«Le Premier ministre israélien se choisira-t-il en Mena’hem Begin, en Yitz’hak Shamir, ou en Ariel Sharon?», tel est l’enjeu de la paix alors que Benyamin Nétanyahou s’entête à ménager la chèvre et le choux dans sa coalition comme sur la scène internationale.

D’où ses apparentes contradictions et la valse-hésitation à laquelle nous assistons sans relâche. Mais quid de l’image qu’il laissera dans l’histoire? S’il finissait par s’en préoccuper, peut-être choisirait-il enfin de sortir d’un immobilisme pour lui si confortable et pour Israël si périlleux.


Benyamin Nétanyahou arrive au moment où il lui faut penser à l’héritage historique qu’il laissera en termes de ligne politique à l’égard des Palestiniens et du monde arabe; il a pour choix trois modèles de Premiers ministres issus du Likoud: Mena’hem Begin, Yitz’hak Shamir et Ariel Sharon.

Pour l’instant, il suit la ligne Shamir de maintien obstiné du statu quo – en permettant l’extension des implantations et en sapant progressivement l’image d’Israël sur la scène internationale, ainsi que la viabilité d’un futur État palestinien, sans rien faire pour les chances de relance du processus de paix.

L’immobilisme a semblé réussir à Shamir – jusqu’à ce que la première intifida l’ait saisi par le fond du pantalon, le traînant à la conférence de paix de Madrid et ouvrant la voie aux accords d’Oslo.

Quand bien même Nétanyahou surpasserait le record de longévité au pouvoir de David Ben-Gourion, s’il continue dans la voie actuelle il restera peu à dire des années Bibi, tout comme il y a peu d’avancées diplomatiques qui vaillent qu’on se souvienne de l’ère Shamir.

Le conflit excepté, on se souviendra surtout de Shamir comme l’initiateur de l’extraordinaire pont aérien qui conduisit en Israël les Juifs d’Ethiopie grâce aux opérations Moïse et Salomon. Nétanyahou n’a pas semblable palmarès à son actif pour équilibrer son bilan. L’économie, autrefois son étendard, plonge; la révolution high-tech lancée par Yitz’hak Rabin et accompagnée par Nétanyahou dégage peu de profits pour la vaste majorité de la population; les privatisations à la Thatcher qu’il a effectuées ont accru la concurrence, mais aussi aidé à nourrir une nouvelle génération d’oligarques israéliens dont les profits obscènes et la main-mise sur les richesses du pays sont source d’une préoccupation grandissante.

Alors qu’il aborde la pente descendante de sa carrière, j’imagine que Nétanyahou doit être tenté de frapper à l’arrivée un coup qui imprime une trace plus profonde dans l’histoire que le prix du cottage et les représailles.

Décidera-t-il après Sharon de suivre sa voie personnelle, de faire exploser son propre parti et de changer radicalement de cap à l’instar du retrait de la bande de Gaza que celui-ci décréta? Ou lorgne-t-il sur l’exemple donné par Begin qui mena non seulement le Likud, mais le pays tout entier, à une dynamique de paix avec l’Égypte?

Il y a juste deux mois, Nétanyahou laissait entendre qu’un bouleversement diplomatique radical était en train de s’opérer. Il parla des «nombreuses possibilités nouvelles», survenues après la guerre de Gaza dans un paysage diplomatique différent engendré par la peur de la montée du groupe État islamique dans le monde arabe, et par la lassitude vis-à-vis de la pensée unique destructrice du Hamas.

Les Palestiniens ont fait leur part du chemin, en tenant contre toute attente à Gaza leur premier conseil des ministres depuis 2007, montrant clairement par là que Mahmoud Abbas est le patron; Abbas a également accordé à Israël un délai supplémentaire d’un an pour engager des pourparlers significatifs avant de reprendre des initiatives unilatérales dans l’arène internationale. La communauté internationale elle aussi a fait sa part, en acceptant de financer la reconstruction de Gaza pour la troisième fois en dix ans.

Les États arabes ont redit que l’Initiative de paix saoudienne – devenue celle de la Ligue arabe – est toujours sur la table.

Jusqu’ici Nétanyahou a esquivé toute réponse à l’une quelconque de ces évolutions. Aucun gouvernement israélien n’a jamais réagi à l’Initiative de paix arabe. En lieu et place, de même que Shamir, il laisse Israël glisser dans la paralysie diplomatique, tout en permettant aux implantations de grossir – une politique qui apporte peu aux Israéliens, attise la haine parmi les Palestiniens et excède la communauté internationale. Israël ne peut se permettre de se croiser les bras pendant que les troubles augmentent à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, et que le flot des critiques diplomatiques monte à l’étranger.

Nétanyahou assure aux Israéliens qu’il a gagné la guerre à Gaza, mais à moins qu’il ne cesse de se conduire comme Shamir et suive l’exemple de Begin ou Sharon, il risque de perdre la paix.