S’exprimant à Tel-Aviv devant une foule anglophone, le président de HaBayit HaYehudi, Naftali Bennett a tenté de se distancier de sa propre affirmation, la semaine passée, selon laquelle il refuserait d’obéir à l’ordre d’expulser des Juifs des colonies.

Réserviste de Tsahal avec le grade de lieutenant-colonel, le président de ce minuscule parti religieux et ultra-nationaliste qui engrangeait sans fin des voix ces derniers temps – au point d’être crédité d’un nombre de sièges à la Knesseth de 2013 lui assurant le rang de troisième parti en importance – a vu son élan à peine freiné par la polémique (si l’on en croit le sondage réalisé pour Ha’aretz par Dialog sous la supervision du professeur Camil Fuchs du département de Statistiques de l’université de Tel-Aviv et publié le 2 janvier).

Essayant toutefois le dimanche 23 de rectifier sans la renier cette incitation à l’insoumission, il s’est laissé une porte de sortie en parlant du devoir d’obéir aux “ordres démocratiques”. Cette réserve fut introduite dans le droit israélien après qu’au premier soir de la guerre de 56, les hommes de Kafr Qassem (dans le petit Triangle arabe de la région centre), qui violaient en rentrant du travail un couvre-feu dont ils ignoraient l’existence, eurent été fusillés en masse sans plus tergiverser – suivant les ordres formels d’une chaîne de commandement qui remontait jusqu’à Ben-Gourion lui-même. Verrons-nous se développer autour de cette clause de conscience obligatoire un pilpoul d’un genre nouveau sur le mot “démocratie” ?


À l’issue de ce qu’il a décrit comme « un week-end de folie », le président de HaBayit HaYehudi, Naftali Bennett [1], s’est démarqué des propos, tenus par lui la semaine passée, selon lesquels il refuserait d’obéir à l’ordre d’expulser des Juifs de leurs maisons dans les Territoires palestiniens.

S’exprimant en anglais devant une large foule internationale massée au port de Tel-Aviv dimanche soir, Bennett, réserviste de Tsahal, décrit un tel ordre comme « plus qu’on ne saurait en supporter », mais dit que le devoir d’obéir aux ordres surpasse les convictions personnelles de chacun.

« Tout soldat doit obéir aux ordres démocratiques qui lui sont donnés, moi compris », a-t-il affirmé avant de lancer le débat sur son expérience d’homme d’affaires et son programme politique.

En tant que chef du parti de droite HaBayit HaYehudi, il a déclaré avoir la double mission de « restaurer l’âme juive dans le peuple d’Israël » et « de rendre la vie possible en Israël à tous [les Juifs], en particulier les jeunes. »

Concernant le conflit israélo-palestinien, Bennett a dit en synthèse : « Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir, à jamais, pour empêcher un État palestinien d’être fondé en Terre d’Israël [2]. »

Une fois élu, sa première priorité serait de rendre les logements plus accessibles, a-t-il expliqué, observant que les prix de l’immobilier ont augmenté de 40 % durant le mandat du Premier ministre Benyamin Netanyahu.

« Tout est trop cher, et Israël est carrément l’un des endroits du monde où la vie est la plus dure en termes de prix », a-t-il ajouté. « Je vois quasiment cela comme non-sioniste. »

Appelant les ultra-orthodoxes « nos frères et sœurs », Bennett a précisé que l’étude de la Torah [la Bible hébraïque] est vitale pour le peuple juif, mais que « la situation actuelle, où la majeure partie des H’aredim [litt. les “craignant-Dieu”] ne travaillent ni ne servent [dans l’armée] est impossible à soutenir, inacceptable » – déclaration qui souleva de forts applaudissements.

Au lieu de contraindre tous les ultra-orthodoxes à servir dans l’armée, dit encore Bennett, l’État doit offrir plus d’options à ceux qui veulent trouver une façon de faire leur service. Il a raconté avoir mené sa propre recherche et constaté que le nombre d’ultra-orthodoxes prêts à s’engager dans l’armée, ou dans le cadre d’un service national quand d’autres options leur seront ouvertes, est bien plus important.

« La plus lourde des sanctions pèse déjà sur eux, la misère, a-il statué. Ils n’acceptent plus la pauvreté, en particulier les jeunes. »

[…] Faisant allusion au tollé soulevé par ses remarques quant à l’insoumission aux ordres [d’évacuation forcée de colons par l’armée], il a cité le président Roosevelt, pour qui il n’était « pas d’effort sans erreur ni lacune ». Imitant un lourd accent israélien en anglais […], il nota qu’en hébreu les mots de “compétence” et de “responsabilité” n’existent pas.

[Pour l’un des auditeurs présents, un jeune homme originaire de Baltimore qui s’est dit séduit] par son profil de « self made man à l’américaine », capable de « travailler efficacement sans user de corruption », il lui manque cependant le charisme d’un Bibi.


NOTES

[1] Fortune faite dans la bulle informatique, le quadra Naftali Bennett (il est né en 1972 de parents venus s’installer en Israël depuis les États-Unis) a dirigé de 2010 à début 2012 le Conseil régional de Yesha (contraction de Yehudah-la Judée et Shomron-la Samarie, les désignations bibliques du sud et du nord des territoires conquis en 1967 sur la rive occidentale du Jourdain) qui regroupe l’ensemble des implantations. Leader du mouvement pro-colonies Yisrael Sheli-Mon Israël, il a été élu cet automne à la tête de l’ultra-nationaliste Bayit haYehudi-Maison juive (avatar de l’ancien Parti national-religieux d’où sortit le Goush Emounin), joignant la centralité du judaïsme à l’attachement au Grand Israël. Les déçus de l’alliance Likoud-Yisrael Beïtenou, se retournent vers lui, créditant son parti d’une progression foudroyante.

[2] Il entend par là, bien sûr, Eretz Israel haShlemah, le Grand Israël incluant la Cisjordanie.