par Ilan Rozenkier pour LPM

Éditorial de la Lettre du 27 octobre 2016

Au moment où cet éditorial paraîtra, une déclaration du Comité du patrimoine mondial de l’Unesco aura sans doute été adoptée dans une version plus ou moins identique à celle qui l’a précédée. Dans un cas comme dans l’autre, cette déclaration est une injure à l’histoire et à la raison par ce qu’elle dit et, plus encore, par l’implicite qu’elle recèle. Elle est pain béni pour les extrémistes israéliens qui se prévalent de ce genre de propos, auxquels on peut ajouter, à titre d’exemples, l’équipe de football palestinienne se laissant photographier avec le portrait d’un terroriste ou bien la campagne annoncée par l’Autorité palestinienne en commémoration du « crime » de la déclaration Balfour, il y a 100 ans.

Autant d’éléments qui alimentent les thèses de l’absence de partenaire et du refus palestinien d’accepter le droit d’Israël à exister en tant qu’État, qu’il soit juif ou non.

Mais les fautes et erreurs de la direction palestinienne ne sauraient en rien absoudre les dirigeants israéliens des leurs.

Qu’ils excipent des errements de l’adversaire pour dresser un rideau de fumée visant à masquer leurs propres agissements est de bonne guerre et ne doit en rien nous surprendre. Il importe donc de ne pas tomber dans le panneau et d’affirmer, sans ambiguïté aucune, ce que nous dénonçons chez les uns et récusons chez les autres.

Si l’on parle beaucoup, à juste titre, des déclarations émanant de l’Unesco, on a peu prêté attention à celles d’Avigdor Lieberman – ministre de la Défense, rappelons-le. Dans un entretien publié lundi matin dans les colonnes du quotidien palestinien Al-Quds, il a certes exprimé son soutien en faveur d’une solution à deux États (au moment où les constructions, tant à Jérusalem-Est que dans le reste de la Cisjordanie, visent à la rendre impossible); mais il s’en est surtout pris à Ma’hmoud Abbas alors même qu’il promettait au Hamas, s’il cessait ses activités hostiles à Israël, que «nous [Israéliens] serons les premiers à investir dans leur port, leur aéroport et leur zone industrielle … Gaza pourrait devenir un jour une nouvelle Singapour ou une nouvelle Hong-Kong».

Outre la tentative un peu dérisoire de s’immiscer dans le choix des dirigeants palestiniens, il se propose d’accorder une prime à ceux qu’il qualifiait hier de terroristes. Vous avez été violents? Qu’à cela ne plaise, tournons la page et voyez tout ce dont vous pourrez bénéficier.

S’agissant de Ma’moud Abbas, qui sans être parfait – mais qui peut se prévaloir de la perfection? – a renoncé, lui, à la violence et enjoint à ses services de sécurité de poursuivre et approfondir la coopération avec Israël (dont les services compétents reconnaissent qu’elle fonctionne et est utile), eh bien lui, Abbas, n’est pas reconnu en tant que partenaire. D’aucuns rappelleront que ce n’est pas nouveau et qu’à plusieurs reprises déjà les autorités israéliennes, au-delà d’un discours menaçant, ont préféré privilégier le Hamas au détriment de l’Autorité palestinienne. Ce n’est pas une raison pour se satisfaire de cette orientation et ne pas s’étonner du silence assourdissant de Benyamin Nétanyahou à ce sujet, voire de le déplorer.

Ne parlons même pas de la « sortie » de Lieberman concernant Umm al-Fahm dont il prône le transfert de la population. Évacuer quelques dizaines de colons d’une implantation illégale sur décision de la Cour suprême israélienne serait, aux dires de Nétanyahou, du « nettoyage ethnique ». Expulser des citoyens israéliens, certes arabes, mais citoyens tout de même ne lui en déplaise, vers un État étranger… ce serait quoi?

Décidément, la campagne SISO s’avère plus justifiée que jamais. Save Israël. Stop the occupation… Nul besoin de traduire, n’est-ce pas?