationale dans la vallée du Jourdain. Il ne tient pas compte non plus de l’exigence d’Israël de contrôler totalement les routes d’accès vers la vallée du Jourdain, ce qui limitait de fait la souveraineté palestinienne, sans parler de l’exigence israélienne de contrôler l’espace aérien. Il ne parle pas du profond débat, au cours du processus de Stockholm, autour des exigences israéliennes en termes de souveraineté et de contrôle, sous couvert de besoins de sécurité. »

Concernant le refus d’Arafat de reconnaître le lien entre le judaïsme et le Mont du Temple à Jerusalem, Klein dit que c’était une réaction à une exigence israélienne de souveraineté sur le Mont, et du droit d’y construire une synagogue. Klein (qui porte une kippa), tient à rappeler à Ross que le coeur de la foi juive est le monothéisme, et non le Temple. « Il justifie les exigences les plus extrêmes d’Israël, que même Gilad Sher (chef de cabinet de Barak) ne sentait pas bien. Est-ce que l’identification à Israël du chef de l’équipe américaine est devenue si grande qu’il en a oublié les avertissements à Washington des Palestiniens, qui disaient qu’il ne fallait pas permettre à Sharon de visiter le Mont du Temple? Et pourquoi n’a-t-il pas convaincu Clinton de mettre son plan sur la table, immédiatement après le declenchement de l’intifada? Son explication selon laquelle Arafat n’était pas prêt à mettre fin au conflit s’applique mieux à Barak, qui a
débuté les négociations avec la carte Sharon-Netanyahou, et a déclaré sa profonde affinité avec Beit-El (colonie, ndt) et Yitzhak Levy (ministre du Parti National Religieux, qui s’était déclaré contre les négociations, ndt). »

Klein affirme que Barak lui a dit le 11 septembre de l’année dernière qu' »il était allé à Taba uniquement pour révéler le véritable visage d’Arafat, et non pour y conclure un accord ». Pour le chercheur de Jerusalem, Ross « ne connaît pas le contexte et les racines de l’intifada, il ne sait pas ce qui est arrivé à la société palestinienne et à ses institutions politiques avant Camp David, ni ce qui s’y est passé depuis le début de l’intifada. Ross décrit l’intifada comme s’il n’y avait qu’un des côtés qui se bat, Israël étant totalement passif. Il s’exprime comme quelqu’un qui représente Israël, pas comme quelqu’un qui devait être un médiateur honnête, et encore moins comme un chercheur. »