Ha’aretz, 25 janvier 2009

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Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


L’engagement pris par le président Barack Obama de « rechercher avec agressivité la paix au Moyen-Orient » est tiré de la boîte à outils du processus de paix de George Mitchell [nommé émissaire spécial par Obama, ndt]. Ne vous y trompez pas, Mitchelll est un type bien, qui a réussi à faire avancer le processus de paix en Irlande du Nord. Le nouveau président américain ne peut pas être accusé de ne pas avoir l’intention de faire avancer le processus de paix avec agressivité. Et même, on n’attend de lui que cela.

Malgré tout, l’expérience passée du sénateur Mitchell sur la scène du Proche-Orient devrait nous alerter. Mitchell, qui en 2001 avait écrit un rapport sur le début de la deuxième Intifada, rapport qui contenait un certain nombre de propositions à la fois sages et réalisables, a dit à Aaron Miller, conseiller auprès de six secrétaires d’Etat, que « l’administration [américaine] s’attendait à ce que ses recommandations se mettent en œuvre d’elles-mêmes », car personne dans ladite administration n’avait envie de les pousser.

Au sein de l’administration israélienne, en revanche, il y eut ceux qui ont torpillé ces recommandations,puis celles de George Tenet, puis la Feuille de route, apparue plus tard. Le secret de l’échec du plan et du succès de la manipulation israélienne repose sur trois mots : « confidence building measures » (mesures de renforcement de la confiance). Ce fut le fil dans lequel le processus tout entier s’est emmêlé les pattes.

Toute phrase parue dans les médias palestiniens, toute incitation à la violence, réelle ou imaginaire, tout tir, intentionnel ou non, devenait le test ultime de ces « mesures de renforcement de la confiance ». Chaque côté se préoccupait jusqu’à en devenir fou de recueillir la preuve que l’autre détruisait la confiance de l’autre. L’objectif d’Israël était de bloquer le passage de l’étape des fameuses mesures à celle de la reprise des négociations. L’objectif des Palestiniens était de prouver aux Américains qu’Israël ne respectait pas les conditions du plan Mitchell. Chaque côté a mené une guerre de preuves à destination de l’administration américaine. Les négociations diplomatiques furent oubliées et le rapport Mitchell finit dans un tiroir [Voir par exemple [« Sharon et Arafat, partenaires de guerre » ]].

Obama, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton et les représentants de Mitchell pourraient, dans environ trois semaines [les élections israéliennes ont lieu le 10 février, ndt], avoir affaire à une nouvelle administration israélienne, qui sera « heureuse » d’adopter une fois de plus le plan Mitchell en même temps que la bombe à retardement des « mesures de renforcement de la confiance ». Quand un stratagème marche, on le brevète. Israël de Benjamin Netanyahou et Tzipi Livni ressortira donc la défunte Feuille de route et recommencera à lister une série de conditions que les Palestiniens doivent remplir pour mériter le titre de « partenaire ». C’est ainsi qu’Israël agit en général quand les Américains viennent relancer le processus de paix : « Bien sûr, nous voulons la paix et toute initiative américaine est bienvenue, mais voici une liste de 14 (ou 24) objections », dit en général Israël. Commençons par en discuter et, ensuite, nous verrons comment avancer. Après tout, il nous faudra bien supporter 4 ans d’administration américaine.

L’administration Obama ne peut pas faire de miracles. Elle ne peut pas faire la paix quand l’un des partenaires préfère les colonies et l’autre n’exerce pas réellement le pouvoir. Mais ce qu’elle peut faire, c’est placer le conflit israélo-palestinien dans le contexte du Moyen-Orient, où les Etats-Unis ne seront pas seulement un médiateur-conseiller qui vient poser quelques idées sur la table et laisse un numéro de téléphone pour ceux que cela intéresserait, mais une puissance avec ses propres intérêts, pour qui le processus de paix israélo-palestinien s’inscrit dans une nouvelle stratégie en termes de sécurité nationale.

Cette ligne pourrait conduire l’administration américaine à parler directement à la Syrie, entamer un dialogue sérieux avec l’Iran, s’assurer qu’un gouvernement palestinien uni où le Hamas serait partie prenante n’est pas incompatible avec cette ligne, et décider que l’initiative de paix saoudienne [devenue initiative de la Ligue arabe, ndt) n’est pas seulement l’une des composantes de l’initiative , mais sa composante la plus importante. Plus important encore, cette ligne pourrait mener la nouvelle administration américaine à dire clairement aux parties que les mesures de renforcement de la confiance ne seront plus une condition préalable à des accords de paix, mais plutôt leur résultat.

Les traités de paix entre Israël et l’Egypte et la Jordanie n’ont pas demandé de démonstrations préalables de bonne foi avant d’être signés. Il y a là un contexte où Israël ne détermine plus seul les conditions de base à remplir, mais les respecte. Voilà l’innovation qu’Obama peut proposer s’il a réellement l’intention de réussir quelque chose au Proche-Orient, et non de se contenter d’observer des plans qui s’appliqueraient tout seuls.