[« Les colons sont comme la centrale nucléaire de Fukushima – un projet grandiose aux proportions gigantesques implanté au mauvais endroit sur la base d’hypothèses erronées », écrit Ari Shavit, chroniqueur à Ha’aretz. La mise en garde est sévère : cette danse au bord du réacteur risque, par-delà les Territoires, d’entraîner Israël dans l’éruption.]


À plusieurs reprises cette semaine, des textos du lobby des colons, « Yesha », ont fait vibrer mon portable. La première fois, c’était une phrase du ministre Gideon Sa’ar : « Nous devons reprendre les constructions en Judée et Samarie. » Puis vinrent les mots du ministre Gilad Erdan : « Lâchez les freins à la construction en Judée et Samarie. » La troisième fois, ce fut le tour du député Zeev Elkin : « Il est temps de construire des villes en Judée et Samarie. » La quatrième fois, on cita le député Yariv Levin : « J’exige la délivrance immédiate de permis de construire dans les villes de Judée et Samarie par le gouvernement et le ministre Barak. » Le cinquième citait le ministre Moshé Ya’alon : « Nos deuils nous imposent de construire et développer les implantations en Judée et Samarie. »

J’ai d’abord pris tous ces textes pour une farce de Pourim. Après tout, il est inconcevable que gens intelligents comme Sa’ar, Erdan et Ya’alon n’aient pas encore compris quel désastre les implantations nous ont amené. Il est impensable qu’un homme sensé comme le dirigeant du conseil des colonies ne comprenne toujours pas quel désastre nous apporteraient de nouvelles constructions dans les colonies. Il n’est pas possible que les colons aient à ce point la tête dans les nuages.

Mais après cinq ou six messages, je me suis rendu compte qu’il ne s’agissait ni d’une farce, ni d’un poisson d’avril. Ces esprits vagabonds errent vraiment, l’aveuglement de ces aveugles est total. La droite n’a rien appris et rien oublié, elle a continué de vivre dans un univers parallèle. Il n’y a donc aucune porte de sortie. C’est à la droite d’adresser un texte en réponse à ces types. Le voici :

Les colons sont comme la centrale nucléaire de Fukushima – un projet grandiose aux proportions gigantesques implanté au mauvais endroit sur la base d’hypothèses fausses. Les constructeurs de la centrale électrique japonaise n’ont pas pris en compte le fait que la terre tremblerait un jour à la magnitude de 9 sur l’échelle de Richter. Pas plus que les bâtisseurs des colonies. Les constructeurs de la centrale électrique japonaise n’ont pas pris en compte le fait qu’un jour le tsunami la frapperait. Pas plus que les bâtisseurs des colonies. Mais là-bas comme ici la terre a tremblé. Le tsunami a frappé. La centrale électrique de Fukushima s’est muée en cauchemar ; tout comme le projet des implantations.

Il faut dire les choses telles qu’elles sont : ce ne sont pas les colonies qui ont causé le conflit israélo-palestinien, et leur donner un coup d’arrêt ne mettra pas fin au conflit. Mais elles induisent l’escalade du conflit et poursuivre la construction dans les implantations amènera Israël à les perdre. Aussi les colonies doivent-elles être arrêtées, non seulement au nom de la paix, mais au nom de la sécurité nationale. Afin d’assurer l’avenir d’Israël et de sauver le sionisme.

On peut débattre de la question morale. La gauche dira que les colonies sont résolument immorales, la droite dira qu’elles sont suprêmement morales. Mais au plan de la réalité politique, aucune discussion n’est possible. Les colons ont gagné la bataille dans les collines, mais l’ont perdue dans le monde. De ce fait, les implantations sont aujourd’hui en dehors des frontières internationales légitimes. Et elles placent Israël en dehors des frontières internationales légitimes.

Le nuage radioactif d’illégitimité qui s’élève des colonies se dirige vers Israël et met son existence en danger.

Lors de la construction de la centrale électrique de Fukushima, dans les années soixante-dix, on pouvait croire qu’elle supporterait n’importe quel séisme ou raz-de-marée. Lors de la construction des implantations, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, on pouvait croire qu’elles supporteraient n’importe quelle tempête politique. Aujourd’hui, il est clair que ces deux espoirs se sont brisés. Les hypothèses de base de la compagnie japonaise et celles du Goush Emounim (mouvement messianique qui prêche la souveraineté israélienne dans les Territoires) se sont révélées sans fondement. Elles ont conduit à la construction de générateurs d’énergie sur la ligne de fracture la plus dangereuse qui soit.

Après ce qui s’est produit, il est inconcevable que les Japonais installent un septième et un huitième réacteurs sur la côte. Après ce qui s’est avéré, il est inconcevable Israël installe d’autres colonies dans les collines. L’avenir nous regarde droit dans les yeux – un projet massif construit il y a quarante ans menace l’État qui l’a construit.

Les radiations qui s’en échappent sont mortelles. Assez de textos, les gars. Arrêtez de divaguer dans l’éther. Il est temps de geler les implantations, de les fermer et de chercher d’autres sources d’énergie. Il est temps de rentrer à la maison.