Ha’aretz, 21 février 2005

Que le désengagement soit constructif

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


En décidant d’autoriser le premier ministre et le ministre de la défense à donner les ordres d’évacuation de territoires, après avoir décidé de l’évacuation de quatre groupes de colonies, le gouvernement vient encore d’éliminer un obstacle supplémentaire qui se dressait devant Israël sur le chemin de sa libération du fardeau de l’occupation et d’une portion significative de la Cisjordanie. Si le gouvernement surmonte l’épreuve du [vote du] budget, les habitants du premier groupe de colonies (Morag, Netzarim et Kfar Darom) reviendront le 20 juillet sous la souveraineté de l’Etat d’Israël. L’étape suivante sera l’évacuation de la zone nord de la Cisjordanie, puis les colonies du Goush Katif. L’évacuation des colonies du
nord de Gaza, Alei Sinai, Dugit et Nissanit, scellera l’application du plan de désengagement.

Bien qu’il ne reste que cinq mois avant que le signal soit donné pour les premières évacuations, le gouvernement n’a pas encore formulé sa position sur le sort des maisons et des équipements publics, agricoles et industriels qui se trouvent dans les colonies. Les terribles scènes de bulldozers écrasant les maisons de Yamit et des moshavim alentour, détruisant les serres et les jardins, menacent de se reproduire. Certains prétendent que les Palestiniens ne sont pas intéressés par des constructions qui s’étendent sur d’importantes surfaces de terres, et préféreraient loger des habitants des camps de réfugiés dans de hauts immeubles. On dit aussi que le souci existe, au sein de l’Autorité palestinienne, que les villas des colonies ne deviennent sources de conflits entre organisations et gangs, qui se hâteraient de prendre possession de biens abandonnés. On discute aussi de la possibilité de démolir les constructions dès l’évacuation achevée, pour empêcher les radicaux [israéliens] de droite de s’emparer des
infrastructures et de refuser de partir.

Si les Palestiniens ne veulent pas des maisons, qu’ils les détruisent. Les forces de sécurité israéliennes doivent consacrer tous leurs efforts à faire échec aux opposants au désengagement, qui occuperaient des biens abandonnés. Si le gouvernement pratique la politique de la terre brûlée, ce serait une grave erreur. L’image d’un bulldozer israélien sur les décombres d’une maison ne cadrerait pas bien avec les milliers de mots prononcés sur le souhait de transformer un retrait historique en un levier pour rétablir la confiance entre Israël et les Palestiniens. De plus, il a été rapporté hier que le coût d’une démolition des constructions atteindrait environ 80 millions de shekels. Le ministère de l’environnement a souligné d’autre part la difficulté qu’il y aurait à évacuer des milliers de tonnes de gravats.

D’importants représentants des Etats-Unis, de l’Union européenne et d’autres pays, qui souhaitent contribuer au succès du plan de retrait et aider le gouvernement palestinien à asseoir son autorité, se réunissent à Londres la
semaine prochaine. Ils offriront de généreuses aides économiques, qui
permettront la création d’emplois et de logements pour les habitants de Gaza. Les contribuables des pays donateurs auraient du mal à comprendre pourquoi ils devraient payer pour la construction de logements et d’infrastructures alors qu’Israël détruit des maisons et des serres.

Israël, plus que tout autre protagoniste à l’exception de l’Autorité palestinienne, a intérêt à ce qu’un « plan Marshall » pour les territoires réussisse, qui ferait sortir les jeunes des rues, des mosquées et des laboratoires à explosifs.

Le gouvernement ferait bien de déclarer immédiatement – et le mieux serait de le faire avant la conférence de Londres – qu’il a décidé de négocier avec l’Autorité palestinienne le transfert des maisons et des infrastructures à l’Autorité palestinienne ou à une institution internationale qui ait l’agrément des deux parties.