Où que nous nous trouvions cette année à Rosh Hashanah, 450 enfants seront à nos côtés sans que nous les ayons conviés. Ils ne frémiront ni ne s’agiteront. Mais nous, oui. Ils étaient vivants l’an dernier, et maintenant ils sont morts.


Cette année, nous partons de zéro, Seigneur. Rosh haShanah est presque là, et vous ne me connaissez plus. Pas après Gaza.

Je croyais que les choses allaient mal l’an dernier. Et l’année d’avant. Il s’avère que je ne savais encore rien.

Plus que tout, j’ai encore besoin de savoir ce qui s’est réellement passé pendant la guerre, cet été. Et, malgré ce qu’il y a en moi de meilleur, je ne veux toujours pas le savoir vraiment.

Ce matin, j’ai pris le Mah’zor [ou Rituel], cherchant quelque forme d’espoir dans l’office de Rosh haShanah. Voici comment s’ouvre le recueil de prières, ce qu’on lit et répète avant de souffler pour la première fois dans la corne de bélier.

Min haMeitzar – Depuis la bande étroite, le lieu cerné de murs, confiné, sombre et terrifiant, l’espace dont le nom même est “Ma Détresse” …

Cette année, nous lisons à haute voix le nom de Daniel Tragerman, aimé des siens, âgé de quatre ans, enfant de Dieu, descendant d’Abraham, tué au kibboutz Nah’al Oz. Que sa mémoire bénie repose, avec le temps, en paix.

Karati Yah – Je t’ai appelé, Seigneur. Je t’ai appelé. Il n’y avait personne d’autre à appeler.

Cette année, nous lisons à haute voix le nom de Kamal Ahmed al-Bakri, aimé des siens, âgé de quatre ans, enfant de Dieu, descendant d’Abraham, tué dans la ville de Gaza. Que sa mémoire bénie repose, avec le temps, en paix.

Annani baMerh’av Yah – Le Seigneur m’a répondu et a défait mes liens, il m’a répondu et placé en un lieu à ciel ouvert, un vaste espace de liberté.

Cette année, nous lisons à haute voix le nom d’Aseel Muhammad al-Bakri, aimée des siens, âgée de quatre ans, enfant de Dieu, descendante d’Abraham, tuée en la ville de Gaza. Que sa mémoire bénie repose, avec le temps, en paix.

Koli Shamata – Tu as entendu ma voix. Tu as entendu mes pleurs.

Cette année, nous lisons à haute voix le nom d’Anas Ibrahim Hammad, aimé des siens, âgé de quatre ans, enfant de Dieu, descendant d’Abraham, tué à Rafiah. Que sa mémoire bénie repose, avec le temps, en paix.

Al Taâlem Oznekha leÊravkhati leShav’ati – Lorsque je crie, ne ferme pas simplement tes oreilles à mes plaintes, au son de ma respiration, à mes soupirs, à mes appels à l’aide.

Cette année, nous lisons à haute voix le nom de Khalid Suleiman al-Masri, aimé des siens, âgé de quatre ans, enfant de Dieu, descendant d’Abraham, tué à Rafiah. Que sa mémoire bénie repose, avec le temps, en paix.

Je ne connais pas la vérité, Seigneur.

Ce que je sais, c’est que tout ceci aurait pu être évité. Mais il n’en alla pas ainsi. Et nous en sommes tous responsables.

Ce que je sais, c’est que tout ceci aurait pu s’arrêter plus tôt, et que ces enfants seraient restés en vie. Mais il n’en fut rien. Et nous en sommes tous responsables.

Touv Taâm veDaât Lamâdeini, ki beMitzvotekha Heêmanti – Apprend-moi à user de discernement et de connaissance, apprends-moi à raisonner, être juste, pondéré et compréhensif, car il fut un temps où j’ai cru en tes commandements.

Cette année, nous lisons à haute voix le nom de Do’aa Mustafa al-Mahmoum, aimée des siens, âgée de quatre ans, enfant de Dieu, descendante d’Abraham, tuée à Rafiah. Que sa mémoire bénie repose, avec le temps, en paix.

Où que nous nous trouvions en ce Rosh haShanah, que nous soyons en quelque synagogue, dehors ou à la maison, 450 enfants de plus seront à nos côtés sans que nous les ayons conviés. Ils se tiendront bien, sans un bruit. Ils ne frémiront ni ne s’agiteront. Mais nous, oui.

Ils étaient en vie l’an dernier, et maintenant ils sont morts. Et nous en sommes tous responsables.